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mercredi 3 mai 2023

Le Moulin du Chaix, dans le chemin des Eaux minérales à Saint-Brieuc.

 


Vue actuelle de l'ancien Moulin du Chaix. St Brieuc. Photo RF

 

 

Les lieux d'origine ont bien changé, un bief coulait à l'arrière du Moulin et une roue à eau se trouvait sur le pignon.


Le bief au dessus du Moulin du Chaix. Carte postale

 

La roue du moulin. 1862. Plan du Moulin du Chaix. Dossier 5 M 49 Archives départementales

 

  

Aux origines du Moulin du Chaix

 

L'histoire pourrait commencer le 22 août 1842, ce jour là, l’ingénieur des Ponts et Chaussée arrive devant le Moulin au Chaix pour y rencontrer le meunier François Le Mée.
 

Dans un premier temps, l’ingénieur souhaite voir l’ordonnance royale en vertu de laquelle devait être établie son usine. M. Le Mée répond « qu’il n’existait aucun titre semblable, bien que l’usine fut établie depuis un grand nombre d’années. ».

Les services hydrauliques de la Ville sont bien d’accord sur le fait que le Moulin du Chaix est antérieur à 1789. Mais encore ?

Un document de l’Évêché, de 1710, mentionne que plusieurs moulins de Saint-Brieuc, dont « le moulin au Chaix dépendant de l’Évêché, n’ont pas été rétablis depuis qu’ils furent démolis pendant les guerres civiles et la Ligue ».

 

Fonds de l’Évêché 1710. Archives départementales

 

Ces indications sur les guerres de la Ligue en Bretagne nous font donc remonter entre 1588 et 1598. Mais ces dates ne valent que pour la destruction du moulin et non pour sa construction…

Le premier acte concernant le moulin, écrit devant un notaire nommé Quintin, remonte au 3 mars 1737. On y apprend que le fermage de la ferme du Moulin au Chaix a été passé par veuve Ruffelet à Vincent Perrier, le 21 février 1737. La somme se monte à 490 livres.

 

Pour accéder à un document indiquant tous les fermages de 1737 à 1796, cliquer ici

 

 

 

Les modifications du Moulin du Chaix et autour du moulin

Un plan de 1814 fait mention d'un moulin appelé ici "Moulin au Chaix", on trouve aussi  plus rarement "Moulin au Chée"..
Nous retiendrons le nom de "Moulin du Chaix".

Mention du Moulin au Chaix. Plan 1814

 

Les dossiers conservés aux archives municipales et départementales nous font découvrir les modifications apportées au moulin et dans l’environnement proche, les problèmes posés au meunier.

Le 22 août 1842, le premier sujet est celui de la modification de la roue motrice du Moulin aux Chaix.

M. Le Mée, meunier, demande de « changer le système de la roue motrice de l’usine à blé dit le Moulin aux Chaix, commune de Saint-Brieuc ».

 

La roue de moulin, ci-dessous, n'est pas celle du Moulin du Chaix dont nous ne possédons malheureusement pas de photo mais elle nous donne une idée de ce qui se faisait en Bretagne au XIXe siècle et début XXe. 

Moulin sur le Couesnon. Photo Musée de Bretagne.

 

L’ingénieur des Ponts et Chaussée, qui n’a donc pas obtenu de titres de propriété, rapporte la discussion qui a suivi avec le meunier : « Il nous a fait connaître que l’eau du ruisseau du Gouédic était amenée à son usine au moyen d’une dérivation alimentée par un étang situé à environ deux cents mètres en amont de cette usine, qu’elle y mettait en mouvement une roue à augets  d’environ quatre mètres de diamètre ». Le meunier souhaite la remplacer par une roue de six mètres de diamètre et l’autorisation sera accordée…

 

Signature du meunier François Le Mée

 


Les différentes vues du plan de 1847, nous donnent une idée de toutes les modifications apportées au cours du Gouédic dans cette portion : des dérivations et un étang en particulier.




Mention du Moulin du Chaix. Plan1847
 
Agrandissement de la portion avec le Moulin. Plan 1847



Dans le chemin des Eaux minérales, en amont du Moulin, on trouvait un étang appelé "Étang de l’Évêque" (en 644 sur le plan).

 

Agrandissement de la portion avec l'étang de l'Evêque. Plan 1847

 

Le 1er Octobre 1863, le Préfet envoie un courrier à l’ingénieur en chef de la Compagnie des Chemins de fer de l’Ouest car une réclamation est formée par plusieurs propriétaires d’usines (moulins situés en aval) contre la prise d’eau établie sur le ruisseau de Gouédic par la Compagnie des Chemins de fer de l’Ouest pour l’alimentation des locomotives sur la station de St Brieuc.

 

Projet de pompage 1864. Archives départementales. Dossier 84 S 11

 

Projet de pompage 1864. Archives départementales. Dossier 84 S 11

 


Projet de pompage 1864. Archives départementales. Dossier 84 S 11

 

L’argumentaire est développé par l’ingénieur des Ponts et Chaussées. 

Premier problème, cette prise d’eau n’a pas été réalisée après une demande aux autorités. La demande ne sera faite que l’année suivante. 

Deuxième problème, en été le débit est faible et les usiniers risqueraient d’être privés d’une quantité d’eau suffisante. Une enquête publique est ouverte en juin 1864 et les meuniers vont y apporter leurs remarques (moulin de Gouédic, Petit moulin, M. Hinault au moulin du Chaix).   


M.Hinault, ne sait pas écrire mais il fait noter "que la compagnie ayant pour prendre de l'eau du Gouédic, rétréci de moitié le lit du ruisseau, en y faisant un canal, il en résulte, lors des grandes eaux, un engorgement qui empêche la roue de tourner". L’enquêteur écrit ensuite que le meunier « éprouve donc un préjudice notable et en résulte qu'il sera même obligé de diminuer le diamètre de sa roue d'un mètre. Il perdra ainsi une grande quantité du travail qu'elle produisait auparavant ».  


Mais le Préfet  n’est pas convaincu par les arguments des plaignants et il donne raison  à la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest. L’autorisation leur sera officiellement délivrée.

  

En juin 1880, c’est une demande de l’abbé Bertho, directeur de l’Institut des Sourds-Muets. Il souhaite construire un lavoir de douze mètres de long, pour les besoins de son institution, sur le bord du Gouédic, traversant la prairie du Moulin au Chaix. 

 

Demande de l'abbé Bertho. Archives départementales. 84 S 11

 

 

Nous avons une description du moulin en 1882 : « Le moulin au Chaix est situé à l’extrémité d’une dérivation du Gouédic d’une longueur de 350 mètres pratiquée sur la droite du ruisseau.

En amont se trouve un lavoir, appartenant à Monsieur de Saint Méloir, sur le lit naturel du ruisseau. L’institut des Sourds-Muets vient de construire une buanderie ».

Les abords du moulin n'étaient pas si éloignés que ça de l'Institut des Sourds en empruntant "le chemin de la Côte" (Côte Vendel de nos jours)

 

1865. Plan des Archives municipales

 
1865. Plan des Archives municipales


 

Les métamorphoses du Gouédic

Le cours du Gouédic n'a pas toujours été celui que l'on voit de nos jours dans cette partie appelée le chemin des Eaux minérales.

En 1882, il est question de la reconstruction du barrage déversoir du Moulin, de la rectification du lit de la rivière entre la buanderie des Sourds-Muets et, enfin, d'un nouveau déversoir.

 

Projet 1882. Archives départementales. 84 S 61

 

 

Les ennuis d'un meunier sur le Gouédic

Les inondations du mois de septembre 1880 ont été terribles et elles ont causé

d'importantes pertes à Yves Hinault, "meunier dans les dépendances du moulin au Chaix à Saint-Brieuc"  :

Un pont récemment construit en pierres de taille long de 5 mètres sur 3 mètres de large, situé au couchant du moulin a été entièrement démoli jusqu'aux fondements par les eaux.

Le déversoir long de 4m50 sur 3 mètres de large, bâti en pierres de taille, a été enlevé de même jusqu'aux fondements et ne laisse dans l'emplacement que de faibles ruines.

Trois ares de terres au bas du déversoir ont été totalement ruinées. La bonne terre a été enlevée jusqu'au fond rocailleux.

L'eau pénétrant dans le moulin à une hauteur de 1m55 a perdu en linge une valeur de 45 francs et en farine (environ 300 kilos) valant 96 francs. Perte totale: 1 141 francs

Peut-être n'a t-il pas été aidé après ces inondations de 1880 car en 1891-1892, M. Hinault fait une pétition pour obtenir l’autorisation de reconstruire le déversoir du Moulin.

 

 

L'arrêt du moulin

Le Moulin du Chaix se serait arrêté de fonctionner un peu après 1900.

D’après le recensement de 1901, le dernier meunier du Moulin du Chaix semble avoir été François Le Louédec, 50 ans qui vivait avec Marie Le Louédec, née Mordelet, son épouse, 44 ans et leurs deux enfants Marie, 9 ans et Joseph, 18 mois. Joseph est né le 5 octobre 1899 à Saint-Brieuc.

Charles Le Louédec était également enregistré comme meunier au Moulin-du-Chaix en 1899.

Charles François Marie Le Louédec est né le 25 février 1879 à Trédarzec (22). Il est le fils de François Le Louédec, meunier à Trédarzec et de Annette Camus, ménagère. Le premier témoin à sa naissance est Charles Traourouder, un autre meunier.

Naissance Le Louédec 1879 Etat civil en ligne.

 

Dans le recensement militaire en 1899, il est enregistré sous le matricule 633. Il est incorporé comme jeune soldat appelé au 70e Régiment d’Infanterie le 16 novembre 1900 et envoyé en congé le 19 septembre 1903.

Recensement militaire Le Louédec. 1889 Archives départementales

 

Après avoir été meunier au Moulin-du-Chaix à Saint-Brieuc et après être revenu de son service militaire en 1903, il part à Orléans en 1908 et en 1913 à Alençon.

En août 1914, il est mobilisé au 74e régiment Territorial d’Infanterie. Servant ensuite au 350e Régiment d’Infanterie, il est tué au combat le 1er octobre 1916 devant Combles dans la Somme. Il avait 37 ans.


 


Par contre, dans le recensement de 1906, aucune personne n'est mentionnée comme meunier.

En 1916, un commerce s'installe dans la vallée de Gouédic, Mme Boleillon devient débitante au Moulin du Chaix ! 

Le 23 mars 1916, Mme Boleillon adresse une réclamation au Préfet en lui indiquant que la dernière crue a causé des dégradations aux berges et au chemin latéral longeant la rive gauche de la rivière. Elle ajoute qu'aux abords d'un petit pont en pierre établi sur le Gouédic et donnant accès à son auberge se trouvant sur la rive droite, la crue a enlevé une partie du chemin avoisinant le dit pont, et que, de ce fait, il est très dangereux d'y faire passer une charrette chargée.

Après cette courte expérience qui visait à transformer le moulin en bistrot, le bâtiment sera exclusivement destiné à être une habitation.

 

Le Moulin du Chaix, détail de carte postale.

 
Paroles d'habitants
 
 
D'après un article du 28 novembre 1996 du journal Ouest-France.
 
Jacqueline Mathieu, née en 1926 dans la maison de ses parents, l'ancien Moulin du Chaix, dernière habitation du chemin avant la Côte Vendel. Elle partage cette grande maison avec Cécile Dy, la femme de son frère.
 
« Quand mes parents l'ont achetée en 1921, le moulin avait déjà été transformé en maison particulière. Nous n'avons donc que des photos pour témoigner de ce passé. Malheureusement, la prise de vue est toujours la même. On n'y voit jamais la roue du moulin, installée sur le pignon nord. Tout cela pour avoir le viaduc en arrière-plan »
 
Elles retracent ainsi l'histoire de leur propriété. 
 
« La rivière a été détournée pour créer le bief qui contournait la maison. Je l'ai toujours connu comblé. Mais le mur qui le fermait existe toujours. Sur les photos, on devine aussi la carrière de granit, exploitée du côté de la Côte-aux-Maris. La plupart des maisons de la vallée ont été construites avec ces pierres. » 
 
 

Sur le côté imprévisible du Gouédic, Jacqueline et Cécile se souviennent de fortes inondations 

« Notre maison n'a pas été surélevée comme les autres du chemin. Je me souviens particulièrement d'une fonte des neiges en février dans les années cinquante. L'eau avait envahi tout le rez-de-chaussée. Les derniers dégâts remontent à 1992. Le Gouédic a l'air d'un petit ruisseau, mais c'est un vrai torrent » 

Les deux femmes du moulin ont depuis longtemps remédié aux sautes d'humeur de la rivière en habitant au premier étage.

« La végétation est luxuriante. Il y a toujours eu des hêtres superbes. A la belle saison, c'est un ravissement permanent de vivre ici. Les lavandières n'existent plus. Ce sont maintenant les promeneurs qui en profitent. Je les vois passer devant chez moi, avec leur chien. Souvent ils guettent un panneau « A vendre » sur une maison. Mais personne ne veut partir. Car ici, c'est le paradis ! »



Dessin de J. Saurel 1983. Brochure touristique de J. Saurel

 
 

Si vous souhaitez partager vos remarques ou des documents sur ce moulin et cette partie de la vallée de Gouédic, merci d'utiliser le formulaire de contact en haut de page.

 

 

A consulter sur le même sujet dans ce blog

 

Au sud du quartier, traverser le ruisseau du Gouédic, cliquer ici

Les métamorphoses du Gouédic, partie 1. Dérivations, disparitions, cliquer ici

Les métamorphoses du Gouédic, partie 2. L'étang de Robien, cliquer ici

Les lavandières du Gouédic dans le Chemin des Eaux minérales, cliquer ici   

Les secrets de la Fontaine minérale, cliquer ici 

La fabrique de chapeaux de M. Chevalier, cliquer ici



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Sources


Cette recherche a bénéficié de nombreux échanges très enrichissants avec Sébastien Guittard et Cécile Beaujean, actuels propriétaires de l'ancien moulin du Chaix. 

Brigitte Vie, propriétaire du Moulin Jacques Rouxel à Saint-Brieuc, avait également effectué des recherches sur les fermages du moulin dans les Fonds de l'Evêché (Archives départementales). Pour accéder à un document indiquant tous les fermages de 1737 à 1796, cliquer ici

 

En décembre 2022, courrier de Claudie Rebout, arrière petite-fille de M. Le Louedec, dernier meunier du moulin.

Quatre dossiers des Archives Départementales des Côtes d’Armor ont été très utiles :

Le Gouédic. Dossier 84 S 11.



Projet de pompage 1864. Dossier 84 S 11.


Moulin au Chaix (4) St Brieuc. Curages. Dossier 84 S 61(3)  

 

Note de Monsieur Yves Hinault à Monsieur le Préfet des Côtes-du-Nord, le 15 mai 1881 (Archives Départementales de Côtes d'Armor -1 M 483)




Archives municipales, cartes postales anciennes

 

Musée de Bretagne, notice sur le moulin du Bois-Lehou sur le Couesnon, cliquer ici

Musée de Bretagne. Affiche des Chemins de fer, cliquer ici

 

Notions historiques, géographiques, statistiques et agronomiques sur le littoral du département des Côtes-du-Nord. François-Marie Habasque, 1980 (Reproduction de l'édition de 1832-1836) 

 

Histoire de la ville de Saint-Brieuc. Jules Lamare, 1884. 

 

Affiche touristique pour visiter la vallée du Gouessant

 

 

 

 



  

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