dimanche 1 octobre 2023

Le Tertre Marie-Dondaine dans le quartier de Robien à Saint-Brieuc, un site à découvrir.


Le Tertre Marie Dondaine, dans le quartier de Robien à Saint-Brieuc c’est un site à découvrir, un lieu remarquable sur le plan géographique, un lieu chargé d’histoire, un lieu d’avenir !

 

Affiche Coccolithes pour la fête organisée sur le Tertre en 2019.

 

Quelques repères géographiques

Saint-Brieuc possède plusieurs points hauts, appelés Tertres : Le tertre Notre-Dame (appelé autrefois le tertre Buette), le Tertre aux lièvres  au dessus du Gouédic, le Tertre Aubé (proche de Rohannec)...

Le Tertre Marie-Dondaine, dans le quartier de Robien est aussi l’un de ces lieux remarquables.

Sur un plan ancien de Saint-Brieuc entre 1814 et 1847, on voit que cette zone ne possède pas de propriétés bâties, elle n’est constituée que de lieux dits qui portent le nom des champs ou des prés avoisinants : Le Pré Chênaie, champ sur les sentiers, les Prés Sots, les Petits prés…

Le point le plus haut est évoquée par ce qui est appelé le « Signal du Pré Tison ».

 

Plan 1814-1847. Archives municipales.

 

Dans l’étude des noms de lieux (toponymie), lorsqu’on trouve un Signal, il s’agit le plus souvent d’un point en hauteur qui correspond au « Signal de Cassini ». Un signal indique un lieu qui a servi à faire des mesures cartographiques de l'époque et Cassini est le nom d’une famille de géographes qui, sur quatre générations, se succèderont pour établir une cartographie entière de la France, appelée Carte de Cassini.

D'après l'historien briochin Jean-Baptiste Illio, une pierre rectangulaire, appelée "Signal" aurait servi de repère dès 1715 puis en 1805 pour l’établissement de la première carte topographique de la France, appelée « carte de Cassini ». Chaque borne située sur un point haut matérialise ce qui est appelée « signal de Cassini ».

 

Quartier de Robien en 1814, dans "Histoire de St Brieuc, J.B Illio"



Ci-dessous, cette carte générale de la France montre les principaux triangles qui servent à la description géométrique de la France, levée par ordre du Roi par Messirs Maraldi et Cassini de Thury, de l'Académie Royale des Sciences. Elle est datée de l'année 1744. (lien sur Gallica en cliquant ici)

Le point "T de St Brieux" pourrait être le signal du Pré-Tison


Plus tard, en 1925, l’évêque préside l’inauguration d’une croix dressée en retrait de la rue du Pré-Chesnay, tout à côté de la borne de Cassini. Mais cette borne disparaitra malheureusement en même temps que la croix au milieu des années 60.

 

Pourquoi ce nom de Marie-Dondaine ?

Dans un article de Ouest-France, du 31 octobre-1er novembre 1995, le journaliste pose la question à Marcel Blivet, un ancien habitant du tertre.

M. Blivet semble être la seule personne à se souvenir de l’origine de ce nom. Il fait remonter cette histoire au temps où ses grands-parents habitaient rue Luzel et où Auguste, son propre père né en 1900, venait jouer sur le tertre : «A cette époque, il y avait une femme ermite qui logeait dans un talus. Elle s’appelait Marie. Comme elle était de forte taille, tous les enfants l’appelaient la Marie-Dondaine. Les parents en avaient fait une sorte de croque-mitaine et interdisaient aux enfants d’y aller ». 

Dans les années 1920, on trouve cette appellation dans plusieurs articles de presse.

Par exemple, le journal La Croix des Côtes-du-Nord fait le compte-rendu de la fête patronale du dimanche 26 juillet 1925 et mentionne qu'après la bénédiction "la procession se met en marche vers le tertre bien connu de la Marydondaine".

Ce n’est que par une délibération du Conseil municipal du 19 juin 1967 que le nom de Tertre Marie-Dondaine est donné à cet espace.

 


L’espace naturel se réduit et la population du Tertre augmente

A la fin du XIXe siècle, le quartier change, en partie avec l'arrivée du train et de l’impressionnante usine des Forges-et-Laminoirs. 

En 1884, l'historien Jules Lamare se promène dans les parages et regardant vers le sud il est séduit par le Tertre : « Au-dessus de cette usine, à côté de son réservoir, est le point culminant du versant sur lequel la ville de Saint-Brieuc est assise. On y voit encore la borne qui servit, au commencement de ce siècle, aux opérations du cadastre.

De cette hauteur, l’œil embrasse les riches campagnes de Ploufragan, de Trégueux et de Langueux. À droite, on peut suivre le train de Pontivy, longeant le bois des Châtelets, et gravissant les premières pentes qui conduisent aux montagnes du Mené ».

Le Tertre est progressivement habité au début du XXe siècle avec la création de la rue du Pré-Chesnay qui le borde au nord. Cette rue a d’ailleurs coupé le Tertre en deux parties quand elle a été prolongée vers l’ouest. L’usine Glémot, construite en 1934, a également beaucoup changé la physionomie du tertre en occupant un point haut.


Photo aérienne 1946. Annotations RF

Sur le plan géographique le Tertre Marie-Dondaine a été modifié à deux reprises. D'une part quand une petite ligne de chemin de fer a été créée pour relier l'usine Sambre-et-Meuse et d'autre part pendant la Seconde Guerre mondiale où le tertre a été arasé par les troupes américaines qui ont installé des batteries anti-aériennes. De nombreux rochers ont alors disparu.

La photo aérienne ci-dessous montre assez bien qu'il y avait deux parois avec une saignée pour laisser passer la petite ligne de chemin de fer. Par la suite, d'autres terrains au sud de la voie ferrée ont été arasés et c'est ce qui donne cet aspect de falaises de nos jours. Plusieurs bâtiments ont été construits sur ces emplacements, une fois les terrains aplanis.

Avant on accédait au Tertre par de petits sentiers en pente douce. L'aspect était vallonné  de la rue Émile Zola en direction du tertre.

 

Photo aérienne années 40. Archives municipales


"Falaise" créée artificiellement entre la rue Emile Zola et le Tertre Marie-Dondaine

 


Dans l'herbe au pied de cette "falaise", jusqu'en 2022, on trouvait encore des vestiges de la voie ferrée qui passait là. Ces vestiges ont disparu depuis octobre 2022 malheureusement.

 

Morceau de rail. Photo RF

Morceau de rail. Photo RF


Trace encore visible de la voie ferrée, rue Émile Zola
 

Quelques maisons ont également été construites en partant de la rue Luzel et en remontant sur une cinquantaine de mètres. Une scierie était également présente dans les années 30 et jusqu’à la fin des années 40 mais il n’en reste presque rien. A la même époque, on trouvait une quinzaine d’habitations (dont une dizaine de baraques construites par le propriétaire de la scierie) et aussi des gens du voyage logeant dans des caravanes et dans des constructions légères.

 

La baraque de la famille Corack sur le tertre. Photo Claude Corack

 

Les habitants du Tertre recueillaient l’eau de pluie pour leurs besoins quotidiens. Dans les  années 60, la vie était encore difficile mais les habitants du Tertre avaient à disposition un point d’eau potable. Ce robinet, installé par la municipalité, était accessible à tous.  Une nouvelle maison en dur a été bâtie, elle était en partie basse électrifiée. Les premiers habitants ont été remplacés par d’autres qui n’avaient pas connu la misère totale, tous étaient partis au début des années 90.


Les différents projets d’aménagement : le Tertre Marie-Dondaine résiste

Le tertre a été occupé au XXe siècle mais pas par des habitations en dur. 

Si ce tertre est toujours à l’état naturel c’est parce que les différents projets d’aménagement de cet espace n’ont pas abouti. 

Pour commencer, en 1965, Édouard Quemper, l'adjoint au Maire de l'époque chargé des sports, prévoit de créer des installations sportives sur le Tertre.

 

Plan paru dans le journal municipal Le Griffon. 1966 numéro 4.


 

Puis un projet de groupe scolaire est conçu par la ville de Saint-Brieuc, mais rien ne sera fait...

Projet de groupe scolaire. Plan des archives municipales

Projet de groupe scolaire. Plan des archives municipales

 

Un plan de la ville de 1980 fait apparaitre une rue Marie-Dondaine qui traverse complètement le Tertre.


 

Les élus en visite. 1985

Au début de l’été 1985, les élus sont conviés par le Comité de quartier de Robien pour effectuer une visite sur le terrain. Le journal Ouest-France fait un compte-rendu et souligne que tertre Marie Dondaine constitue un point noir sur lequel le comité veut des réponses concrètes. 

Ses responsables affirment : « Le terrain a besoin d’un assainissement complet. Il devient urgent de démolir les cabanes en tôle et de débroussailler. Avant tout, nous demandons le respect de la propreté. Il ne faut plus que le Tertre serve de dépôt d’ordures. Par ailleurs, une partie du terrain qui appartient à la Ville est occupé par des nomades. Nous avons demandé que les services municipaux y apposent des panneaux interdiction de stationner. »

Les élus en visite sur le tertre, Claude Saunier et son équipe. 1985

 

Sur la photo ci-dessous, on aperçoit une baraque qui tient encore debout et la caravane de la famille Blivet.

Les élus en visite sur le tertre, sous l'oeil attentif du comité de quartier. 1985
 

Une cabane du Tertre en 1985.

 


Le tertre vidé de ses cabanes


Photo aérienne. Archives municipales

Photo aérienne. Archives municipales


Une opération d'urbanisation. 1987

En 1987, est lancée la création d’une Z.A.C (Zone d’Aménagement Concerté) à vocation de logements, d’activités commerciales et de bureaux. Michel Fraboulet, l'adjoint à l'urbanisme, déclare dans Ouest-France qu'il espère bien alors "redynamiser le quartier et transformer son image de marque par un habitat diversifié...". L'opération immobilière pourrait voir sortir de terre  entre quarante et soixante-dix logements. Des échanges de terres, sans expropriation, ont été réalisés par la municipalité. 

Devant une cinquantaine d’habitants de Robien, M. Morel, l'architecte de la Ville, présente le projet à la maison de quartier, un projet globalement accepté par le comite de quartier. La concertation fonctionne, tout semble en bonne voie...

 

Ouest-France 1988.

 

Mais quelques années plus tard, le projet lancé en 1987 et affiné plus tard, n’arrive pas à se concrétiser. Cette Z.A.C finit par être abrogée au moment de la révision du Plan local d’Urbanisme en 2013.

Maquette du projet de lotissement en 1995. Archives municipales.Photo RF

Maquette du projet de lotissement en 1995. Archives municipales.Photo RF
 

Marie-Dondaine : le tertre sauvage. Ouest-France 31 octobre 1995.


Un nouveau projet de lotissement communal est envisagé en 2016 mais il est aussi abandonné par une décision du Conseil municipal le 22 octobre 2018.

Cette décision fait suite à la démarche de labellisation EcoQuartier obtenue fin 2017. 

Tout ceci a remis progressivement en question le projet initial de lotissement, pour laisser place à un scénario prévoyant la mise en valeur du site, par un espace ouvert et partagé.


 

Le tertre aujourd’hui : Un milieu naturel bien préservé en ville


Le Tertre, été 2019. Photo RF

Ce qu’on appelle de nos jours le Tertre Marie-Dondaine est en fait une parcelle non construite qui fait près de deux hectares et demi.

Ce qui est frappant, c’est ce vaste espace d’herbe qui change de couleur au grès des saisons. L’herbe verte la plupart du temps mais qui se transforme en herbes hautes et jaunies quand vient l’été. Au milieu du terrain, il y a ce bois avec des pommiers, des noisetiers, des pruniers, des ronces et si on regarde de plus près des iris, des orchidées des prés…

 

Allée d'arbres sur le tertre Marie-Dondaine en automne. Photo RF 2020

Le haut du tertre Marie-Dondaine en automne. Photo RF 2020

Le petit bois du tertre Marie-Dondaine en automne. Photo RF 2020

Et si on se penche encore un peu plus vers la terre, que voit-on ? Des escargots, des limaces, des bourdons, des sauterelles…

La biodiversité n’est pas un vain mot sur le Tertre…

Depuis 2020, des aménagements ont été effectués en tenant compte de l'aspect naturel du site (présence de moutons, brebis et chèvres, ruches, bancs, reconstructions de murets...)

 

 

Le saviez-vous ?

Les anciens se souviennent des chasseurs de vipères du Tertre Marie-Dondaine. Dans les buissons et les talus de la butte, les plus courageux traquaient les plus venimeuses. Ces chasseurs improvisés les revendaient un prix d’or aux différents pharmaciens de Saint-Brieuc, intéressés par le précieux venin.


Un site à préserver

Ajoutons que, de par sa situation en hauteur, le site du tertre Marie Dondaine offre de nombreux points de vue sur la ville et les communes alentours dans cette partie sud de Saint-Brieuc

Vu d’en haut, le Tertre apparaît comme une curieuse petite tache verte au milieu des maisons et des voies de circulation, à proximité de bâtiments industriels imposants comme ceux de l’usine Manoir Industrie...


 

Une opportunité pour l’avenir du quartier

Le développement d’un quartier comme Robien ne peut se résumer pour les années à venir au développement de zones à construire. De nombreux logements individuels ou collectifs ont été réalisés et on peut s’en réjouir car ils permettent à une nouvelle population de se loger. 

Mais un quartier doit aussi préserver des espaces naturels, c’est ce qui sera laissé aux générations futures. Le tertre, c’est un espace de liberté où il pourrait y avoir des jardins partagés, des cabanes dans les arbres pour jouer ou pour lire, un espace de promenade, une petite ferme avec des animaux, des ruches, des pommiers, des œuvres d’art en plein air, une maison en bois comme dans les années 40, une buvette et de quoi faire à manger, des bancs, des lunettes panoramiques pour admirer la vue… Tout est encore à imaginer !

 

Ci-dessous, quelques images d'un projet d'aménagement du Tertre conçu par Bryan Morin, élève de BTS à l'école d'horticulture de St Ilan (22), sous la direction de ses professeurs Véronique Cadiou et Olivier Samica.

Projet de Bryan Morin, élève au lycée de St Ilan en 2019.

Projet de Bryan Morin, élève au lycée de St Ilan en 2019.

Projet de Bryan Morin, élève au lycée de St Ilan en 2019.


D'autres articles à lire au sujet du Tertre

Rubrique "Le passé ouvrier de Robien":  Les baraques du Tertre Marie-Dondaine ici

Rubrique "La paroisse de Robien", L'histoire du calvaire du Tertre Marie-Dondaine ici

Rubrique "L'habitat à Robien", Logements atypiques (les caravanes) ici

Les habitants du tertre, de nouveau réunis en juin 2019, ici

 

 

 

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Sources

Archives municipales, plan de 1804-1847

Site des Archives municipales en ligne. Collection du journal municipal Le Griffon.

Histoire de la ville de Saint-Brieuc, chapitre XII. Jules Lamare 1884

Histoire condensée et illustrée de notre cité gentille. Alain Le Duizet

Histoire de St Brieuc par J.B Illio, page 190. 1931

Histoire du Tertre Marie Dondaine. M. Claude Corack.

Article de Ouest-France juin-juillet 1985

Souvenirs de Marcel Blivet, recueillis dans un article de Ouest-France

Rapport sur l’EcoQuartier de Robien. Lisa Sherpa, 2018. Édition C.A.U.E

Projet de Bryan Morin, élève au lycée de St Ilan en 2019. Pour voir le site, cliquer ICI 

Projet des Coccolithes sur le site du Tertre en 2019. Pour voir le site, cliquer ICI

Rubrique "Tertre Marie-Dondaine" du site du Comité d'animation de Robien, cliquer ICI

 

 

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