samedi 23 décembre 2023

Le Théâtre Mouton, théâtre forain itinérant en Bretagne jusqu'en 1914

 

Théâtre Mouton avant 1900. Photo Jean-Pierre Bernardon

Le théâtre forain ambulant est une forme d’art qui s’est développée en dehors du théâtre classique. Emportant des troupes d’acteurs dans les campagnes et les villes, la Bretagne en accueillera régulièrement aux 19e et 20e siècles ; nous en avons conservé la trace et l’histoire comme pour Le Théâtre de l'Espérance de la famille Audroin. Le théâtre Mouton fait aussi partie de ceux-là, avec une tradition transmise d’une génération à l’autre. 

 

Le théâtre en Bretagne

Avant d'explorer l'histoire du Théâtre Mouton, voyons ce qu'était le théâtre au XVIIe siècle, plus particulièrement en Bretagne. 

Au XVIIe siècle, une ville comme Rennes ignorait encore ce qu’était une troupe de théâtre sédentaire. Il en allait ainsi des autres villes des provinces de France qui ne connaissaient « que des acteurs nomades réunis en Sociétés ou Compagnies que l’on désignait sous le nom de troupes de campagne. Les comédiens étaient appelés « comédiens de campagne » (1). Ainsi Molière arriva à Nantes le 23 avril 1648 et y donna quelques représentations. La première troupe dont on trouve la trace à Rennes arriva en 1606.


A l'origine du Théâtre Mouton : 1ère génération avec Louis et Lise Mouton.

Romain Mouton raconta dans l’édition de Ouest-France du 17 juin 1954 que son plus lointain  ancêtre "débuta sous François 1er, en 1524, comme bateleur, acrobate de l’époque".

Louis Joseph Mouton (1786-1835) et son épouse Lise Étienne Larivière (1792-1881) font du théâtre dans le style de Molière et l’hiver ils restent à Paris. Louis Joseph Mouton jouait avec François Lamberty dans les années 1810-1835. (2)


La famille Lamberti constituait une famille de cirque italien qui serait arrivée en France sous Louis XV pour divertir les châteaux avec leur troupe d’acrobates et de bateleurs. Plus tard, ils ont francisé leur nom en Lamberty avec un Y.  Le Théâtre Lamberty était un théâtre de pantomime où les acteurs prenaient des poses pour réaliser ce que l’on appelait des tableaux vivants. Il est devenu par la suite le Théâtre Lamberty-Berthier puis avant 1914, avec Gaston Lamarche qui y a introduit la comédie, le Théâtre Populaire National Lamarche-Lamberty. (2)

Photo ci-dessous : Angélique et Abel Lamberty dans un tableau typique de l’après-guerre de 1870 : l’Alsacienne prête à venger le soldat français. C'est un tableau qui préfigure certains monuments aux morts de 14-18.
 


La famille Lamberty est restée dans cette tradition du théâtre ambulant jusqu'en 1968.

Photo du Blog de la famille Lamberty, branche évangélique tzigane.

 

2ème génération, François et Catharina. Théâtre itinérant 1846-1870

Un des fils, le plus jeune, François (1826-1875), né en 1826 à Angoulême, a la fibre théâtrale. François Mouton est à l'époque un des rares directeurs privilégiés de France, un droit qui a été aboli par la suite en 1863 (3). Il exerce comme directeur de théâtre à Brest, Lorient, Rennes etc.

Puis, en 1846, François épouse Catharina Philiberta Bouwmeester (1825-1885) de Rotterdam. Elle vient d’une famille d’artiste. Ils passent alors au théâtre forain et dirigent une structure démontable. Ils sont totalement itinérants pendant plusieurs décennies. Il exerce leur art dans le sud-ouest.

La Guerre de 1870 ruine le cirque Mouton, et, en 1871, François Mouton vend ses chevaux, monte un théâtre et prépare le drame et la comédie.

François décède à sur le Champ de Bataille (champ de foire) à Quimper le 14 août 1875 et en 1875, son épouse Catharina et son fils Romain reprennent la direction du théâtre.

Les tournées continuent comme en 1879 où le Théâtre Mouton se produit aux foires de Rennes, avec ce qui est alors appelé « Le Théâtre moral ». 

Nous possédons un document des Archives municipales de Rennes qui atteste de cette présence avec le demande formulée par Catharina Bouwmeester au Maire de Rennes.


Fougères, le 28 août 1879
Monsieur le Maire,

Les exigences du voyage jointes au désir que j’avais de revoir notre chère Bretagne m’ont ramené dans la contrée.
Je serais très heureuse de faire les prochaines foires de Rennes, aussi je prends la liberté de vous adresser la présente demande de  place, comptant sur la bonté que vous n’avez jamais cessé de témoigner à la famille Mouton.
L’emplacement dont j’aurais besoin pour mon théâtre serait de 30 mètres de longueur sur 8 mètres de profondeur ; je désire aussi placer un tir de 4 mètres de large sur 7 mètres de profondeur.
J’ose espérer Monsieur le Maire que vous voudrez bien m’accorder la bienveillant appui de votre haut patronage pour l’obtention de ces deux emplacements, près l’un de l’autre et à l’endroit le plus favorable.
Dans l’espoir que ma demande recevra comme par le passé un sympathique accueil.
Je vous prie d’agréer Monsieur le Maire, avec mes remerciements, mes plus respectueuses salutations.
Veuve Mouton, Directrice du Théâtre Moral à Fougères.


La réponse favorable de la Mairie ne se fait pas attendre, elle est datée du 30 août 1879. Les services de la mairie précisent que la foire de 1879 commence le dimanche 28 septembre, l’emplacement est situé Place de la Gare et trente francs d’arrhes sont à verser en mandat-poste.

1879 Archives de la Ville de Rennes

Comme tous ces théâtres, le fonctionnement est familial avec une douzaine de personnes dans la troupe dont Abel ; Romain Jeanne Marie Louise Mouton (artiste d'agilité et artiste lyrique) mariée avec Francis Beedle (gymnasiarque) ; Joséphine Mouton (artiste d'agilité) mariée avec Lucien Mansard (artiste d'agilité et écuyer) ; Pierre (artiste dramatique), Hélène Mouton (artiste lyrique)... 

Francis Beedle et Jeanne Mouton, épouse Beedle. 1880 Jean-Pierre Bernardon

Ce que l'on ne sait pas, c'est si ce théâtre avait une base, à quelle cadence il donnait ses spectacles et s'il se produisait en dehors de l'Ouest de la France...


Ci-dessous, cette photo du Théâtre Mouton au 19e siècle (4) nous donne une idée de la structure du chapiteau et de l'organisation du Théâtre itinérant. Loli Jean-Baptiste, doctorante en arts du spectacle à l' Université de Franche-Comté nous en dit plus sur ces théâtres : « Imaginez une construction imposante, rectangulaire, faite de panneaux verticaux en bois, de dimensions variables. (12 à 30 mètres de long et jusqu’à 10 mètres de large, pour les plus grandes). Au centre de la façade se trouve « le contrôle » un espace réservé à la billetterie, et à l’entrée du public. Le contrôle est toujours soigneusement orné de l’enseigne portant le nom de la famille. A côté de cela, autour de la « baraque », on peut voir s’installer les caravanes d’habitations, ainsi que le convoi.

À l’intérieur de la salle, la scène se dresse sur l’un des côtés. L’espace principal est composé d’un plancher incliné rempli de gradins, ou chaises de confort variable pour accueillir le public. En fonction de la taille du dispositif, la salle accueille de 200 à 1000 spectateurs.
» (5)

Photo Jean-Pierre Bernardon dans le Facebook "Forain d'autrefois" novembre 2023

On peut comparer le chapiteau du Théâtre Mouton à celui d'un autre théâtre forain, le Théâtre Taburet-Berthier, photographié ici en 1930.



3ème génération, Abel et Romain. 1885

Catharina décède le 1er novembre 1885 et ce sont les deux fils, Abel (1863-1934) et Romain (1850-1941), qui prennent la suite. Toute la famille participe de l'installation du théâtre jusqu'au spectacle.

Romain Mouton était le troisième des neuf enfants, tous élevés dans le cirque. A 5 ans, il paraissait déjà sur les planches et gagnait sa vie comme ses frères et sœurs. Il n'avait pas appris à lire, ce qui ne l'empêcha pas d'apprendre tous les rôles du répertoire théâtral dans des registres différents comme la comédie, le drame ou le mélodrame.

Romain Mouton 14 janvier 1939 Ouest-Eclair

Romain Mouton exercera comme directeur d'une troupe d'acteurs, dans un premier temps avec sa mère, pendant plus de cinquante années. « Dans la famille, il fallait être artiste lyrique ou dramatique et acrobate », avait-il expliqué. Sur la scène du théâtre, la famille Mouton produisait un spectacle avec drames, vaudeville, numéros d'équilibristes, de gymnasiarques, de magie. Certains numéros auraient tout aussi bien avoir eu leur place dans un cirque. D'ailleurs François Mouton (le père) était clown en plus de sa fonction de directeur du théâtre et Romain était acrobate.

La famille donna des représentations dans toute la France, en Espagne, en Italie, en Allemagne et en Belgique.

Le 7 septembre 1887, Romain, âgé de 37 ans et veuf depuis 1879, épousait son élève de gymnastique et lui apprenait la comédie.

Le Théâtre Mouton semait partout la générosité à l’égard notamment des Bureaux de bienfaisance. Romain Mouton déclarera : "J’ai donné plus de cent représentations au profit des oeuvres de bienfaisance, pour les sinistrés lors d’incendies ou d’inondations et je versais un dixième de la recette au bureau de bienfaisance des villes traversées".

La famille Mouton se sédentarise en Bretagne dans la deuxième moitié du 19e siècle. Le Théâtre de Romain Mouton s’installe à Saint-Brieuc. Plusieurs membres de la famille Mouton vont naître, se marier et décéder en Bretagne :

Jeanne, Marie Louise Mouton, née en 1848, se marie avec Francis Wilkes Beedle à Dinan le 6 mars 1872. Son mari est d’origine anglaise et il exerce comme gymnasiarque (professeur de gymnastique).

Adèle Beedle va naitre sur la fête d’hiver à Rennes en janvier 1873

Catharina, mariée avec François Mouton, décède Place Duguesclin à Saint-Brieuc le 1er novembre 1885, à l’âge de 60 ans. La Place Duguesclin était à l'époque le lieu où se produisaient les cirques et les théâtres forains. 


 

La fin du Théâtre Mouton

Au moment de la mobilisation en août 1914, la famille Mouton se trouvait à Pont-Aven et devait se rendre à Nantes. A Quintin, la troupe dut se dissoudre et le matériel fut remisé.

En 1915 Romain Mouton s’installe place Duguesclin à Saint-Brieuc.

Marchands ambulants sur la place Duguesclin à Saint-Brieuc.

Plus tard, Romain Mouton obtient de M. Servain, maire de Saint-Brieuc, l’autorisation de monter une baraque à frites place de la Gare.

Il faut avoir de bons yeux, mais les deux personnes au premier plan dans le square devant la gare sont assurément M et Mme Mouton !

Le décès de Romain Mouton, appelé "Le père Mouton", est marqué par la publication de plusieurs articles dans la presse locale.

Ouest-Eclair 14 octobre 1941
 

De son côté, la branche Jeanne Marie Louise Mouton (née en 1848) exercera aussi dans le théâtre forain, mais pas en Bretagne. Francis Wilkes-Beedle et Jeanne Mouton font du théâtre forain itinérant dans les départements du Cher, de l’Allier et du Puy-de-Dôme. 

 

Voilà des éclairages qui nous permettent de retracer les grandes étapes de ce formidable Théâtre Mouton.

Bravo les artistes !

 


Pour retourner au sommaire du blog, cliquer ici

 

A retrouver sur ce blog

L'histoire du Théâtre de l'espérance de la famille Audroin, cliquer ici

 

Notes

Recherches dans les archives de Ouest-France et du Télégramme.

(1) Le théâtre à Rennes, recherches d’histoire locale, notes et souvenirs. Lucien Decombe 1899.

(2) Article, dans la revue Folklore de Champagne, consacré au gens du voyage et à leurs théâtres populaires comme le Théâtre Lamberty. Cliquer ici


(3) Sur cette question du privilège, lire l'article suivant "Les Théâtres parisiens à l'heure du privilège (1807-1864), l'impossible contrôle", cliquer ici

(4) De nombreux renseignements et documents (archives de 1879, photo du théâtre Mouton...) ont été fournis par Jean-Pierre Bernardon, descendant de la famille Beedle-Mouton.

(5) Pour lire l'article de Loli Jean-Baptiste, "Le théâtre forain ambulant, un art populaire oublié", cliquer ici 


Sources

Facebook "Forain d'autrefois", cliquer ici 

Blog de la famille Lamberty, branche évangélique tzigane, cliquer ici

On peut se reporter à un article spécifique sur l'histoire de Romain Mouton, appelé le Père Mouton (cliquer ici) et un autre article sur Marthe Mouton, née Calphas (cliquer ici).

Correspondances avec Jean-Pierre Bernardon 2023

Musée du théâtre forain à Arthenay, cliquer ici


jeudi 21 décembre 2023

La résidence du Parc, dans le quartier de Robien, rue abbé Garnier à Saint-Brieuc et la Résidence des Eaux minérales. 1979

 

En janvier 1979, on construit la Résidence du Parc au numéro 17 de la rue abbé Garnier à Saint-Brieuc.

Résidence du Parc, rue abbé Garnier. St Brieuc. Photo RF

Cette résidence est située sur le terrain rendu disponible après la démolition de la Coopérative agricole du Finistère qui se trouvait au bout de la briqueterie Le Dû. 
Coopérative agricole du Finistère, rue abbé Garnier. Photo 1964. Site du Musée de Bretagne

 
Sur la photo ci-dessous, comme sur le dessin de décembre 1981, on voit que des bâtiments de la briqueterie et une cheminée subsistent .

Résidence du Parc, rue abbé Garnier. St Brieuc. Photo Archives municipales


Dessin d'André Coupé 28.12.1981. La briqueterie Le Dû et la Résidence du Parc au second plan.

 
 
L'architecture est contemporaine et se compose d'un seul bâtiment de forme cubique de 6 étages, avec des terrasses pour le dernier étage. Beaucoup d'appartements bénéficient d'une agréable vue sur la Vallée de Gouédic.
 
L'entrée du bâtiment principal sur la rue Abbé Garnier s'ouvre sur la gauche avec un petit espace de style japonais agrémenté d'arbres miniatures. Face à l'entrée, un joli bassin est entouré d'arbres.
 
Résidence du Parc, entrée. Photo RF 2023

 
Le 17 B est un immeuble qui est à flanc de coteau et permet de descendre par un ascenseur jusqu'au Chemin des Eaux minérales. 

Passerelle de la Résidence du Parc. Photo RF

La Résidence du Parc, tout en haut. Photo RF
 

La "Résidence des Eaux minérales" est donc "associée" à la Résidence du Parc. Elle se situe également dans le quartier de Robien, sur la rive gauche du Gouédic. 


Résidence des Eaux minérales. St Brieuc. Photo RF


Résidence des Eaux minérales. St Brieuc. Photo RF

 

 

Prolongements

Continuer la promenade vers le Chemin des eaux minérales, ici

ou vers la suite de la rue abbé Garnier, ici


 

Retour au sommaire, ici





mardi 19 décembre 2023

La présence protestante dans le quartier de Robien à St Brieuc. 1906-2022

 

La paroisse catholique de Robien était très influente au début du XXe siècle et on imagine bien que les très rares protestants du quartier devaient se montrer très discrets.

Il faut dire que les protestants dans leur ensemble ont eu beaucoup de mal à s’implanter dans la ville de Saint-Brieuc. 

 (ci-dessous, un livre écrit par l'abbé Camus et édité en 1900 qui donne une idée de la bataille livrée à cette époque)

 

Mais, autour du pasteur Jean Scarabin, des protestants parviennent à se réunir dans cette ville le dimanche 20 mai 1906. Tout se passe dans une salle louée dans le centre ville, au 12 rue du Champ de Mars (rue du Général Leclerc de nos jours). Les membres présents ce jour-là sont Messieurs Bird, Hansen, Hervet, Bonnet, Gouriou, Le Hech, Scarabin et Mesdames Bird, Aubin, Guillou, Doucet et Scarabin. L'assemblée désigne deux personnes pour déposer les statuts d'une association.

C'est ainsi qu'est fondée en juin 1906 l'Association de l’Église Évangélique Méthodiste de St Brieuc, inscrite au Journal Officiel du 12 juin, et dont les membres se réuniront au Temple de la rue Victor Hugo.

 

Des protestants à Robien dans les années 1900 

En 1906, il s'agit dans un premier temps de déposer les statuts à la préfecture et de nommer le comité directeur de cette Église protestante. On y trouve un habitant du quartier de Robien qui occupe le poste de secrétaire. Il s’agit de Auguste Le Hech, employé des Postes, né le 26 janvier 1869 à Bulat-Pestivien, résidant 15 rue Luzel.(Inscription au registre matricule n°1562, ici. Fiche Généalogique ici)

Dans les membres, on note aussi la présence d’une autre habitante du quartier de Robien : Anna Guillou, sans profession, née le 24 octobre 1845, résidant 39 boulevard Carnot. 

En 1920, on note une famille rue Jules Ferry.

En 1927, on a deux demoiselles rue Cuverville, Mlle Groler et Mlle Roelou. 

En 1930, M. Géraut, rue de l'Armistice et "au delà de la gare marchandise Monsieur Guernsen" (?).

De 1933 à 1942, M et Mme Leclerc, 15 rue du Pont-Chapet.

En 1947, M. Carlier (mari de Marthe Marquer, voir ci-dessous), 51 rue Cuverville.

En 1948-49, M. Christian Neihouser, habitant boulevard Hoche, né à Dommartin (Vosges) le 24 octobre 1873, est inscrit comme membre responsable de l’Église protestante de Saint-Brieuc. (Fiche généalogique ici)


La famille Marquer

La famille Marquer qui habitait dans la rue Cuverville était bien connue dans le monde protestant à Saint-Brieuc dans les années 1920-1930. Quelle est son histoire ?

Pierre Marquer est né le 31 mai 1858 à Goudelin dans une famille catholique (registre d’état civil, naissances, vue 345). 

Pierre Marquer naissance à Goudelin, registre 1858. Archives départementales.

Pierre Marquer est recensé sur le plan militaire au bureau de Guingamp en 1878 (Matricule 904, année1878, Guingamp, lot numéro 2, image 414) et il effectue son service militaire à Laon dans l’Aisne en 1880. 

Pierre Marquer. Recensement militaire Guingamp. 1878. Archives départementales.

Il rencontre alors le caporal Joseph Taquet, né en 1858 comme lui. C’est à son contact qu’il se convertit au protestantisme.
Pierre Marquer se fixe à Préseau (59) à partir du mois de septembre 1883.

Le 22 septembre 1884, à Préseau dans le Nord, Pierre Marquer épouse Marthe Taquet, née le 25 février 1861 à Préseau (image 95, acte ici), passementière (informations supplémentaires sur le site Généanet ici). Le pasteur Vincent François, domicilié à Denain, est témoin à leur mariage où il est désigné par l'officier d'état civil comme "ami des époux". La profession indiquée pour Pierre Marquer est celle de cordonnier. Le couple aura quatre enfants : Olympe, Marthe, Naomie et Joël.

Mariage Marquer-Taquet 1884. Archives du Nord. Commune de Préseau. Vue 139
Signature des témoins du mariage.

D’après Sébastien Fath dans son ouvrage Les baptistes en France, 1810-1950, Pierre Marquer s’engage activement dans l’évangélisation et la prédication occasionnelle dans les Églises de Préseau et Anzin dans le Nord.
L’Église Évangélique Baptiste d’Anzin est née en 1869 grâce au travail d’évangélisation des pasteurs Jean-Philippe Crétin et François Vincent, soutenus par l’Église Évangélique Baptiste de Denain. En 1897, l’Eglise inaugure son premier lieu de culte, rue Félix Faure. François Vincent (1833-1906) était un pasteur qui débordait d'énergie. Il avait épousé en 1859 Avéline Honorine Cadot, sœur du pasteur Aimé Cadot (1832-1915).

Sébastien Fath consacre quelques lignes pour établir une biographie sommaire du prédicateur laïc Pierre Marquer.

Puis la famille part à Valenciennes en juin 1900. Pierre exerce la profession de directeur d’atelier. La guerre 14-18 va leur faire quitter le Nord et leur fils Joël, né le 31 août 1885 à Valenciennes, mourra pendant cette guerre en 1916. Il avait 31 ans.

Fiche du site Mémoire des Hommes
 

Ils vont s’installer à Saint-Brieuc et s’impliquer dans la communauté protestante locale. Marthe Marquer est la première à s’inscrire comme membre de la paroisse en 1923. De 1927 à 1930, leur fille Naomie (née en 1887) va également s’engager et Pierre Marquer devient le vice-président de l’association cultuelle.


Solveig Hansen, une paroissienne née en 1916, les a côtoyés et se souvient : "Les Marquer venaient de Valenciennes dans le Nord, d'où ils avaient fui à cause de la Guerre 14-18. Une des filles avait été mariée mais son mari était décédé pendant la guerre. Olympe était mariée avec M. Descarpentries. La plus jeune s'est mariée avec René Carlier qui était venu du Nord pour travailler dans les mines de Trémuson. Naomie était célibataire. Les Marquer étaient de confession baptiste." (Témoignage recueilli le 24 mai 2023)

Olympe Marquer, née à Préseau (59) le 31 mai 1890, professeur de coupe, s'était effectivement mariée à Valenciennes, le 15 novembre 1913, avec Pierre Descarpentries, né le 13 novembre 1890 à Orchies, décédé le 24 août 1914 à Guise en Picardie. Marthe s'est mariée avec René Carlier et aura deux enfants. Naomie née en 1887 restera célibataire.

Pierre Marquer est décédé à Saint-Brieuc le 21 novembre 1939 et Marthe en 1948.

Compléments : 

Information pour Olympe sur le site Généanet, ici et pour son mari sur le site Mémoire des Hommes, ici) 

Mariage Pierre Marquer et Marthe Taquet en 1884, ici


 

Quand la musique dérangeait 1930

En 1930, une affaire qui s'est déroulée dans le quartier de Robien a fait grand bruit, bien au-delà des Côtes-du-Nord !

M et Mme Carro qui tenaient un bistrot dans le bas de la rue Luzel y avaient installé un piano mécanique. Autour de cette musique, des bals se déroulaient sans que personne ne trouve à redire jusqu'au jour où l’Évêque de Saint-Brieuc se mit à condamner le plus fermement cette pratique, trouvant que ces lieux étaient des endroits de perversion de la jeunesse.

Le malheur frappa la famille Caro qui perdit leur fils de 4 ans. Condamnés moralement par l’Église M et Mme Caro se virent refuser un enterrement religieux.

Seul le pasteur réformé Jean Scarabin, qui officiait au Temple de St Brieuc, leur offrit cette cérémonie.

Le journal L'oeuvre et le journal Le Citoyen (lu dans le Finistère)  relatèrent cette affaire.

L'oeuvre. 21 juillet 1930

Le pasteur Scarabin en 1939

Les protestants vus par les catholiques dans les années 1930

Entre 1936 et 1938, les curés des Côtes-du-Nord ont répondu à une vaste enquête sur la vie dans leur paroisse. Quatre questions sur les protestants sont posées, elles figurent à la page 40 d’un questionnaire qui en comporte 41, c’est dire que ce n’est pas le sujet central ! Mais cela nous renseigne sur la manière dont les protestants des Côtes-du-Nord sont vus par des catholiques.

J. Marcadet, le curé de la paroisse Sainte-Anne-de-Robien,  a répondu qu’il n’y avait qu’une seule famille protestante dans la paroisse et, en parlant des parents catholiques qui seraient allés dans un temple protestant : « Quelques uns sont allés dans cette salle par curiosité ».

Un article du journal paroissial du 31 août 1930 met aussi en évidence la défiance envers les protestants qui viennent "chez nous", comme le mentionne le curé dans son titre. Les termes utilisés ne sont pas anodins : le curé "met en garde" au sujet de ces "quêteurs inconnus"...


Bulletin paroissial. 1930. Archives départementales.

 

Dans les années 1960

Bien plus tard, dans les années 60, dans la paroisse de Robien, l’heure est au dialogue entre catholiques et protestants sous l’impulsion de Jules Auffray, curé de Robien et du pasteur Kieffer.

Les chrétiens se retrouvent pour un temps fort, au moment de la semaine de l’Unité, qui se déroule chaque mois de janvier.

A l'occasion de l'ordination du pasteur Kieffer, une conférence est organisée dans une salle du quartier de Robien à St Brieuc où le pasteur Paul Gerber s'adresse à tous les chrétiens.

En 1967, une grande exposition sur la Bible est présentée pendant une semaine au mois de mai. Elle est accompagnée de trois conférences. La première est proposée au Temple par le pasteur Jean Barral (de l'Alliance biblique) et la seconde, à la salle de Robien, est animée par le chanoine Péron, curé de Guingamp et par le pasteur Barral.

Dans les années 70, la forme des rencontres change mais sur le fond, le dialogue se poursuit.  En 1976, le pasteur Blanc rencontre l'abbé Auffret de Robien, Le Borgne de Plérin, Le Conniat de St Vincent de Paul et l'abbé Giblat. Ces rencontres se déroulent dans un très bon état d'esprit.

En janvier 81, échange de chaire, le pasteur Le Cozannet donne la prédication à l'église de Robien et une semaine plus tard, le curé de Robien prêche au Temple.

Emile Le Cozannet

Dans les années 1990 et 2000, l’église de Robien est un lieu très vivant et de nombreuses cérémonies œcuméniques s’y déroulent.

En 1996, 200 personnes sont réunies pour une prière oecuménique dans l’église Sainte-Anne-de-Robien. C’est Pierre Charlot, président du Conseil presbytéral de L’Eglise Réformée, de France qui débute la cérémonie par un discours d’accueil.

Pierre Charlot

La présidence est assurée par le pasteur Thomas Mentzel de l’Eglise Réformée. On note aussi la présence de José Loncke de l’Eglise Baptiste de Morlaix.

A gauche, le pasteur Thomas Mentzel

En 1998, catholiques et protestants prient ensemble et Caroline Engel, pasteure à  de l’Eglise Réformée est présente, ainsi que d’autres membres de la communauté protestante comme le docteur Erling Hansen, bien connu alors à St Brieuc, et des évangéliques baptistes. Catholiques et protestants alternent lectures et chants.

 

En janvier 1999, à l'église Sainte-Anne de Robien, protestants et catholiques sont venus prier ensemble sous la présidence de  Monseigneur Fruchaud dans une célébration préparée en commun. La pasteure Caroline Engel était présente pour les protestants. (Ouest-France, 22 janvier 1999).

Dans les années qui suivront de moins en moins de moments de partages et de cérémonies se déroulent à l'église de Robien et les semaines de l'Unité continueront dans d'autres lieux...


Les protestants évangéliques dans le quartier de Robien.

L’Église protestante évangélique s'est installée à partir de 1960 au 10 rue Anne-de-Bretagne, dans le quartier de Robien. Elle est membre de la Fédération évangélique de France.

En 1975, deux manifestions sont annoncées par voie de presse.

17 mai 1975 Ouest-France

18 juillet 1975 Ouest-France

En 1985, on trouve cette Eglise sous le nom de "Mission évangélique Croix-Péron", en référence au nom du carrefour de la Croix-Péron, proche de la rue Anne-de-Bretagne.

Jusqu'en 2010, elle bénéficiait des services de pasteurs puis elle a été animée par une association culturelle présidée par Pierre Dubois. L'assistance moyenne au culte du dimanche était de 50 personnes. Ce groupe s'est particulièrement investi en 2010 pour présenter à l'espace Lamennais une pièce de théâtre jouée par 15 acteurs amateurs sur l'évangile de Marc, appelée "Marc, l'expérience" (samedi 22 janvier 2011).

L'Eglise évangélique a déménagé par la suite dans un autre quartier de Saint-Brieuc.

10 rue Anne de Bretagne à St Brieuc
 

Une autre Église évangélique appelée "Association La Paix de l’Éternel" a utilisé les anciens locaux industriels du site de la rue du Pré-Chesnay au numéro 38 à partir de 2015. Elle a fait des travaux pour transformer en partie des bâtiments en lieu de culte. D'autres travaux de mise aux normes et construction de sanitaires ont également été effectués.

L'association est enregistrée comme une association culturelle et de loisirs qui pratique le chant Gospel. C'est aussi une association religieuse qui avait pour but : "adorer et louer Dieu l’Éternel, d’évangéliser les gens, afin de donner espoir aux âmes découragées et de réconforter celles déjà fortes".

Puis les buts ont été redéfinis ainsi : "faire vivre et connaître la confession de foi du christianisme".(Association Loi 1901)
Son siège a été situé au départ dans le quartier Balzac puis au 22 rue Ambroise Croizat bâti. 2 11ème étage, porte 22 à Saint-Brieuc.

Le 38 de la rue du Pré-Chesnay à St Brieuc. Photo RF

Intérieur du 38 de la rue du Pré-Chesnay à St Brieuc. Photo RF


Retour au sommaire ICI

 

Si vous avez des remarques ou des éléments pour compléter cet article, merci d'utiliser le formulaire de contact en haut à droite...

 

Sources

Registre des membres de la paroisse protestante de Saint-Brieuc.

Questionnaires  3F11a et 3F11b. Diocèse de St Brieuc

Articles de Ouest-France, 22 janvier 1996, 23 janvier 1998, 27 janvier 1999.

Article sur l'histoire des protestants dans les Côtes-du-Nord, ici 

Fiche dans Généanet sur Auguste Le Hech, ici

Mariage Pierre Marquer et Marthe Taquet en 1884, ici

A propos de Pierre Marquer, histoire de l'Eglise évangélique d'Anzin, cliquer ici

Article de Ouest-France du 24 janvier 2010 sur la présence de l’Église évangélique rue Anne de Bretagne

 

 

 

L'histoire du quartier de Robien à Saint-Brieuc. Sommaire

  Le quartier de Robien à Saint-Brieuc s’est vraiment peuplé il n’y a pas plus d’un siècle, mais son histoire présente de multiples intérê...