lundi 28 novembre 2022

Les logements atypiques à Robien

 

 
Pour la plupart d'entre nous, une maison, c'est d'abord quatre murs et un toit (ou un plafond si on est en appartement!). C'est une manière conventionnelle de concevoir notre "chez-nous" alors qu'il existe tant d'autres manières de vivre qui sortent de l'ordinaire.



Une habitation atypique boulevard Hoche à Robien

Aucun doute, la maison occupée par Jean-Pierre Wilmart, au 113 boulevard Hoche à Robien, est bien une habitation atypique ! Elle est constituée de quatre anciens wagons SNCF rassemblés.

 

Vue d'ensemble des 4 wagons rassemblés. Photo RF


Au départ sur ce terrain se trouvait une maison traditionnelle dont il n’a été conservé que la cave et le petit escalier avec la rampe métallique.

Les pierres du sous-sol qui forment un grand rectangle sont donc celles de la maison initiale. On y a installé des traverses en acier pour poser les wagons. Ensuite le tout a été colmaté entre les wagons et un bardage bois a été réalisé pour donner jolie allure à la maison.

Plusieurs habitants ont été des artistes comme Henri Moinet (propriétaire de 1967 à février 2000 où il est décédé) ou Philippe Bertho, un briochin qui a réalisé de nombreuses œuvres visibles dans des galeries aux USA et l’affiche du festival Art Rock en 2014. 

 

 

Visite de la maison

Entrons dans la maison par l’escalier que l’on peut voir en longeant le boulevard Hoche.

Le premier wagon est une entrée, il a été séparé en deux pour y loger une petite salle de bain tout à fait fonctionnelle.

Le deuxième wagon appelé « Le wagon-restaurant » est un ancien wagon qui servait à transporter les patates et les choux bretons. Pour les spécialistes, c’est un « 25 mètres », nom de ces petits wagons de marchandise.

 

Le wagon-restaurant. Photo RF

 

Le troisième wagon abrite un poêle à bois, c’est « Le salon image et son ». Les souvenirs de Jean-Pierre constituent un véritable petit musée. Un escalier en colimaçon conduit à l’étage où se trouvent un bureau et une chambre à coucher (attention aux poutres basses !).

 

Salon image et son. Photo RF

 

On redescend et on passe enfin dans le quatrième wagon, plus grand et plus haut de plafond, c’est un 25 m2, un ancien wagon frigorifique. Sa nouvelle affectation est celle du « Salon-bibliothèque ». On y trouve de nombreuses photos anciennes de l’atelier d’Henri Moinet dont un tirage assez extraordinaire d’un homme qui avait fourni sa photo de mariage en demandant de faire disparaître l’épouse et de la remplacer par une potiche ! Le résultat est spectaculaire mais une trace légèrement fantomatique laisse quand même apparaitre quelque peu l’ex-épouse !

 

Jean-Pierre Wilmart est aussi un passionné de photo !

 

 
Les extérieurs


On sort sur la terrasse et le jardin où se trouvait un puits, maintenant tari. Un immense cerisier planté dans les années 60 par Henri Moinet procure toute l’ombre nécessaire. Le terrain était à l’origine beaucoup plus grand et la propriétaire l’appelait « Le Paradis ».

Juste sur le côté se trouvait « le café du dimanche » qui était bien en harmonie avec cette maison atypique. Jean-Pierre raconte qu’avant ce café, c’était un bâtiment industriel (une usine d’huile domestique ?) qui était devenu une sorte de loft pour des troupes de théâtre. Il l’appelait « Le Nid d’intermittents ».

 

 

Extérieurs de la maison. Boulevard Hoche. Photo RF

 

Portrait d'Henri Moinet. 4 septembre 1997. Article de Ouest-France.

 
 

Ceux qu'on appelle encore "Les gens du voyage"

La présence de "gens du voyage" n'est pas nouvelle dans le quartier de Robien, pour preuve cet article du journal Le Combat Social du 18 décembre 1937 où l'on retrouve le fameux stéréotype "des voleurs de poules"...

Le Combat Social du 18 décembre 1937.


Nous savons aussi que, tout en haut du Tertre Marie Dondaine, vivait la famille Blivet. Le recensement de 1936 nous apprend qu'Auguste, le chef de famille était rémouleur de profession. Il parcourait tout le département pour exercer son métier en porte à porte. Germaine, son épouse, était foraine et leur fils Claude était acrobate. Le travail de rémouleur ou dans un cirque amène à s'adapter : leur mode de vie les oblige à beaucoup se déplacer et donc à posséder un habitat mobile. 
M et Mme Blivet dans leur caravane sur le Tertre. Photo Ouest-France mai 1991

 
Depuis leur installation sur le Tertre qui date des années 30, la famille s'est agrandie mais ces habitants du quartier ont toujours cherché à adapter leurs conditions de logement, tout en restant fidèles au Tertre Marie-Dondaine. Les "gens du voyage" ont forcement un port d'attache.
Les baraques du tertre faisaient une vingtaine de mètres carrés, il n'y avait qu'un seul point d'eau pour toutes les familles. Aujourd'hui il n'est plus question de vivre ainsi : des mobile-homes offrent une meilleure qualité de vie.
Photo aérienne du Tertre Marie-Dondaine. Années 60-70. Archives municipales.

 

Patricia Blivet et sa fille Flavie sont interrogées en 2014 dans un article consacré au tertre Marie Dondaine. C’est l’occasion de faire le point sur les perspectives de la famille : « Nos arrière-grands-parents habitaient ici, témoignent Flavie et sa mère, Patricia. « Nous sommes des gens du voyage. Nous ne renions pas ce qu'on est. Mais on a toujours été sédentarisés. On veut rester ici en famille. Mes enfants sont scolarisés dans le quartier depuis la maternelle. »

Sur ce bout de terrain gravillonné s'entassent des caravanes, des fourgons et des mobile-homes. Il y a l'eau, l'électricité, l'eau, des sanitaires, des égouts... Un coin de paradis pour cette famille qui n'entend pas délaisser sa caravane au profit d'un appartement dans le parc social. 


Dans le plan local d'urbanisme 2012-2016, la ville avait prévu la réalisation de "cinq maisons adaptées, de petites maisons de plain-pied avec deux espaces, un pour mettre la caravane et un second pour travailler".  Les familles peuvent ainsi disposer d'un lieu de séjour privatif afin de rester stationné sans durée limitée du séjour et aussi choisir les familles avec qui elles cohabitent.

Finalement, la ville ne s’est pas engagée dans la construction de ces logements et les familles concernées ont fini par réaliser différentes améliorations elles-mêmes.

(d’après un article de Ouest-France publié le 26 février 2014)

 

Patricia Blivet et sa fille Flavie. Photo Ouest-France 26 février 2014

 

 
D'autres habitants dans des caravanes à Robien
 
Dans le chemin des Eaux minérales, pas loin du bas de la rue de Trégueux, d'autres habitants du quartier étaient des "gens du voyage" mais ils vivent à cet endroit depuis des dizaines d'années. Comme la famille Blivet installée sur le Tertre Marie Dondaine, ils se trouvent très bien dans cette vallée d'où ils n'imaginent plus partir ! 
Une ancienne habitante du quartier se souvient qu'il y a des dizaines d'années quand M. Nicolas habitait une caravane à cet endroit, au moment de son décès, la caravane a été brûlée selon le rite des gitans.
 
Ensemble de caravanes et mobile-home, Chemin des Eaux minérales

 
   
 
Les baraques en bois du tertre Marie-Dondaine
Des familles ont vécu, avant 1940, dans des baraques en bois sur le Tertre Marie-Dondaine. Jusqu'à 15 familles ont habité dans ces logements où les conditions matérielles étaient très difficiles. En 1993, Mme Herviou a été la dernière personne à quitter la caravane qu'elle habitait sur le Tertre.
 
D'autres articles sont consacrés à ces baraques du tertre Marie-Dondaine et à leurs habitants :
Les baraques du Tertre Marie-Dondaine ici 
Les habitants du Tertre Marie Dondaine, de nouveau réunis en juin 2019, ici
Le Tertre Marie-Dondaine, un site à découvrir, ici
 
 
 
Habiter dans un ancien local industriel ou commercial

Dans le quartier de Robien, de nombreux anciens locaux industriels et commerciaux ont été rénovés et transformés en habitation : garages, hangars, dépôt des P.T.T...
On peut aussi les considérer comme des logements atypiques.
Pour lire l'article consacré uniquement à ce sujet, cliquer ici


Bld Hoche. Ancien garage transformé, emplacement de l'ex Café du Dimanche. Photo RF


 
 
Conclusion 
 
Les belles carrières que plusieurs habitants du Tertre Marie Dondaine ont pu avoir par la suite, nous donnent une leçon de vie et un message d'espoir. On peut vivre dans des conditions très précaires et s'en sortir socialement. On peut vivre dans des baraques et garder sa dignité, grandir dans une ambiance familiale chaleureuse. 
 
C'est peut-être la conclusion de cet article (qui s'intègre lui-même dans une série de onze articles sur l'habitat dans le quartier de Robien).
Comprendre d'où vient notre patrimoine architectural, acquérir quelques bases dans ce domaine, c'est intéressant.
Mais que l'on vive dans  dans un immeuble, dans une maison d'architecte, une maison art-déco ou une maison ouvrière, le plus important reste peut-être ce que l'on y vit à l'intérieur et dans ses relations avec son voisinage proche.



Racontez-nous votre "habitat atypique"
 

Sur cette question des habitats différents, dans d'autres endroits de St Brieuc, comme au Légué, on aurait pu poser la question du voilier ou de la péniche.
On voit bien qu'il y a de multiples cas de figure.
Alors, à la suite de cet article, racontez-nous ce qui est votre "chez-vous" si vous vivez dans une maison qui ne rentre dans aucun classement : Yourte, mobile-home, chalet de bois, caravane, ancien wagon de train...

Dites-nous si vous êtes-vous satisfaits ou non de votre habitation et pour quelles raisons : matériaux, proximité de la nature, superficie, proximité de commerces et services, logement adaptée aux familles ou autre, économe en énergie ?

 

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Sources

 

Photo aérienne. Archives municipales. Merci à Sophie Ehouarn.
 
Recensement 1936. Archives départementales en ligne.
 
Plusieurs rencontres avec Jean-Pierre Wilmart en 2020. Un grand merci pour son hospitalité !
 
Entretiens avec Claude Corack, mars-avril 2020
 
Article de Ouest-France du 26 février 2014 (famille Blivet)

 
Pour les abonnés à Ouest-France, retrouvez l'article sur la maison de Jean-Pierre Wilmart dans les archives du journal en cliquant ici
  
 
 

Prolongement
 
Nicole, qui habite en Indre et Loire, nous signale qu'il existe à Saint-Branchs, une salle de spectacle installée dans trois wagons soudés. Ils accueillent une centaine de personnes. C'est très fréquenté. 

On peut y voir du théâtre, écouter des concerts, des petits groupes de jazz de la région...

Site internet "Les wagons", cliquer ici 

 


 

 


 

 

 

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