Cette histoire de la rue Hélary va nous amener à découvrir des aspects du patrimoine géologique, industriel et religieux du quartier de Robien et de St Brieuc.
Les origines de la rue Hélary
Dans ce secteur Est de Robien,
n’existaient quasiment ni constructions ni route jusqu’au début du XXe siècle.
En 1931 débuta la construction d’un lotissement de logements économiques pour
les cheminots du quartier de Robien. On appela communément ce lotissement « La
Cité des Cheminots". Dans ce projet, une rue de 90 mètres de long, fut
ouverte entre la rue Anne de Bretagne et le boulevard Paul Doumer, sur le tracé
de l’ancienne voie privée Louis Blaize.
La première idée du Conseil municipal, votée le 22 juillet 1932, fut de choisir
le nom de « rue des Caves ».
Les habitants manifestèrent leur désapprobation en faisant savoir qu’ils n’habitaient
pas dans des caves !
En 1935, le Conseil municipal trouva en remplacement le nom d'un ancien maire de Saint-Brieuc, Louis Hélary (1832-1909).
Deux plaques de la rue Louis Hélary à St Brieuc. Photo RF |
Les caves de Robien
Mais revenons à nos caves...
Et de quoi
parle-t-on au juste dans le quartier à cette époque quand on évoque « des caves
» ?
Rien à voir, en fait, avec le sens commun donné à la cave d’une maison.
Une explication est donnée par l’abbé Le Roux, au détour d’un article dans le
bulletin paroissial de Sainte-Anne de Robien, « La Famille Catholique » du 8
février 1914.
L’abbé, passionné d’histoire, commence ainsi son article :
« Qui n’a pas
entendu parler des caves de Robien ? Elles n’avaient pas bonne réputation, nos
Caves. L’histoire, ou la légende, racontait des faits capables de terroriser
les honnêtes gens. A certains jours, et passé une certaine heure, par exemple
au brun de la nuit, il n’eût pas fallu s’aventurer dans ces parages ; on y eût
fait des rencontres très désagréables. Qu’y a-t-il de fondé dans ces racontars
? Je ne saurais le dire. Mais aujourd’hui, à mesure que les maisons se
construisent, et surtout depuis que Sainte Anne a pris possession de ce domaine,
et que le Saint Sacrifice y est offert tous les jours, le mal recule. Et si le
vice a été autrefois le roi de ces lieux, il en est banni actuellement et il a
dû chercher asile ailleurs ».
L’histoire commence donc dans une ambiance inquiétante, avec une petite pointe
du curé de Robien rappelant que s’en remettre à Sainte-Anne est le meilleur moyen
de résoudre bien des problèmes. L’origine de ces caves va être révélée dans les
lignes qui suivent.
Les anciennes carrières de Robien
« Mais bien avant ces jours de triste réputation, plus ou moins méritée, les Caves eurent aussi leurs jours de gloire. Au XIIIe siècle, lorsque St Guillaume, évêque de St Brieuc, eut décidé de reconstruire la Cathédrale, vous eussiez vu, à l’endroit où se trouvent les Caves aujourd’hui, de nombreuses équipes d’ouvriers. C’était la corporation des carriers et celle des tailleurs de pierre, qui éventraient la petite colline et préparaient les matériaux pour bâtir la maison du Seigneur.
Tous ces ouvriers travaillaient avec ardeur, en priant
et en chantant. C’étaient les âges de foi. On besognait dur ; on vivait heureux
sur terre, et on était sûr de gagner le paradis que des criminels insensés,
parés de noms pompeux de philosophes ou de savants, n’avaient pas encore fermé
à l’homme qui peine du matin au soir. Ce sont ces ouvriers qui ont légué au
monde les admirables chefs d’œuvre du Moyen-âge. …
Vous n’aviez pas songé, en faisant une promenade d’agrément dans les Caves, que
des milliers d’ouvriers ont travaillé là ? Ces caves sont pourtant d’anciennes
carrières de granit, qui furent exploitées longtemps et d’où sortirent en
particulier les pierres sculptées et taillées de la cathédrale de Saint Brieuc
».
Un carrier |
Ainsi se termine le volet de cette histoire qui montre l’apport non négligeable du quartier de Robien, et des ouvriers des carrières, dans l’édification de cette belle cathédrale de St Brieuc.
Des caves aux questions d’environnement.
Ce que l’article de 1914 ne dit pas c’est que ces cavités ont été remblayées, dans les années 20, par le mâchefer qui est une sorte de résidu solide venant des industries sidérurgiques. Dans le cas présent, l’usine, c’était celle toute proche des Forges-et- Laminoirs. Les maisons de la fin du boulevard Doumer en descendant (lui même remblayé avec le mâchefer) étaient d’ailleurs habitées par des ouvriers de cette usine.
Vue aérienne, situation de la rue Louis Hélary. Photo Google |
Le saviez-vous ?
Le nom de la rue Louis Hélary fut trouvé en remplacement en 1935 pour honorer ce natif de Guingamp (1832-1910), ingénieur des Arts et Métiers, agent-voyer en chef du département, c’est à dire responsable de la construction et de l’entretien des chemins qui reliaient les villages. Il fut ensuite maire de Saint-Brieuc de 1898 à 1904.
Vue de la rue Louis Hélary. Photo RF |
Le saviez-vous?
Le recensement de 1936 nous apprend que
les premiers habitants n’étaient pas nombreux dans la rue Louis Hélary, il n’y
avait que six familles :
François Le Charpentier, chauffeur, Marie son épouse et leurs deux fils
Jean Turmel, employé des chemins de fer, Thérèse son épouse et leurs trois
fils.
Emile Marcaletti, Italien, mécanicien, Virginia son épouse et leur fille
Jean Monjarret, chef de bureau, Jeanne son épouse et leur fille
Marie Philippe et sa fille
François Cren, employé des chemins de fer, Marie son épouse, leur trois fils et
leur fille.
Le saviez-vous?
En 1906, lors de la disparition mystérieuse de Mlle François T., les recherches s’orientent vers les endroits où un corps pourrait rester dissimulé à l’abri de tous et on s’oriente alors dans la Vallée de Toupin, le Légué et les caves de Robien où des fouilles minutieuses sont effectuées.
C’est en fait dans la Vallée de Toupin que cette fille « prise d’un accès de folie subite » fut retrouvée. Elle s’était enfuie de son domicile et avait vécu cachée dans la vallée pendant un mois, « couchant dans une anfractuosité de roche, vivant de racines et de mûres et se désaltérant dans le ruisseau ». Trois jeunes pâtres la retrouvèrent les cheveux couverts de mousse et les vêtements maculés de terre.
D'après Ouest-Eclair des 29 septembre 1906 et 9 octobre 1906
Une maison d'architecte
Rue Louis Hélary se trouve avec un bardage bois en pin Douglas qui recouvre toute sa façade côté rue. Elle a été bâtie en auto-construction par la famille Blanchard, un couple d'architectes qui y habite et qui avait déjà réalisé le projet de la famille de Bressy boulevard Hoche.
Cette maison a été édifiée en 2016 sur un terrain qui n'avait jamais été vendu car il était constitué de remblais comme on peut le voir mentionné sur le plan du lotissement Epivent daté de 1932. Les architectes ont contourné ce problème en construisant une dalle de béton qui repose sur des pieux métalliques de huit mètres de haut.
Dans
les caractéristiques techniques de la maison on peut aussi mentionner
l'utilisation de panneaux de bois compressés, une isolation en ouate de
cellulose et des murs intérieurs en lames de bois, une toiture
constituée d'un bac acier en raison d'une faible pente.
Maison rue Louis Hélary à Saint Brieuc. Photo RF |
Maison rue L. Hélary à Saint Brieuc. Photo RF |
Remblai rue Hélary. Lotissement Epivent 1932 Archives départementales. |
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Sources
Archives départementales. AP 647.
Bulletin paroissial de la paroisse Ste Anne
de Robien, « La famille catholique » du 8 février 1914
Les rues de Saint-Brieuc, leur histoire, leurs curiosités. 1947, J. B. Illio.
Site de généalogie, Généanet, Louis Marie Hélary, 1832-1910
Recensement de St Brieuc 1936, vue 274
La Cité des Cheminots", un lieu original à
Robien, cliquer ici.
Ouest-Eclair 29 septembre 1906 et 9 octobre 1906
Entretien avec Erwann Blanchard, architecte. 2022
30 juillet 2003 Rue Louis Hélary. Article Ouest-France |