dimanche 20 août 2023

Maisons néo-bretonnes ou néo-normandes à Robien, quartier sud de Saint-Brieuc

 


LE STYLE NEO-BRETON

Après la première guerre mondiale, le régionalisme est en vogue. On saupoudre les bâtiments de quelques éléments de l’architecture bretonne :
toiture en ardoise-murs blancs ou totalement en granit ;
encadrement des portes en granit gris ou rose ; porte rappelant les voutes des portes de ferme.

 
Depuis un siècle, les habitants de Robien ont marqué de leur empreinte des formes d'identité bretonne sur leur habitation. Ils l’ont fait en nommant leur maison avec des noms bretons, en faisant fabriquer des ferronneries qui reprennent des symboles ou motifs celtiques sur leur porte d’entrée ou leur portail (triskel, hermines, croix celtiques), en plaçant des statuettes des saints bretons dans des niches en façade.
On retrouve de nombreux noms qui portent la marque de la langue bretonne, comme par exemple la maison "Ker Avoël" rue Abbé Garnier, "Sked an Eol" rue Aristide Briand ou "Min ma bro".
La dimension bretonne du quartier est traitée dans un article indépendant (cliquer ici).


MAISON BRETONNE RUE ABBÉ GARNIER
La maison du 41 rue abbé Garnier, construite dans les années 30 pour M. Hippolyte Givord (1880-1968) et son épouse, née Marie Perdrix (1903-1946), est l'oeuvre de l'architecte Eugène Faure.
Elle est bâtie sur 4 niveaux avec une très belle façade en pierres de taille comportant une grande variété de formes d'ouvertures (rectangle, triangle, ovale, voute en arc de cercle).
Les propriétaires lui ont donné le nom de Ker Avoel (maison du vent).  
Madame Givord est décédée subitement le 28 avril 1946 à l'âge de 62 ans et la cérémonie a eu lieu à l'église de Robien le 1er  mai 46.
Fonds Eugène Faure. Archives municipales

La "petite soeur" de cette maison de la rue abbé Garnier est  à retrouver dans le quartier Saint-Michel, rue Jean-Louis Hamon. Elle a vraiment un air de famille...
Maison 20 rue J.L Hamon Photo RF
 
On retrouve une maison identique dans une bande-dessinée se déroulant à Loc-Tudy : Sous les pavés la plage, de Pascal Rabaté, 2022, éditions Rue de Sèvres, page 76.
 

 
MAISON BRETONNE BOULEVARD JEAN MACÉ
Cette imposante maison des numéros 9 et 11 dans le boulevard Jean Macé a l’apparence d’un manoir breton transplanté dans le quartier de Robien.
Cette maison est en pierres de taille, d’un beau granit rose. M. Le Brun achète 2 parcelles de terrain et fait construire cette maison autour des années 50. M. Le Brun dirige alors une société de transport (Trans-Ouest Car), il est aussi propriétaire de l’Hôtel Le Griffon à Saint-Brieuc. La maison est bâtie en deux temps et c’est la partie droite qui est construite en premier. Une bonne partie du terrain est consacrée à l’activité professionnelle de M. Le Brun et à l’arrière se trouvent des hangars pour les autocars. 
Les autocars reliaient Saint-Brieuc à Vannes  avec deux départs par jour en hiver et trois par jour en été.
 
La toiture est impressionnante, elle est constituée de pierres récupérées sur une chapelle. La charpente qui soutient ces tonnes de matériaux est constituée de très grosses poutres, visibles dans les greniers. La gouttière est en cuivre. La grille de portail est encastrée dans une voute en pierre et la clôture basse et ajourée est également en granit rose. Les trois grandes fenêtres sont également voutées. Sur la façade, les quatre lucarnes rondes, rassemblées deux par deux apportent une touche de fantaisie.
Du côté jardin, au sud, la façade est agrémentée de deux bow-windows et d’une élégante tourelle.
Cette maison sera revendue plusieurs fois et pendant une période sera affectée comme logement de fonction des directeurs d’EDF à Saint-Brieuc.
De nos jours elle est divisée en trois parties qui correspondent aux trois entrées : une partie en location, un local professionnel depuis 2016 et la maison familiale.
 

9 et 11 Boulevard Jean Macé St Brieuc. Photo RF


 
LES MAISONS CORLOUËR
Dans les années 30, et dans l'Après-guerre, va se développer le pittoresque breton ce qui permettra au style « celtique » de donner des maisons qui sont semblables aux villas de la côte.
Ainsi, avenue des Tilleuls, aux numéros 2, 3, 4 et 9, on trouve plusieurs créations de l’architecte Yann Corlouër qui a construit beaucoup de maisons dans la station balnéaire de Saint-Quay-Portrieux.

Un article complet sur le passé collaborationniste de Yann Corlouër, condamné en 1944, est à retrouver sur ce blog en cliquant ici

Ci-dessous, le Saint-Quay-Club de Tennis, juste à côté du cabinet de l'architecte Corlouër à Saint-Quay (de nos jours c'est une agence immobilière)

A Saint-Quay, bureau Corlouër sur la gauche.

Ci-dessous, le permis demandé pour la maison construite pour M. Lardonnais au 3 avenue des Tilleuls le 12 février 1936.

 

Avenue des Tilleuls, maison Corlouër, photo RF


3 Avenue des Tilleuls, maison Corlouër, photo RF


3 avenue des Tilleuls. Maison construite pour M. Lardonnais. 12 février 1936. Permis du dossier 2T 32 Archives municipales.

Avenue des Tilleuls, maison Corlouër, photo RF

Pour la maison du numéro 9, l'acte de vente mentionne que l'architecte travaille avec l'entrepreneur M. Mariani pour une maison construite en 1936. M. Mariani devait avoir acquis un certain savoir-faire pour les maisons Corlouër.
Jean-François Garnier qui a habité le quartier dans les années 50-60 se souvient : "La maison Corlouer du 32 rue du Pré-Chesnay était habitée par Monsieur et  Madame Devalez. Ils avaient deux filles: l'une était professeur de piano à  Paris et l'autre vivait chez ses parents. Cette dernière assurait d'abord 
l'harmonium puis l'orgue à l'église de Saint-Anne de Robien. Monsieur Devalez fut longtemps le seul à posséder une voiture dans notre petit quartier, une 203 Peugeot noire qu'il briquait amoureusement chaque semaine
".

32 rue du Pré Chesnay, maison Corlouër, photo RF
 
 
Au 25 de la rue Jean Jaurès, très belle maison néo-bretonne Corlouër avec un bow-window côté rue. On peut voir aussi une porte d'origine en bois avec des motifs géométriques en ferronnerie.

25 rue Jean Jaurès St Brieuc, maison Corlouër, photo RF


25 rue Jean Jaurès St Brieuc

 
Au 111 rue Jules Ferry, une autre maison Corlouër a été transformée en cinq appartements.

111 rue Jules Ferry St Brieuc, maison Corlouër, photo RF




LA MAISON DU 2 AVENUE DES TILLEULS, ANCIENNE MAISON DU DOCTEUR ABEL VIOLETTE
La maison qui fait l'angle avec l'avenue des Tilleuls est un exemple remarquable des villas Corlouër. Sa taille et sa richesse architecturale rivalisent avec les plus belles maisons de Saint-Quay. L'influence néo-normande est également très présente. Elle est bâtie entre 1934 et 1935.

2 Avenue des Tilleuls St Brieuc, maison Corlouër, photo RF

Annick Mévellec qui a remis en lumière cette personnalité nous apprend qu'après s'être installé au 21 rue des jardins (actuellement rue Alsace-Lorraine), le docteur Abel Violette acheta cette maison après-guerre au moment de sa retraite. Il y vivra jusqu'en 1951.

Abel Violette créa ici le premier dispensaire de soins de France, en 1916. Il fut le premier directeur du bureau d’hygiène en 1910 à Saint-Brieuc, premier inspecteur de l’hygiène dans le département à partir de 1920. En 1920, il crée une école de plein air à Plérin. Un préventorium, qui accueille une centaine d’enfants de milieux souvent défavorisés, afin de prévenir la tuberculose et qui deviendra plus tard le Centre héliomarin. 
 
Pour plus de précisions, voir l'article consacré aux personnes célèbres ayant vécu dans le quartier de Robien, en cliquant ICI

 

1936 UNE MAISON CORLOUËR AU 9 AVENUE DES TILLEULS
L'acte de vente de la maison du 9 avenue des Tilleuls à Saint-Brieuc, une maison Corlouër, nous apportent de précieux renseignements.

Acte de vente maison 9 avenue des Tilleuls, St Brieuc


Les premiers propriétaires de cette maison sont M. Jean-Baptiste Guérin, retraité de la marine et Mme Jeanne Léontine Aimée Gérard son épouse. Le 16 janvier 1936, ils ont consigné les conditions de l’achat du terrain et de la construction de la maison dans un acte notarié, avec Maître Brochen. Messieurs Mariani et Gattoni, de la rue Paul Bert à Saint-Brieuc, sont désignés comme entrepreneurs. Ils s’engagent à terminer la construction pour le 1er juillet 1936. L’architecte est Yann Corlouër, il est domicilié à St Brieuc. 
 
La maison possède toutes les commodités : sous-sol avec cave et garage, entrée, wc, salle à manger, cuisine, trois chambres dont une au rez-de-chaussée, un grenier. Des cheminées sont prévues pour le chauffage. « La pierre choisie dans les parties apparentes est du granit bleu de St Brieuc ou de St Julien, sans taches de rouille apparente ». Les parties où il y a des pans de bois feront saillie de 0,01. Le terrain rectangulaire fait 250 m2. 
La rue est nouvelle, pas encore commencée et pas encore nommée. Elle devra être terminée dans les deux ans suivant l’acte de vente et deviendra l’avenue des Tilleuls quelques années plus tard. C’est la société « A et H. Laurent frères » (Alphonse et Henri-Marc Laurent) établie au 14 de la rue Jules Ferry qui a fait les travaux de cette rue à l’occasion de la création du lotissement. Il est stipulé dans l’article huit, concernant l’utilisation des rues : 
« Les rues devront être laissées libres sut tout leur parcours et en parfait état de propreté, il ne pourra donc, sous aucun prétexte, y être fait aucun dépôt de matériaux, marchandises, immondices, détritus ou objets quelconques… »

 

DES TERRAINS DE M. BÉZIERS LAFOSSE
 
L’origine des terrains (dans ce qui est appelé « La ferme du Clos ») est à attribuer à Émile Armand Auguste Béziers La Fosse, héritier de sa mère Mme Louise Marie Félicité Alexandrine Blaize, épouse de M. Armand Édouard Hippolyte Béziers La Fosse, demeurant à Chateaulin. Émile Armand Béziers Lafosse hérite seul de ces terrains car son frère Louis Armand Béziers La Fosse est mort pour la France à Reims en septembre 1914. 
Il était étudiant en droit, mobilisé comme sergent major Alphonse et Henri-Marc Laurent ont acheté cette parcelle de terre (et les autres parcelles qui formaient « La ferme du clos » à Robien) à Émile Armand Auguste Béziers La Fosse, propriétaire et à Marie Le Bellec, son épouse. Ils habitent Pordic. La vente avait été conclue le 30 septembre 1927.



Localisation des 7 maisons Corlouër dans le quartier Robien de Saint-Brieuc :

Avenue des Tilleuls numéros 2, 3, 4, 9
Rue du Pré Chesnay numéro 32
Rue Jules Ferry numéro 111
Rue Jean Jaurès numéro 25

Avenue des Tilleuls, maison Corlouër, photo RF

Avenue des Tilleuls, maison Corlouër, photo RF
 

Au 41 de la rue du Pré Chesnay, on aperçoit la plaque l'architecte H. Bouchet sur le côté droit de la façade d'une maison néo-bretonne remarquable pour sa belle porte en arcade. Au numéro 17 de la même rue, on trouve une autre maison H. Bouchet avec une plaque.

41 rue du Pré Chesnay, photo RF

Liste et localisation des Villas Corlouër à Saint-Quay-Portrieux :

Rue des Fonteny ; 17 et 19 rue des embruns ; Ker wenn, Ty an nod, le gulf stream, impasse du Gulf stream ; Ker Ys, et la Morgane, rue du Baudrit ; Le bon accueil, rue des oiseaux ; Ty mam doué, 8 bld du littoral ; La korrigane, 2 allée de la grève Gicquel ; Le Kreisker, 10 et 12 rue Jeanne d’Arc ; Agence, 78 boulevard Foch ; Ty glas wen, 19 rue Déroudèle ; Ty breiz et Ker Louis, 9 et 11 rue Duval ; Rue adjudant chef Cadot ; l’Oustal 2 rue André Malraux ; Ker Caroline, 7 rue André Malraux ; Kastelic, 6 rue André Malraux ; Ker Mickael 8 rue André Malraux ; Sans nom 10 rue André Malraux ; 26 rue le Sénécal ; 35 bouleavrd Foch ; Au Rouet breton 4 boulevard Foch ; Kreiz an avel, rue Charcot ; rue du moulin St Michel ; Le nid, 2, 4, 6, 8 rue des Fusains ; Le kerric, 37 ou 90 boulevard Clémenceau ; rue du Tertre Liré ; 2 rue des korrigans ; 9 rue du Tertre breton ; La caravelle la Pomponette, rue de la Corniche.

 

La maison néo-bretonne du numéro 49 rue du Pré Chesnay

Cette maison a été construite en 1943. Elle est bâtie avec du granit rose d’Erquy et du grès de St Brieuc. Toutes ses ouvertures sont voutées. Le sous-bassement du balcon était à l’origine en béton et les propriétaires qui ont repris cette maison en 1964 l'ont fait refaire en pierres de taille.
Les premiers propriétaires étaient des personnes très pieuses, il se dit qu’il leur arrivait de recevoir l’évêque de St Brieuc. C’est ce qui explique la présence d’une statuette de St Yves dans une niche du côté rue.
Avant 1964 la maison est restée inhabitée pendant quelques temps et elle a été vandalisée, tous les carreaux étaient cassés. Le parfait état de la statuette de St Yves est un petit miracle pourront dire les croyants !

49 rue du Pré Chesnay à Saint-Brieuc. Photo RF

Notons aussi que la Galerie Commerciale construite en 1928 s'inscrit clairement dans le courant du néo-régionalisme breton.
Cette galerie se trouve dans les rues Aristide Briand, Jean Jaurès et Condorcet. L’unité de cet ensemble est marquée par des pignons enduits et un soubassement en maçonnerie de granit. L'encadrement des portes et des porches est en granit. Tous les toits sont en ardoise.
 
Pour plus de précisions sur la Galerie Commerciale. Pour voir l'article, cliquer ICI 


 

LE STYLE NEO-NORMAND
Le style néo-normand se caractérise par des bâtiments construits à partir d'une structure à pan de bois traditionnelle, mais avec des matériaux modernes (béton). Plusieurs maisons de la rue du Pré Chesnay en sont des exemples. 
Précisons que le style néo-breton et le style néo-normand ne sont pas incompatibles, au contraire, on a même vu les deux styles se mélanger !
On peut voir certains "spécimens" de ces maisons "hybrides" :
Au 29 rue Bir Hakeim, une maison de l’architecte Alexandre Vernange d’Étables mélange faux pans de bois en béton peint avec des pierres apparentes en granit gris. Après une restauration très réussie, en 2022, les faux pans de bois sont mis en évidence.

29 rue Bir-Hakeim St Brieuc. Photo RF

29 rue Bir-Hakeim à St Brieuc. Photo RF
 
 
Le 29 rue Bir-Hakeim après restauration en 2022

 
Au 5 rue de l’Ondine, même mélange faux pans de bois en béton peint avec des pierres apparentes mais cette fois-ci avec du granit rose.

5 Rue de l'Ondine à St Brieuc



Au 47 rue Jules Ferry, petite touche néo-normande sur le haut d'une maison en granit gris et rose.

47 rue Jules Ferry. Photo RF

La maison du 50 boulevard Hoche (en retrait du boulevard) est également intéressante par son toit très pentu et ses lucarnes rondes (influence Art déco).

50 boulevard Hoche à St Brieuc. Photo RF
50 boulevard Hoche à St Brieuc, détail. Photo RF

 

INFLUENCE D'AUTRES STYLES
Nous voyons aussi que le style Art Déco s'est invité dans de nombreuses constructions des années 30. Cette influence a pu inspirer et renouveler les styles architecturaux régionaux. Ce mélange de style est à l'origine d'un type de maisons à la fois varié et singulier.



CONCLUSION 

Le quartier Robien ne peut prétendre fournir à des masses de touristes une raison de venir admirer des ensembles néo-bretons ou néo-normands comme à Dinard ou Deauville ! Notre quartier a trop d'influences de toutes sortes, tout s'y mélange, un peu comme dans le centre de St Brieuc d'ailleurs...
S'il vous vient l'idée de découvrir des maisons comme en centre-Bretagne ou de faire un petit tour sur la côte à Dinard, à moins que ce ne soit un petit saut vers Deauville, inutile d'aller bien loin : tout ça, on le trouve à Robien. Ouvrons l’œil !

 

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Racontez-nous votre maison
Si vous habitez une maison néo-bretonne ou néo-normande, racontez-nous son histoire :
Cette maison a-t-elle une plaque avec un nom breton? une plaque d'architecte?
Connaissez-vous les dates de construction, l’architecte ?
Avez-vous des plans ?
A l'intérieur de la maison y a-t-il des éléments de décors propres au style néo-breton ou néo-normand?
Connaissez-vous les propriétaires successifs ?
S’est-il passé des événements importants dans cette maison ?
Comment cette maison a-t-elle évolué au fil du temps (extension)?
Etes-vous satisfaits ou non de votre habitation et pour quelles raisons (éléments de caractère patrimonial, matériaux, jardin, superficie, proximité de commerces et services, logement adaptée aux familles ou autre, économe en énergie) ?

 
 
Voir aussi
Abécédaire des architectes à Robien, cliquer ici
 
Sources
 
« Aire de mise en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine. AVAP » Document de Saint-Brieuc Agglomération (dossier Pdf en ligne)

Archives municipales et départementales.

Archives des journaux du Comité d'Animation de Robien depuis juin 1984.

Saint-Brieuc. Étude de géographie urbaine. R. Huon 1946.

Acte de vente de la maison de M et Mme Guérin au  numéro 9 avenue des Tilleuls. 1935-1936 Architecte Yann Corlouër.
 
Permis de construire 3 avenue des Tilleuls. Dossier 2T 32 Archives municipales.
 
Famille Givord (maison rue abbé Garnier), site généanet, ici

Renseignements sur la maison boulevard Jean Macé fournis par deux propriétaires successifs M. Appriou et Mme Mabillon.

Les renseignements sur la maison où a vécu le docteur Abel Violette ont été vérifiés sur des documents de famille par Annick Mevellec.

Avec les contributions de Didier Le Buhan, Michel Le Borgne, Xavier Pageot, Mary Simon, Guillaume Agouf...
 

 

 

samedi 19 août 2023

Entreprise Rohou, succursale de Saint-Brieuc, 42 rue Emile Zola. 1972-1973

 

Jean Rohou. Photo Le Télégramme 2005

 

A la fin de l’année 1972 et au début de l’année 1973, l’entreprise Rohou (Jean Rohou PDG), bien connue à Carhaix, publie des annonces dans le but de recruter du personnel pour ses chantiers prévus à Saint-Brieuc.

La domiciliation de cette succursale de Saint-Brieuc est au 42 de la rue Emile Zola dans le quartier de Robien.


Annonce Rohou. 13 décembre 1972 Ouest-France

 
La boite aux lettres d'une entreprises au 42 rue Émile Zola.

Jean Rohou est un personnage public particulièrement en vue en Bretagne, né en 1921, Maire de Carhaix élu de 1957 à 1977, conseiller général, conseiller régional,  Président du club de football de Rennes en 1970-1971 quand le stade Rennais gagna la coupe de France...

 


Les difficultés de l'entreprise Rohou

En juin 1973, rien ne va plus, l’entreprise affiche un déficit de 15 millions de francs et elle est mise en règlement judiciaire. « Le jugement du Tribunal de Morlaix  concerne tant l’affaire que M. Jean Rohou exploite à Carhaix que ses succursales gérées en société anonymes à Rennes, Quimper, Brest, Auray et Saint-Brieuc ». (Ouest-France 12 juin 1973)

 

 
Ouest-France 12 juin 1973

L’entreprise emploie 300 personnes en tout dont 150 à Carhaix. Sur Saint-Brieuc, elle est chargée du terrassement du parking de la Vallée de Gouédic (un travail sur deux années) et d’autres aménagements à la Croix Saint-Lambert.

Quand les vingt-deux ouvriers de l’agence de Saint-Brieuc reçoivent leurs lettres de licenciement, ils expriment leur mécontentement  en occupant les deux chantiers de l’entreprise.


Ouest-France 20 juin 1973

Le 22 juin, l’agence Rohou de Saint-Brieuc est définitivement fermée. Les ouvriers de l’entreprise Rohou de Carhaix reprennent le chantier de la Croix Saint-Lambert. Par contre une autre entreprise devra être trouvée pour terminer les terrassements à Gouédic.

Ainsi se termine l'histoire de la succursale de l'entreprise Rohou à Saint-Brieuc. Mais ce n'était pas la fin de l'histoire du parking de Gouédic qui avait mal commencé comme on vient de le voir.

Le parking sera livré en 1975, la présence d'amiante révélée en 2007, le désamiantage commencé en 2014. Finalement ce parking ne rouvrira qu'en 2020...

 

 

Si vous avez des éléments pour compléter cet article  (photos, témoignages...) merci d'utiliser le formulaire de contact en haut à droite...
 
 
 
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Sources

Recherches dans les archives de Ouest-France : 13 décembre 1972, 5 janvier 1973, 12 juin 1973, 20 juin 1973, 23 juin 1973.

 

 

Traces de l'identité bretonne à Robien. Saint-Brieuc


 


Des sensibilités et des histoires personnelles

Depuis un siècle, les habitants de Robien ont éprouvé le besoin de marquer personnellement sur leur habitation l’empreinte de leur identité bretonne. 

L’identité bretonne est forte à Saint-Brieuc, il n’est donc pas étonnant que l’on retrouve ce marquage culturel à Robien.

Blanche Rousselet, habitante de Robien, vers 1910 (1893-1973)
Détail de cartes postales anciennes de Robien.

 

Chacun choisit, selon sa sensibilité et son histoire personnelle, ce qu’il va mettre en avant. Certains restent dans la symbolique avec le triskell, l’hermine, la croix celtique.

Ces motifs sont appliqués sur une porte d’entrée ou sur un portail avec de la ferronnerie, ou bien gravés dans la pierre. 

D’autres placent une statuette d’un saint breton dans une niche en façade (St Brieuc avec le loup, St Yves le patron des avocats…).
Mais ce que l’on voit le plus souvent ce sont ces petites plaques (en marbre pour les plus anciennes) avec un nom ou une expression en langue bretonne. C’est une affirmation individuelle, parfois de l’ordre de l’intime.
On y retrouve des références propres à la Bretagne qui rappellent les éléments comme le vent, la mer… 

 

Robien, un quartier accueillant de longue date pour la culture bretonne

21 février 1963. Le Télégramme. Fonds Salaün. Archives départementales

 

Dans un article du mardi 26 février 1963, titré « Le bal breton à Robien de dimanche », le journal Le Télégramme s’interroge : « Sommes-nous à la veille d’une nouvelle vague des bals bretons ? Telle est la question que l’on peut se poser en constatant le succès que connut le bal organisé par le Foyer culturel breton ».

Le journaliste poursuit en indiquant qu’après un excellent goûter, « place fut faite à la danse. Binious et bombardes, ou plus simplement chants, entrainèrent toute la jeunesse. Et quelle fraicheur ! Quel dynamisme ! Quelle vie ! ». Les présences de M.Erwan Ropers, secrétaire général de Kendalc’h et de M. Tostivint, professeur honoraire à Le Braz, sont signalées.

Pour parler du même événement, Ouest-France titre « Journée d’amitié du Foyer Oaled ab Herve, salle de Robien". La directrice du Foyer était alors Mme de Bellaing que l'on retrouvera bien plus tard, toujours en première ligne, pour la promotion de la culture bretonne.

25 février 1963. Ouest-France. Fonds Salaün. Archives départementales

 

A propos de la langue, on peut noter que dans le quartier de Robien, la langue régionale tient une place importante, comme en témoignent la présence de l'école Diwan, créée en 1979 et depuis 1986 à Robien, et celle du Centre culturel breton Abherve, implanté depuis 1997 (avec des panneaux indicateurs bilingues).

Rue Jules Ferry, St Brieuc

Dans les années 90, le bagad de Saint-Brieuc répète dans la maison de quartier de Robien et des cours de bombarde, batterie écossaise et cornemuse sont donnés une fois par semaine (Le Griffon 1997 numéro 139).

Le Griffon numéro 139. Archives municipales

 

Les noms de rues

Les noms de rues qui évoquent la culture bretonne ne sont pas absents dans le quartier, citons Anne de Bretagne (duchesse de Bretagne et reine de France), François-Marie Luzel (collecteur de contes et chants bretons), Paul Le Flem (compositeur inspiré par la Bretagne), François Menez (écrivain et journaliste breton)...


Paul Le Flem, compositeur. Photo Le Griffon



Enfin, on remarque que ces références bretonnes, liées à l'habitat, se retrouvent en grand nombre dans les maisons construites dans les années 30 pour les maisons de style néo-breton. Cette période et ce style mettaient en avant le régionalisme. L’époque contemporaine est également riche en signes bretons, signe d'un regain d'intérêt porté à cette culture.

 

Petit florilège de l'empreinte bretonne à Robien, rue par rue (une cinquantaine d'exemples !) 

Regardez bien autour de vous, il y en a sans doute autant qu'à Robien !

Cet article est une invitation à scruter les maisons et à essayer de décrypter leur charme et à trouver ce qu’elles ont d’unique.

 


Rue du Pré-Chesnay
Numéro 9 plaque : Va Neiz bihan, Mon petit nid.



Numéro 11 plaque : Ty an Avel, Maison du vent



Numéro 14 plaque : Ker Bugalic, Maison du petit enfant 



Numéro 43 : War an uhel, Sur le haut.
Ce portail en fer forgé a été commandé par les premiers propriétaires M et Mme Lefur qui étaient très attachés à la Bretagne. 


Numéro 49 : statuette de St Yves (St Yves est fêté le 19 mai, jour de la fête de la Bretagne)

Cette maison a été construite en 1943 par des personnes très pieuses. 


"Placer sa maison sous la protection d'un saint patron est une évidence des Bretons. Rapportées ou incorporées dans le mur, ces niches sont régulièrement agrémentées de bouquets de fleurs".  

L'âme des maisons bretonnes. Editions Ouest-France

 

Numéro 53 : numéro de la maison avec un triskell de part et d'autre




Numéro 67 : statuette de Sainte Anne (Sainte Anne est fêtée le 26 juillet, c’est la Sainte patronne de la Bretagne et la patronne de la paroisse de Robien)




Rue du Tertre Marie-Dondaine

Numéro 46 : Ker Anna (c'est le prénom d'Anna Marquer, l'habitante de la maison)


Rue Luzel

Numéro 56 plaque : motif avec un bateau breton traditionnel, le Grand Léjon (céramique d’Étienne Hück, potier au Légué).
Ce bateau a été construit entre 1988 et 1992 à la demande de l’association pour Le Grand Léjon et il a été mis à l’eau en mai 1992 au port du Légué.



Numéro 37 bis : triskell




Numéro 39 : porte avec des motifs comme sur les lits clos




Numéro 49 plaque : Kan Avel, Chant du vent


 
Rue du Coucou

Numéros 4 et 6 : au niveau des épis de faitage, deux hermines et un triskell
C’est M. Rouxel, le propriétaire qui a fait réaliser ces épis de faîtage par Joël Babey un artisan de Plouha en 2007.

Photos RF 2020
 
Photos RF 2020

 

Toujours dans la rue du Coucou : Ker Roger



Rue de l’Ondine

Numéro 56 peinture sur ardoise (années 2010) avec maison bretonne aux volets bleus de l’île de Houat dans le Morbihan, un endroit particulièrement aimé par la propriétaire des lieux. 




Numéro 58 peinture sur ardoise (années 2010) avec maison bretonne


 

Avenue des Tilleuls

Numéro 1 plaque : Ker Ste Thérèse



Rue Jules Ferry

Numéro 70, plusieurs auges en pierre comme on en trouve dans les fermes bretonnes.




Numéro 141, plaque avec un bateau breton traditionnel, le Grand Léjon (céramique Etienne Hück)


Boulevard Hoche

Numéro 18 auge en granit




Numéro 26 : Roc Bihan.

Le nom du foyer Roc Bihan renvoie à l’origine du nom de Robien (Roc’h bihan = petit rocher)


 Numéro 44 : Ty Mam Goz (maison de grand-mère)


Numéro 89 plaque Ty bihan (petite maison)


 Numéro 96 :  Ker Pierric



Rue de Robien

Numéro 1 motifs celtiques sur les ferronneries

 



Numéro 4 plaque : Ker Men, Maison en pierre


 
Rue Aristide Briand

Numéro 15 plaque : Sked an heol, Rayon de soleil




Numéro 16 portail avec motifs celtiques (imaginé par Didier le Buhan) Les motifs stylisés ont été mis en valeur par le travail de ferronnerie réalisé par un artisan. Les thèmes représentés sont liés aux trois éléments : air, eau, feu. Tout à fait à droite, un motif évoque les gorges de Toul-Goulic (entre Trémargat et Lanrivain).




 
Rue Condorcet

Numéro 46 : petite plaque en céramique avec une hermine

 
Rue Albert Thomas

Numéro 3 : croix celtique sur une entrée de l’école Ste Bernadette (différente de la croix de l’église catholique romaine)



Numéro 5 : saint breton




Numéro 14 plaque : Ker Annick (Ce nom est lié au salon de coiffure qui se trouvait autrefois au rez-de-chaussée  et qui était tenu par Annick Le Bail)


Annonce parue dans Le Moniteur des Côtes-du-Nord 7 août 1943

 
 
Rue Abbé Garnier

Numéro 29 panneau : Laz bleuenn, Très fleuri 




Numéro 41 plaque : Ker Avoel, Maison du vent



Rue Bir Hakeim

Numéro 9 plaque : bateau breton traditionnel, le Grand Léjon (céramique Etienne Hück)




Numéro 12, plaque : Ker Josette




Numéro 31: motifs géométriques sur les ferronneries de porte


 
Boulevard Jean Macé

Numéro 5 plaque : Min ma Bro, Pierre de mon pays.
La personne qui a fait construire la maison était propriétaire d'une carrière de granit à Perros-Guirec. Elle était très attachée à la Bretagne et à ce coin du Trégor qui a fourni la pierre de bien des maisons du quartier, d'où ce nom de "Pierre de mon pays".




Numéros 9 et 11, statuette dans une niche.
Cette maison néo-bretonne exceptionnelle a fait l'objet d'une description détaillée.



Rue Louis Blanc

Numéro 15 plaque : Hiboud an Aven, Murmure du vent (la plaque est cachée par une haie)

Hiboud an aven. Photo RF 2022



 
Rue Chapelain de la Ville Guérin

Numéro 26, peintures extérieures de 1977 sur la maison qui était celle où vécut André Coupé jusqu’en 2009. André coupé était très inspiré par la Bretagne. Il ne parlait pas breton mais les deux thèmes de sa peinture murale font référence à l’Armor et l’Argoat. Ils sont appelés : « Beteg ar mor braz » (Jusqu'à l'océan) et « Dreist al lann » (à travers la lande).

Beteg ar mor braz. Photo RF 2020

 
Rue Anne de Bretagne
Numéro 12, plaque : Ker-Eole (Maison du soleil)

Numéro 46, hermine


Boulevard Paul Doumer

Entre le numéro 1 et le numéro 3, plaques de ciment ajourées séparant deux maisons avec le motif de l'hermine.


 
Rue de Trégueux

Numéro 20, rue de Trégueux, plaque avec le nom de la maison "Ker Joëlle"

 

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Sources

Promenades et enquêtes dans le quartier entre le 13 et le 23 avril 2020 (Période très propice aux déplacements très courts pendant cette période de confinement !). 

La photo de Blanche Rousselet (1893-1973) a été aimablement envoyée par sa petite fille Chantal Le Calvez.

Toutes les photos sont prises dans le quartier de Robien. Photos Richard Fortat

Entretien avec Didier Le Buhan pour la traduction des noms, du breton au français. 

Articles de Ouest-France 25 février 1963 et du Télégramme 21 février 1963. Fonds Salaün. Archives départementales.


 

 

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