mardi 19 décembre 2023

La présence protestante dans le quartier de Robien à St Brieuc. 1906-2022

 

La paroisse catholique de Robien était très influente au début du XXe siècle et on imagine bien que les très rares protestants du quartier devaient se montrer très discrets.

Il faut dire que les protestants dans leur ensemble ont eu beaucoup de mal à s’implanter dans la ville de Saint-Brieuc. 

 (ci-dessous, un livre écrit par l'abbé Camus et édité en 1900 qui donne une idée de la bataille livrée à cette époque)

 

Mais, autour du pasteur Jean Scarabin, des protestants parviennent à se réunir dans cette ville le dimanche 20 mai 1906. Tout se passe dans une salle louée dans le centre ville, au 12 rue du Champ de Mars (rue du Général Leclerc de nos jours). Les membres présents ce jour-là sont Messieurs Bird, Hansen, Hervet, Bonnet, Gouriou, Le Hech, Scarabin et Mesdames Bird, Aubin, Guillou, Doucet et Scarabin. L'assemblée désigne deux personnes pour déposer les statuts d'une association.

C'est ainsi qu'est fondée en juin 1906 l'Association de l’Église Évangélique Méthodiste de St Brieuc, inscrite au Journal Officiel du 12 juin, et dont les membres se réuniront au Temple de la rue Victor Hugo.

 

Des protestants à Robien dans les années 1900 

En 1906, il s'agit dans un premier temps de déposer les statuts à la préfecture et de nommer le comité directeur de cette Église protestante. On y trouve un habitant du quartier de Robien qui occupe le poste de secrétaire. Il s’agit de Auguste Le Hech, employé des Postes, né le 26 janvier 1869 à Bulat-Pestivien, résidant 15 rue Luzel.(Inscription au registre matricule n°1562, ici. Fiche Généalogique ici)

Dans les membres, on note aussi la présence d’une autre habitante du quartier de Robien : Anna Guillou, sans profession, née le 24 octobre 1845, résidant 39 boulevard Carnot. 

En 1920, on note une famille rue Jules Ferry.

En 1927, on a deux demoiselles rue Cuverville, Mlle Groler et Mlle Roelou. 

En 1930, M. Géraut, rue de l'Armistice et "au delà de la gare marchandise Monsieur Guernsen" (?).

De 1933 à 1942, M et Mme Leclerc, 15 rue du Pont-Chapet.

En 1947, M. Carlier (mari de Marthe Marquer, voir ci-dessous), 51 rue Cuverville.

En 1948-49, M. Christian Neihouser, habitant boulevard Hoche, né à Dommartin (Vosges) le 24 octobre 1873, est inscrit comme membre responsable de l’Église protestante de Saint-Brieuc. (Fiche généalogique ici)


La famille Marquer

La famille Marquer qui habitait dans la rue Cuverville était bien connue dans le monde protestant à Saint-Brieuc dans les années 1920-1930. Quelle est son histoire ?

Pierre Marquer est né le 31 mai 1858 à Goudelin dans une famille catholique (registre d’état civil, naissances, vue 345). 

Pierre Marquer naissance à Goudelin, registre 1858. Archives départementales.

Pierre Marquer est recensé sur le plan militaire au bureau de Guingamp en 1878 (Matricule 904, année1878, Guingamp, lot numéro 2, image 414) et il effectue son service militaire à Laon dans l’Aisne en 1880. 

Pierre Marquer. Recensement militaire Guingamp. 1878. Archives départementales.

Il rencontre alors le caporal Joseph Taquet, né en 1858 comme lui. C’est à son contact qu’il se convertit au protestantisme.
Pierre Marquer se fixe à Préseau (59) à partir du mois de septembre 1883.

Le 22 septembre 1884, à Préseau dans le Nord, Pierre Marquer épouse Marthe Taquet, née le 25 février 1861 à Préseau (image 95, acte ici), passementière (informations supplémentaires sur le site Généanet ici). Le pasteur Vincent François, domicilié à Denain, est témoin à leur mariage où il est désigné par l'officier d'état civil comme "ami des époux". La profession indiquée pour Pierre Marquer est celle de cordonnier. Le couple aura quatre enfants : Olympe, Marthe, Naomie et Joël.

Mariage Marquer-Taquet 1884. Archives du Nord. Commune de Préseau. Vue 139
Signature des témoins du mariage.

D’après Sébastien Fath dans son ouvrage Les baptistes en France, 1810-1950, Pierre Marquer s’engage activement dans l’évangélisation et la prédication occasionnelle dans les Églises de Préseau et Anzin dans le Nord.
L’Église Évangélique Baptiste d’Anzin est née en 1869 grâce au travail d’évangélisation des pasteurs Jean-Philippe Crétin et François Vincent, soutenus par l’Église Évangélique Baptiste de Denain. En 1897, l’Eglise inaugure son premier lieu de culte, rue Félix Faure. François Vincent (1833-1906) était un pasteur qui débordait d'énergie. Il avait épousé en 1859 Avéline Honorine Cadot, sœur du pasteur Aimé Cadot (1832-1915).

Sébastien Fath consacre quelques lignes pour établir une biographie sommaire du prédicateur laïc Pierre Marquer.

Puis la famille part à Valenciennes en juin 1900. Pierre exerce la profession de directeur d’atelier. La guerre 14-18 va leur faire quitter le Nord et leur fils Joël, né le 31 août 1885 à Valenciennes, mourra pendant cette guerre en 1916. Il avait 31 ans.

Fiche du site Mémoire des Hommes
 

Ils vont s’installer à Saint-Brieuc et s’impliquer dans la communauté protestante locale. Marthe Marquer est la première à s’inscrire comme membre de la paroisse en 1923. De 1927 à 1930, leur fille Naomie (née en 1887) va également s’engager et Pierre Marquer devient le vice-président de l’association cultuelle.


Solveig Hansen, une paroissienne née en 1916, les a côtoyés et se souvient : "Les Marquer venaient de Valenciennes dans le Nord, d'où ils avaient fui à cause de la Guerre 14-18. Une des filles avait été mariée mais son mari était décédé pendant la guerre. Olympe était mariée avec M. Descarpentries. La plus jeune s'est mariée avec René Carlier qui était venu du Nord pour travailler dans les mines de Trémuson. Naomie était célibataire. Les Marquer étaient de confession baptiste." (Témoignage recueilli le 24 mai 2023)

Olympe Marquer, née à Préseau (59) le 31 mai 1890, professeur de coupe, s'était effectivement mariée à Valenciennes, le 15 novembre 1913, avec Pierre Descarpentries, né le 13 novembre 1890 à Orchies, décédé le 24 août 1914 à Guise en Picardie. Marthe s'est mariée avec René Carlier et aura deux enfants. Naomie née en 1887 restera célibataire.

Pierre Marquer est décédé à Saint-Brieuc le 21 novembre 1939 et Marthe en 1948.

Compléments : 

Information pour Olympe sur le site Généanet, ici et pour son mari sur le site Mémoire des Hommes, ici) 

Mariage Pierre Marquer et Marthe Taquet en 1884, ici


 

Quand la musique dérangeait 1930

En 1930, une affaire qui s'est déroulée dans le quartier de Robien a fait grand bruit, bien au-delà des Côtes-du-Nord !

M et Mme Carro qui tenaient un bistrot dans le bas de la rue Luzel y avaient installé un piano mécanique. Autour de cette musique, des bals se déroulaient sans que personne ne trouve à redire jusqu'au jour où l’Évêque de Saint-Brieuc se mit à condamner le plus fermement cette pratique, trouvant que ces lieux étaient des endroits de perversion de la jeunesse.

Le malheur frappa la famille Caro qui perdit leur fils de 4 ans. Condamnés moralement par l’Église M et Mme Caro se virent refuser un enterrement religieux.

Seul le pasteur réformé Jean Scarabin, qui officiait au Temple de St Brieuc, leur offrit cette cérémonie.

Le journal L'oeuvre et le journal Le Citoyen (lu dans le Finistère)  relatèrent cette affaire.

L'oeuvre. 21 juillet 1930

Le pasteur Scarabin en 1939

Les protestants vus par les catholiques dans les années 1930

Entre 1936 et 1938, les curés des Côtes-du-Nord ont répondu à une vaste enquête sur la vie dans leur paroisse. Quatre questions sur les protestants sont posées, elles figurent à la page 40 d’un questionnaire qui en comporte 41, c’est dire que ce n’est pas le sujet central ! Mais cela nous renseigne sur la manière dont les protestants des Côtes-du-Nord sont vus par des catholiques.

J. Marcadet, le curé de la paroisse Sainte-Anne-de-Robien,  a répondu qu’il n’y avait qu’une seule famille protestante dans la paroisse et, en parlant des parents catholiques qui seraient allés dans un temple protestant : « Quelques uns sont allés dans cette salle par curiosité ».

Un article du journal paroissial du 31 août 1930 met aussi en évidence la défiance envers les protestants qui viennent "chez nous", comme le mentionne le curé dans son titre. Les termes utilisés ne sont pas anodins : le curé "met en garde" au sujet de ces "quêteurs inconnus"...


Bulletin paroissial. 1930. Archives départementales.

 

Dans les années 1960

Bien plus tard, dans les années 60, dans la paroisse de Robien, l’heure est au dialogue entre catholiques et protestants sous l’impulsion de Jules Auffray, curé de Robien et du pasteur Kieffer.

Les chrétiens se retrouvent pour un temps fort, au moment de la semaine de l’Unité, qui se déroule chaque mois de janvier.

A l'occasion de l'ordination du pasteur Kieffer, une conférence est organisée dans une salle du quartier de Robien à St Brieuc où le pasteur Paul Gerber s'adresse à tous les chrétiens.

En 1967, une grande exposition sur la Bible est présentée pendant une semaine au mois de mai. Elle est accompagnée de trois conférences. La première est proposée au Temple par le pasteur Jean Barral (de l'Alliance biblique) et la seconde, à la salle de Robien, est animée par le chanoine Péron, curé de Guingamp et par le pasteur Barral.

Dans les années 70, la forme des rencontres change mais sur le fond, le dialogue se poursuit.  En 1976, le pasteur Blanc rencontre l'abbé Auffret de Robien, Le Borgne de Plérin, Le Conniat de St Vincent de Paul et l'abbé Giblat. Ces rencontres se déroulent dans un très bon état d'esprit.

En janvier 81, échange de chaire, le pasteur Le Cozannet donne la prédication à l'église de Robien et une semaine plus tard, le curé de Robien prêche au Temple.

Emile Le Cozannet

Dans les années 1990 et 2000, l’église de Robien est un lieu très vivant et de nombreuses cérémonies œcuméniques s’y déroulent.

En 1996, 200 personnes sont réunies pour une prière oecuménique dans l’église Sainte-Anne-de-Robien. C’est Pierre Charlot, président du Conseil presbytéral de L’Eglise Réformée, de France qui débute la cérémonie par un discours d’accueil.

Pierre Charlot

La présidence est assurée par le pasteur Thomas Mentzel de l’Eglise Réformée. On note aussi la présence de José Loncke de l’Eglise Baptiste de Morlaix.

A gauche, le pasteur Thomas Mentzel

En 1998, catholiques et protestants prient ensemble et Caroline Engel, pasteure à  de l’Eglise Réformée est présente, ainsi que d’autres membres de la communauté protestante comme le docteur Erling Hansen, bien connu alors à St Brieuc, et des évangéliques baptistes. Catholiques et protestants alternent lectures et chants.

 

En janvier 1999, à l'église Sainte-Anne de Robien, protestants et catholiques sont venus prier ensemble sous la présidence de  Monseigneur Fruchaud dans une célébration préparée en commun. La pasteure Caroline Engel était présente pour les protestants. (Ouest-France, 22 janvier 1999).

Dans les années qui suivront de moins en moins de moments de partages et de cérémonies se déroulent à l'église de Robien et les semaines de l'Unité continueront dans d'autres lieux...


Les protestants évangéliques dans le quartier de Robien.

L’Église protestante évangélique s'est installée à partir de 1960 au 10 rue Anne-de-Bretagne, dans le quartier de Robien. Elle est membre de la Fédération évangélique de France.

En 1975, deux manifestions sont annoncées par voie de presse.

17 mai 1975 Ouest-France

18 juillet 1975 Ouest-France

En 1985, on trouve cette Eglise sous le nom de "Mission évangélique Croix-Péron", en référence au nom du carrefour de la Croix-Péron, proche de la rue Anne-de-Bretagne.

Jusqu'en 2010, elle bénéficiait des services de pasteurs puis elle a été animée par une association culturelle présidée par Pierre Dubois. L'assistance moyenne au culte du dimanche était de 50 personnes. Ce groupe s'est particulièrement investi en 2010 pour présenter à l'espace Lamennais une pièce de théâtre jouée par 15 acteurs amateurs sur l'évangile de Marc, appelée "Marc, l'expérience" (samedi 22 janvier 2011).

L'Eglise évangélique a déménagé par la suite dans un autre quartier de Saint-Brieuc.

10 rue Anne de Bretagne à St Brieuc
 

Une autre Église évangélique appelée "Association La Paix de l’Éternel" a utilisé les anciens locaux industriels du site de la rue du Pré-Chesnay au numéro 38 à partir de 2015. Elle a fait des travaux pour transformer en partie des bâtiments en lieu de culte. D'autres travaux de mise aux normes et construction de sanitaires ont également été effectués.

L'association est enregistrée comme une association culturelle et de loisirs qui pratique le chant Gospel. C'est aussi une association religieuse qui avait pour but : "adorer et louer Dieu l’Éternel, d’évangéliser les gens, afin de donner espoir aux âmes découragées et de réconforter celles déjà fortes".

Puis les buts ont été redéfinis ainsi : "faire vivre et connaître la confession de foi du christianisme".(Association Loi 1901)
Son siège a été situé au départ dans le quartier Balzac puis au 22 rue Ambroise Croizat bâti. 2 11ème étage, porte 22 à Saint-Brieuc.

Le 38 de la rue du Pré-Chesnay à St Brieuc. Photo RF

Intérieur du 38 de la rue du Pré-Chesnay à St Brieuc. Photo RF


Retour au sommaire ICI

 

Si vous avez des remarques ou des éléments pour compléter cet article, merci d'utiliser le formulaire de contact en haut à droite...

 

Sources

Registre des membres de la paroisse protestante de Saint-Brieuc.

Questionnaires  3F11a et 3F11b. Diocèse de St Brieuc

Articles de Ouest-France, 22 janvier 1996, 23 janvier 1998, 27 janvier 1999.

Article sur l'histoire des protestants dans les Côtes-du-Nord, ici 

Fiche dans Généanet sur Auguste Le Hech, ici

Mariage Pierre Marquer et Marthe Taquet en 1884, ici

A propos de Pierre Marquer, histoire de l'Eglise évangélique d'Anzin, cliquer ici

Article de Ouest-France du 24 janvier 2010 sur la présence de l’Église évangélique rue Anne de Bretagne

 

 

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

L'histoire du quartier de Robien à Saint-Brieuc. Sommaire

  Le quartier de Robien à Saint-Brieuc s’est vraiment peuplé il n’y a pas plus d’un siècle, mais son histoire présente de multiples intérê...