dimanche 11 août 2024

Les métamorphoses du Gouédic dans le quartier de Robien, dérivations, disparitions (busages)

 

Mystérieux Gouédic. Photo RF
 

 

Le Gouédic prend sa source à Ploufragan (où il est appelé La Prée), il longe le quartier de Robien et poursuit sa route vers le port du Légué... Jusqu'au port du Légué où il se jette dans le Gouët, il fait 11,5 km. Mais si on prend en compte tous ses petits affluents, son itinéraire total est de 38 km.

Le Gouédic marque la frontière naturelle du quartier de Robien au Sud et à l’Est.

Pour les rares habitants des siècles passés, juste au sud de Saint-Brieuc, la présence naturelle de l’eau, avec le ruisseau du Gouédic, va représenter un atout majeur. Sans rien y modifier, ils vont y puiser de l’eau pour différents travaux, amener les animaux pour se désaltérer, laver le linge au bord du ruisseau. Mais les choses ne vont pas en rester là...


Les métamorphoses du Gouédic

 

Au début du XXe siècle, la présence de l’eau dans le quartier de Robien n’est pas étrangère au développement d’industries qui en ont besoin, comme la minoterie Epivent puis l’usine Sambre-et-Meuse.

Le cours du Gouédic commence à se métamorphoser : on aménage des lavoirs, l’eau est puisée, une retenue d’eau est créée, Sambre-et-Meuse est autorisée à détourner le Gouédic, des remblais de terre et des travaux de busage sont effectués faisant petit à petit disparaître le ruisseau du paysage, les méandres sont rectifiés. Le ruisseau est sommé de couler en ligne droite et de rentrer dans les tuyaux prévus à cet effet !

Depuis une centaine d’années, les questions de l’entretien du Gouédic et de sa protection n’ont cessé d’être posées. C’est ce que nous allons voir avec les exemples qui suivent…

 

 

Prise d’eau 1911

 

Pour les besoins de sa minoterie industrielle installée au bout de la rue Jules Ferry, M.Epivent capte l’eau du Gouédic au niveau de ce qui est appelé « le ruisseau du Carpont ». Ces travaux ont été réalisés sans autorisation et le Préfet des Côtes-du-Nord s’en émeut officiellement par un courrier du 8 août 1911. La Commission Sanitaire du Canton midi de Saint-Brieuc est saisie du sujet. 

 

La minoterie industrielle de M. Epivent

Non seulement M.Epivent a établi une prise d’eau illégalement mais il y déverserait ses eaux usées ! La commission, après être venue sur place, rend son rapport au Préfet le 4 novembre 1911. Le ton est très favorable à l’industriel : « M.Epivent puise dans le ruisseau du Carpont, au moyen d’une pompe, l’eau nécessaire au fonctionnement d’un moteur à gaz pauvre ; cette eau est refoulée par une canalisation en plomb dans un réservoir placé à l’intérieur de l’usine ; les eaux après utilisation comme réfrigérant sont renvoyées dans le ruisseau par une autre canalisation en grès, ces eaux n’ont subi aucune souillure susceptible d’intéresser les membres de la Commission.  Ceux-ci n’ont pas qualité pour apprécier les droits de M.Epivent à puiser sans autorisation de l’eau dans le ruisseau, il restitue les eaux au point même où il les prend en égale quantité et en bordure de sa propriété

Le 18 novembre, un autre rapport allant dans le même sens, venant des Ponts et Chaussées, arrive sur le bureau du Préfet. Le subdivisionnaire rappelle que le volume d’eau puisé est « peu important » et que « la nature des eaux rendues au ruisseau après usage par l’usinier ne représente aucun danger pour la santé publique ». D’autre part une circulaire du Ministère de l’Agriculture indique qu’il n’est pas nécessaire de recourir à certaines réglementations contraignantes « lorsqu’une prise d’eau n’a pas pour effet de modifier sensiblement le débit d’un cours d’eau ».

 

Sur le plan ci-dessous du quartier de Robien aux alentours de 1875, nous voyons le cours du Gouédic tel qu'il sera évoqué dans cet article, du Pont du Carpont (aujourd'hui le bas de la rue Luzel) jusqu'au Pont de Brézillet (aujourd'hui le bas de la rue de Trégueux)

 

Plan archives municipales, vers 1875.

 

 

 

Nettoyage du Gouédic au niveau du Carpont. 1916-1919

 

Par un courrier du 28 juin 1916, M.Laguitton, négociant, signale que le ruisseau du Carpont « est encombré par des éboulements » et réclame qu’un arrêté soit pris d’urgence afin d’éviter que les eaux refluent dans sa prairie. Dans un premier temps, l’ingénieur des Ponts et Chaussées  a demandé aux deux riverains, M.Laguitton et le chef de section des chemins de fer de l’État de procéder à un curage et à un faucardage du ruisseau, ce qui a été fait, et les pierres et la terre ont été enlevées. Concernant l’entretien régulier du ruisseau, « il ne présente pas un caractère d’intérêt général » et  dépend des seuls riverains. C’est la réponse apportée à cette question par les Ponts et Chaussées le 14 juin…1919 !

 


 

Dérivation du cours du Gouédic et busage. 1927-1928

 

Par un courrier adressé au Préfet en décembre 1927, la Société anonyme des usines du Gouédic (autre nom de l’usine de M.Epivent) demande l’autorisation de dériver et de couvrir le ruisseau du Gouédic dans la parcelle qui traverse l’usine, « de permettre le remblaiement de la vallée abrupte du Gouédic ».

Une enquête d’utilité publique est ouverte au printemps 1928 et le 30 mai 1928, le Préfet autorise les travaux qui seront surveillés par l’ingénieur en chef du service hydraulique, M.Paul Augustin. C’est un aqueduc en béton armé qui sera construit, capable de permettre l’écoulement de toutes les crues, avec une pente de 2 cm par mètre. La hauteur de 3 m 20 permettra la visite de l’ouvrage. En Juin 1930 M.Epivent franchit une nouvelle étape et il est autorisé à construire un barrage réservoir sur le Gouédic en vue du refroidissement des appareils de condensation de son aciérie électrique (voir la deuxième partie de cet article, consacrée à l’étang de Robien).

 

Enquête 1927-1928. Archives départementales 84S 61

 

 

L'affaire du lavoir du Carpont. 1949

 

Le lavoir du Carpont est indiqué par une croix sur ce plan. Archives départementales 84S11

 

En 1949, le lavoir du Carpont a été le lieu d’un conflit entre des femmes du quartier de Robien et la S.N.C.F. Ces faits sont relatés dans le journal du Parti Communiste Français, L’Aube Nouvelle. Que s’est-il passé ?

Le journal explique que depuis 1947, l’état du lavoir du Carpont s’est beaucoup détérioré. La cause est semble-t-il due aux rejets de cambouis et d’eaux sales qui se déversent du dépôt S.N.C.F dans le Gouédic. Les fosses de décantation n’arrivent plus à « filtrer » les graisses, les huiles et le pétrole. Le résultat est simple pour les habituées du lavoir, « la moindre pièce de linge en ressort indétachable. »


Malgré les pétitions et les courriers, la situation était bloquée jusqu’au moment où « Le Comité de défense des laveuses du Carpont » a convoqué sur les lieux les maires et conseillers municipaux de Ploufragan et de St Brieuc ainsi que les chefs de dépôt et du district de la S.N.C.F.

Alors que toutes les femmes du Carpont sont rassemblées, au grand complet, Geneviève Thomas et Édouard Prigent (habitant de la rue de l'Ondine), du groupe communiste du Conseil municipal de St Brieuc, sont les seuls présents au jour convenu.

Des coups de téléphone sont échangés et le chef de district de la S.N.C.F accepte de recevoir une délégation composée d’une dizaine de laveuses et des deux conseillers.

L’ingénieur de la S.N.C.F. promet de remettre le lavoir en état et, dans la semaine, un technicien spécialisé dans ces questions est envoyé de Paris. Des décisions sont prises : le cours du Gouédic sera détourné, le lavoir sera alimenté par l’eau de la Ville, l’entretien du lavoir sera assuré par les services municipaux.

Le journal communiste termine son article dans une belle envolée révolutionnaire : « Lutter pour un lavoir, c’est lutter pour la Paix !! Ce que l’État refuse, le peuple doit l’imposer ! »

 

Plan 1949. Archives départementales 84 S 61

Plan du lavoir du Carpont 1949. Archives départementales 84 S 61

 
 

 

Paroles d’habitant, Claude Corack

 

« J'ai connu le lavoir avant le busage et après. On habitait sur le Tertre Marie Dondaine et ma mère lavait son linge à cet endroit. Il y avait souvent des histoires allant jusqu'au crêpage de chignon. Les mômes du tertre prenant partie, juchés sur le pont d'où on balançait des pierres pour éclabousser les lavandières. Le busage qui contournait le lavoir était conséquent, on y allait presque debout en reconnaissance. »

 

De ce lavoir qui existait toujours dans les années 1950, tout en bas de la rue Luzel, il ne reste rien. Maintenant tout est busé, mais l’eau continue de couler, elle file simplement sous la terre, en contre-bas de la rue Émile Zola !

 

Le cours du ruisseau busé ressort en contre-bas de la rue Émile Zola. Photo RF 2022

 

L'eau s'écoule en direction de l'Est. Photo RF 2022

 

Les suites administratives de l’affaire du lavoir du Carpont

 

Le 21 novembre 1949, un rapport de M.Etesse, l’ingénieur des Ponts et Chaussées, stipule qu’un accord a été trouvé entre la S.N.C.F et la municipalité de Ploufragan pour entretenir l’aqueduc de dérivation du ruisseau du Carpont, petit ruisseau qui se jetait dans le Gouédic, après être passé par le lavoir du Carpont et après avoir traversé les terrains de l'usine. Le lavoir est alimenté par de l’eau de la ville de St Brieuc mais la question de l’origine de la pollution n’est pas réglée… C’est le bassin de décantation utilisé dans le cadre des opérations de nettoyage des nombreuses machines du dépôt S.N.C.F qui pose toujours problème. Et cette affaire n’est pas nouvelle puisque le 21 août 1938, une délibération du conseil municipal de Ploufragan avait déjà protesté contre ces déversements. Les nombreux courriers échangés au fil des mois entre les différents interlocuteurs ne feront que souligner l’indispensable traitement de la cause de cette pollution.

Le 27 mars 1950, c’est autour de M. Coiscault, patron de l’usine Sambre-et-Meuse, de faire parvenir à l’ingénieur des Ponts et Chaussées une copie d’une lettre adressée à la S.N.C.F. Le patron de l’usine rappelle qu’une délégation du comité d’entreprise a rendu visite au chef de dépôt S.N.C.F et constate « une recrudescence des entrainements de mazout dans le bac en béton armé qui alimente les ateliers, après avoir été lui-même rempli par pompage direct dans l’étang »…Il poursuit en évoquant des dangers potentiels : « Nous ignorons d’ailleurs qu’elles peuvent être les conséquences lointaines ou immédiates de l’usage de cette eau dans les circuits de refroidissement de nos appareils et notamment dans notre four électrique et nos compresseurs de grande puissance ». 

La fin du courrier est très claire : "Nous regretterions de devoir vous rendre civilement responsable de tous accidents ou dommages qui pourraient résulter de cet état de choses…"

 

Courrier de l'usine Sambre-et-Meuse. 1950. Archives départementales

 

Le 7 avril 1950, le Préfet demande au Chef du service Voies et bâtiments de la S.N.C.F de Saint-Brieuc de lui faire parvenir les plans concernant les travaux de dérivation du Gouédic au lavoir du Carpont. Il demande également d’augmenter la surface du bassin de décantation utilisé dans le cadre des opérations de nettoyage des nombreuses machines du dépôt S.N.C.F. La situation semble avoir été résolue après ces derniers échanges.

 

 

 

Le déplacement du lit du Gouédic

 

Le 2 décembre 1959, le directeur de Sambre-et-Meuse écrit à l’ingénieur des Ponts et Chaussées, pour demander l’autorisation de dériver le ruisseau du Gouédic (appelé aussi du « Pas Jouha » dans ce courrier) qui fait un coude très prononcé dans la partie englobée par les terrains de l’usine. Le directeur fait observer que cela  « gêne considérablement l’extension future de l’usine en pleine évolution ».

L’ingénieur n’y est pas opposé mais il se montre très vigilant sur les modifications : « Le plan côté …montre qu’entre le point d’origine de la dérivation envisagée et celui situé à peu près au milieu de la dite dérivation, la pente du ruisseau sera inférieure à celle du ruisseau dans son lit actuel. » Et, petit rappel utile : « Le débit d’un cours d’eau, quel qu’il soit, est fonction à la fois de sa pente et de sa section ».

La prévention de tout danger est essentielle : « Il importe en effet d’éviter dans la mesure du possible, qu’en cas de fortes crues, la dérivation que vous envisagez de réaliser, aggrave le risque de submersion des terrains avoisinants entre le point de départ et le milieu de la dérivation. »

Dans son courrier du17 févier 1960, l’ingénieur des services hydrauliques valide les travaux envisagés avec les modifications apportées : « Les travaux prévus ne peuvent nuire au régime des eaux, les profils en travers de la dérivation projetée prévoyant un plus grand débouché pour les eaux qui s’écouleront dans le nouveau lit. De plus, le tracé du nouveau lit est acceptable. »

 

 

Un nouveau busage en 1968

 

Ruisseau du Carpont en contrebas de Sambre-et-Meuse. 1965. Musée de Bretagne

 

Quand on voit cette photo de 1965, on comprend pourquoi le petit ruisseau en contrebas de l'usine Sambre-et-Meuse peut se sentir menacé ! Il risque bientôt de disparaitre.Une solution va être trouvée mais le ruisseau deviendra invisible !

 

Pour permettre de continuer l’agrandissement et la modernisation de Sambre-et-Meuse, le 15 juillet 1968, le directeur de l’usine contacte le directeur de l’agriculture du département et le Préfet car il souhaite buser le ruisseau du Carpont pour combler cette partie de la vallée. 

Un premier tronçon est situé à l’intérieur des terrains de l’entreprise. Le busage prévu sera fait sensiblement en parallèle du lit du ruisseau avec des buses d’un diamètre intérieur d’un mètre quarante. Le directeur pense aussi nécessaire de créer dans la vallée une station de pompage destinée à remplacer celle de l’étang de Robien « dont l’état de vétusté est inquiétant ».

Le préfet accorde l’autorisation sans problème car il considère que le busage se fait entièrement dans la propriété de l’usine et n’est pas de nature à modifier le régime de l’écoulement des eaux.

 

Légende du plan. Busage en 1968. Archives départementales. 84 S11

Plan du busage projeté par Sambre-et-Meuse en 1968. Archives départementales. 84 S11

 

Plan du busage. 1968. Archives départementales. 84 S11



Plan du busage projeté par Sambre-et-Meuse en 1968. Archives départementales. 84 S11





D'autres tronçons transformés 

 

Entre le parking Pierre de Coubertin, en passant par le camping et jusqu'au passage sous la route de Trégueux, le Gouédic a subi bien des transformations là aussi...

Au niveau du camping des Vallées, un tracé beaucoup plus rectiligne a été donné et ses berges ne ressemblent plus à ce qu'elles étaient à l'origine.

 

Le Gouédic traversant le Camping. Photo RF

 

Au niveau de l'entrée du camping des Vallées (chemin du Petit pré), les méandres ont été supprimées, une petite prairie les a remplacées. Sur la photo ci-dessous, on distingue des bâtiments de ferme, appelés "ferme de Brézillet". Les eaux dérivées assurent l'irrigation des terres et constituent des points où les animaux vont s'abreuver.

Autrefois s'y trouvait un moulin (le Moulin de Brézillet) qui utilisait la force de l'eau du Gouédic. Dans les années 1930, ce moulin n'était déjà plus en fonction.


Le Gouédic aux abords de la ferme (ou moulin) de Brézillet. 1965. Musée de Bretagne


Le Gouédic aux abords de la ferme (ou moulin) de Brézillet. 1965. Musée de Bretagne


La prairie à la place des méandres. Photo aérienne Google

Une autre modification de taille est intervenue sur le cours du Gouédic, il s'agit de la création d'un étang artificiel. Mais ça c'est une autre histoire, et donc un autre article !



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Autres articles à lire dans ce blog sur le sujet

 

La création de l'étang de Robien, cliquer ici

Au sud du quartier, traverser le ruisseau du Gouédic, cliquer ici

Les maisons contemporaines et maisons d’architectes (pour la maison rue Louis Blanc), ici

L'histoire de la Minoterie Epivent, cliquer ici

L’usine Sambre-et-Meuse, ici

Les métamorphoses du Gouédic, partie 1. Dérivations, disparitions, cliquer ici

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Les secrets de la Fontaine des Eaux Minérales, ici

Les lavandières dans la vallée de Gouédic, ici 

Les carrières de granit, ici 

La fabrique de chapeaux Chevalier, ici 

Le Moulin du Chaix, ici
 

 

Sources

 

Dossier 84 S 11 Usine de Gouédic 1927. Archives départementales

Dossier 84 S 11 Rapport des ingénieurs, autorisations 1928. Archives départementales

Dossier 84 S 58 Usine hydroélectrique de Saint-Barthélémy. 1918-1972. Archives départementales

Dossier 84 S 60 (3) Le Gouédic : curages, autorisations de constructions, détournements, dérivations, barrage Epivent.  Archives Départementales des Côtes d’Armor.

Dossier 84 S 61 (4) ruisseau du Carpont. St Brieuc et Ploufragan. Barrage Epivent. Busage du Carpont par usine Epivent. Archives Départementales des Côtes d’Armor.

Journal "L’Aube Nouvelle". L'affaire du lavoir du Carpont. 1949. Archives départementales en ligne

 

 

 

 

 

 

 

lundi 17 juin 2024

L'usine de Sambre-et-Meuse de Saint-Brieuc, en images.

 

Une série de 14 photos de l'usine Sambre-et-Meuse (source : Archives départementales).

Si vous avez des éléments pour renseigner ces photos (à quoi correspondent les produits ? quelles sont les machines que l'on voit sur les photos ?), merci d'utiliser le formulaire de contact en haut à droite...

 

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1B

2B

3B

4B

5B

6B

7B

8B

9B. Plots en béton

10B

11 B


12B

13B

14B

lundi 10 juin 2024

Les maisons individuelles du 19e et début 20e à Robien, quartier sud de Saint-Brieuc

 
 
Dans le patrimoine 19e et début 20e du quartier de Robien à Saint-Brieuc, on trouve des maisons de toutes les tailles. Quant au style, on a de grandes maisons avec les mêmes caractéristiques que dans les maisons à bandes: l’architecture est souvent constituée de façades de pierres de taille en granit ou de pierres de constructions recouvertes d'un enduit. Les décors, autour des fenêtres et des portes, allient brique et granit. 
 
Mais dans ces grandes maisons individuelles, les décors sont très fournis, plus complexes et la façade est en retrait de la route, avec un espace clos de grilles et de murets.
 
La maison de ville présente généralement un plan type avec : une porte d’entrée et un couloir, une ou deux fenêtres sur le rue éclairant le salon et éventuellement la salle à manger, une véranda (plus ou moins grande) donnant sur la cour ou le jardin, une cuisine.
A l’étage, on peut avoir deux ou trois chambres et un coin salle de bain.
Au deuxième étage, s’il existe, d’autres chambres et un grenier avec une ou deux mansardes.
Le garage est en option dans le quartier de Robien ! Il est devenu sous-dimensionné pour les véhicules d’aujourd’hui et se voit reconverti à d’autres fonctions.


L'intérêt architectural de la maison individuelle peut aussi résider dans des éléments de décoration ou d'ornementation comme ce
très bel exemple de portail au numéro 1 rue de Trégueux, ces  carreaux de ciments décoratifs rue Guébriant et rue Jean Jaurès ou les épis de faitages de la maison du 4 rue du Coucou.



LA MAISON DU 1 RUE DE TREGUEUX. 1905

 
M et Mme Morvan sont les actuels propriétaires depuis septembre 2017. Ils ont acheté cette maison à M et Mme Coadou, qui l’avaient acheté en 1997 à M et Mme Cerisier Marcel.
Lors de la signature d’achat de notre maison, le notaire a évoqué le fait que c'était une maison d'octroi. C'est ce qui explique les initiales SB sur le portillon qui représentent la ville de St Brieuc, on retrouve ces mêmes initiales rue Jules Ferry sur une autre maison d'octroi. 
Cette maison de la rue de Trégueux aurait été construite en 1905.
 

Ancienne maison d'octroi 1 rue de Trégueux à St Brieuc. Photo RF

Portail 1 rue de Trégueux à St Brieuc. Photo RF




LA MAISON DES 4 et 6 DE LA RUE DU COUCOU. 1895

Cette maison de la rue du Coucou, une des premières construites dans ce secteur, aurait été construite entre 1895 et 1898 par la famille Rouxel. Monsieur Rouxel travaillait dans une menuiserie du quartier Robien.

L'actuel propriétaire est né dans cette maison construite par son grand-père. Il conserve des souvenirs de la maison autrefois, quand par exemple, il fallait chercher l'eau au puits qui se trouvait à l'arrière. Il a vu la cité Vauban se construire (entre 1950 et 1955 environ).
Les initiales HB sur la cheminée sont celles de l'architecte (est-ce H. Bouchet dont on retrouve le nom plusieurs fois dans la rue du Pré-Chesnay très proche?).
Beaucoup plus récemment, en 2007, M Rouxel a fait réaliser trois magnifiques épis de faîtage par Joël Babey un artisan de Plouha. 

Maison 4 et 6 rue du Coucou à St Brieuc. Photo RF

Au fond du jardin, maison 4 et 6 rue du Coucou à St Brieuc. Photo RF

Une maison individuelle plus simple peut parfaitement se révéler intéressante par la connaissance que vous en avez et par l'envie de nous faire partager son histoire !


LA MAISON DU 13 RUE DE L'ONDINE. 1929

Ainsi, dans le cadre de cette enquête, l'actuel propriétaire de la maison située 13 rue de l’Ondine nous a transmis des plans et des renseignements sur les actes notariés. C'est une maison devant laquelle on peut passer sans plus s'arrêter mais les éléments de son histoire nous racontent quelque chose d'intéressant sur le quartier. Tout d'abord on apprend que cette construction de 1929 s'est faite dans le cadre d'un lotissement du boulevard Hoche. Mais il ne faut pas imaginer que cela se passe comme de nos jours avec bien trop souvent des lotissements où les maisons sont standardisées.

Ce projet de lotissement a été lancé en 1927, c'est l'année du commencement des lotissements à Robien. Le premier est le Lotissement ACART, il consiste en 18 lots à la jonction du boulevard Hoche prolongé et de la future rue de l’Ondine qui n’est pas encore baptisée ainsi. La maison du numéro 13 se situe dans ce programme de développement du quartier.
Nous apprenons aussi que les toilettes n'étaient pas situées à l'intérieur mais dans le jardin comme cela se faisait couramment alors en campagne mais aussi en ville.

Maison 13 rue de l'Ondine à St Brieuc. Plans 1929

Maison 13 rue de l'Ondine à St Brieuc. Plans 1929

 
Enfin nous connaissons l'identité des premiers propriétaires : Ernest Allainguillaume et Maria Julou. Le 25 mai 1929, ils ont acheté le terrain de Madame Estelle Baggio, demeurant à Saint-Brieuc 11 rue des Bouchers, veuve de Louis Accard. Ils ont ensuite fait construire la maison du 13 rue de l’Ondine. Après le décès de M. Allainguillaume le 20 août 1955, Maria Julou est restée dans la maison du 13 rue de l’Ondine jusqu’en 1996. 
Ensuite des travaux de réhabilitation ont été effectués et la maison a été transformée par rapport à la construction d'origine. C'est ce qui arrive dans de nombreux cas pour ces maisons modestes du quartier, conçues il y a des dizaines d'années : mises aux normes d'isolation, cloisonnement différent pour de plus vastes espaces, changement des huisseries, salle de bain plus confortable, éventuelle extension... 

Maison 13 rue de l'Ondine à St Brieuc. 2020

Maison 13 rue de l'Ondine à St Brieuc. Plans 1929


LA MAISON DU 5 RUE DE LA PAIX

Roselyne Le Bon nous parle de sa maison située à côté de l'église de Robien :
"J'ai acheté la maison du 5 rue de la Paix en 2014, dans ce quartier où j'avais déjà habité de 1974 à 1977, mais dans la rue du Coucou. J'ai eu le coup de foudre pour cette maison de 1926, sa façade aux chiens assis, sa terrasse en surplomb, sa cour aux poulaillers, et son escalier de bois qui me rappelle la maison de mon enfance à Ginglin.
Elle a été construite par son premier occupant, un maçon et vendue ensuite à M. et Mme Oger, qui y ont vécu avec leur fille, et la grand-mère à l'étage avec un oncle. Jusqu'aux années 70, il n'y a pas de salle de bains et les toilettes sont dans la cour, où le lieu sert désormais de local poubelle.
A la fin des années 70, la chambre de l'arrière est transformée : salle d'eau, WC, et une petite pièce qui sert de bureau. J'aime la distribution des pièces, leur haut plafond, les chambres mansardées, J'adore ma cour bien close, où le soleil d'été est parfois si brûlant au zénith qu'on ne peut y rester, où le soir les murs dégagent la chaleur du jour et où j'arrose mes deux plates-bandes, mes fleurs en pots et mon bac potager sur pied avec l'eau de pluie recueillie dans l'ancien lavoir.

Maison 5 rue de la Paix à St Brieuc


Depuis l'automne 2018, le soubassement de la terrasse a été décoré d'une fresque par Deuxben de Rennes pendant une opération de street-art.

Deux-Ben réalisant la fresque sur la maison 5 rue de la Paix à St Brieuc

 
Par contre l'hiver, malgré le changement de la chaudière et des fenêtres, l'humidité se fait sentir à l'étage et il faudrait isoler les murs.
De l'autre côté de la rue, l'église St Anne me fait face avec ses murs austères et je regrette que les cloches n'y sonnent qu'une fois par mois et à l'occasion des obsèques ! Car le son des cloches est associé à la vie de village. Par contre, à l'arrière, chaque mercredi, de 17h30 à 19h30, la Cimade tient une permanence et les migrants s'y pressent.
De ma rue, on rejoint à pied le cinéma et le marché par la passerelle ou par la place de Robien, on peut aussi y aller par la navette qui s'arrête à 1mn rue Jules Ferry ou rue Jean Jaurès.
Je retrouve ici l'ambiance de village qui régnait à la Ville Ginglin, et une riche vie de quartier."


LA MAISON DU 56 RUE LUZEL. 1902

C’est une maison ancienne du quartier. Elle est construite sur une cave, avec une façade en granit, deux niveaux et comporte un jardin à l’arrière. Deux fenêtres en arrondi apportent une touche d’originalité à la façade sur rue. La petite fenêtre, située juste au dessus d’une élégante marquise en fer forgé, donne l’impression d’une deuxième maison encastrée au premier étage.
En 2019 sur tout le pignon sud, l’artiste Deuxben de Rennes a réalisé une peinture murale qui donne une nouvelle identité à cette maison située en entrée de ville. Claude Joanin et Alain Le Flohic sont ravis du résultat qui s'inscrit dans le développement du street-art à Robien.La porte de garage (avec des oeuvres de Thiago Ritual et Swan) et même la boite aux lettres (oeuvre de Bona Berlin)  portent la marque de ce même style artistique.
D'un point de vue historique, les actes notariés permettent de faire la liste des propriétaires successifs :
Madame Richeux (acquisition le 24 mai 1902). Marie Louise Toque-Richeux et Monsieur Aristide René Eugène Richeux (sous directeur de la Banque de Bretagne en retraite), vente le 7 janvier 1960.
Monsieur Francis Edouard Marie Radegonde Rault et Mme Marie Richard, son épouse, vente le 22 aout 1977.
Monsieur et Madame Belloir, vente le 13 juillet 1990 à Claude Joanin et Alain Le Flohic.

Maison 56 rue Luzel à St Brieuc


MAISON 43 RUE ANNE DE BRETAGNE. 1931

Michel et Martine Le Borgne présentent eux-mêmes leur maison mieux que quiconque :
"Notre maison construite en 1931, achetée en 1976, a été agrandie en créant une lucarne capucine à gauche sur une partie grenier. L’intérieur a bien sûr été entièrement rénové au fil des ans et des moyens financiers. Abattage de cloisons, réfection complète du sanitaire, de l’électricité, du chauffage etc…

Maison 43 rue Anne de Bretagne à St Brieuc. En 1975

Maison 43 rue Anne de Bretagne à St Brieuc. En 2019


Pour une construction de 1931, les fenêtres sont grandes. Ajoutons-y un passe plat entre la cuisine et la salle à manger cela rend la maison très claire à toute heure de la journée.
Mais n’ayant pas de contre cloisons dans la partie ancienne le choix de l’isolation par l’extérieur a été fait en 2009. Nous avons substitué, au survitrage fait par nous-mêmes, un double et, triple vitrage (côté nord), avons remplacé en 2001 le chauffage au fuel par du gaz.
 
Pour les intéressés nombreux dans notre quartier, voici un chiffre montrant que les maisons de pierre peuvent quitter leur statut de maison passoire. Selon les critères du DPE nous sommes passés de 161 Kw /m2/an (sur 6 ans) à 103 kw/m2/an (sur les 10 dernières années). Bien sûr dans notre secteur nombreux sont les habitants qui ont réalisé de tels travaux. Cela n’est-il pas réjouissant de voir se rénover l’habitat de caractère de Robien !!!
 
Depuis la maison, nous avons une vue à la campagne sur la vallée du Chemin des Eaux Minérales et sur le secteur de la Croix St Lambert. D’ailleurs j’ai pu photographier les soleils levants sur les tours depuis 76 jusqu’à leur disparition. J’y ai fait un film de 8 mn qui dort dans mes archives.
Dernier point : les maisons de Robien sont souvent surélevées pour accéder au rez-de-chaussée. Les premiers propriétaires pendant la construction, attendaient de la ville que le niveau de la future rue soit abaissé. Par chance pour nous, ce ne fut pas le cas : notre rez-de-chaussée se trouvant au niveau du trottoir, une passerelle nous permet un accès sans marche. Ainsi nous espérons y passer le plus longtemps possible notre retraite à Robien".

Passerelle, 43 rue Anne de Bretagne à St Brieuc


MAISON DU 36 RUE JEAN JAURÈS. 1930

Jean-François Aubry et Gwenn le Chapelier nous racontent les origines de la maison qu'ils ont longtemps occupée rue Jean Jaurès :
Sur un terrain acheté début 1930 aux WEILL de Paris, Monsieur et Madame HILY font construire une maison la même année par l’entreprise de bâtiments Henri RIDEAU 12 rue Jules Ferry suivant les plans, que nous avons toujours, établis par l’entreprise Graziana-frères . Au rez-de-chaussée : un couloir central menant à l’escalier. A droite une salle (3.50 x 3.50) coté rue et une cuisine sur jardin. A gauche deux chambres. Au premier étage : une cuisine au-dessus de celle du rez-de-chaussée et trois pièces. Au milieu de l’escalier : un WC en saillie sur la façade arrière servait aux deux appartements monsieur et madame HILY logent au rez-de-chaussée. Leur fille, leur gendre Monsieur et Madame Rannou et leurs deux filles habitent au premier. 
Madame Rannou décède en 1969 et l’année suivante Monsieur HILY (lui-même veuf). Alors Monsieur Rannou descend au rez-de-chaussée et sa fille s’installe au premier avec son mari : M et Mme SALVIAT.
Puis Monsieur Rannou part habiter ailleurs, les Salviat occupent la maison tout entière et y font des travaux : les deux chambres du rez-de-chaussée sont réunies pour faire un séjour.
 

Maison du 36 rue Jean Jaurès à St Brieuc.

 
Le terrain de 580 m2 est plus bas que le niveau de la rue. La cave (coté rue) et de plain-pied sur l’arrière avec le jardin. A l’extérieur sur le côté sud de la maison existait un « couloir » de 1 m 25 permettant le passage d’une brouette entre la rue et le jardin. Le lot voisin (N° 38 rue Jean Jaurès) était configuré de la même manière avec un passage mitoyen. En 1969 les deux allées sont réunies permettant le passage de voitures entre les deux maisons. 
Monsieur et Madame Salviat font alors construire à l’arrière un garage sur toute la longueur de la façade ouest. A l’étage ils ouvrent deux portes fenêtres à la place des fenêtres existantes pour la cuisine et le séjour qui donnent alors sur la terrasse aménagée sur le toit du garage. Dans le fond du jardin à proximité du square Barillot est planté un noyer vraisemblablement contemporain de la maison (1930).
Au 22 rue Aristide Briand (ou à coté ?) Il y a un puits dans le jardin et plusieurs jardins communiquent entre eux (et à l’accès à ce puits probablement).

Serrure années 30, vue intérieure, 36 rue Jean Jaurès


Serrure années 30, vue extérieure, 36 rue Jean Jaurès

D'autres maisons individuelles du 19e et début du 20e du quartier de Robien présentent de très beaux éléments d'architecture, en voici quelques exemples dans le boulevard Hoche et rue Cuverville (voir l'article suivant rue Cuverville ici).

44 Boulevard Hoche Saint-Brieuc
Rue Cuverville


Un chantier Graziana dans les années 60

Chantier Graziana. Maquette de M. Malapert. Photo RF avril 2023

La maison du 36 rue Jean Jaurès (voir un peu plus haut) a été bâtie par l'entreprise Graziana dans les années 30. Et cette maquette, œuvre de M. Malapert, évoque un chantier de cette entreprise, mais dans les années 60. 

Cette scène est inspirée d’une histoire familiale : en juin 1964, l’entreprise de bâtiment Graziana, rue de Quintin à Saint-Brieuc, vient d’acheter un camion Berliet GLC neuf. René Malapert, le chauffeur de l’entreprise, va réceptionner le véhicule chez le carrossier Sanson à Saint-Etienne dans la Loire. René Malapert effectue ici sa première livraison sur un chantier de l’entreprise. A cette époque les matériaux du bâtiment n’étaient pas encore sur palettes, les sacs de ciment pesaient 50 kilos et la plupart du temps, les gâchées se faisaient à la pelle.

Chantier Graziana. Maquette de M. Malapert. Photo RF avril 2023

 

Racontez-nous votre maison

Si vous habitez une maison individuelle du 19e ou du début du 20e siècle, et qui présente un intérêt architectural ou humain, racontez-nous son histoire :
connaissez-vous les dates de construction, l’architecte ?
Avez-vous des plans ?
Connaissez-vous les propriétaires successifs ? S’est-il passé des événements importants dans cette maison ?
Comment cette maison a-t-elle évolué au fil du temps (extension) ?
Est-ce qu’il y a eu autrefois un commerce à la place de cette maison ?
Etes-vous satisfaits ou non de votre habitation et pour quelles raisons (éléments de caractère patrimonial, matériaux, jardin, superficie, proximité de commerces et services, logement adaptée aux familles ou autre, économe en énergie) ?

Articles pour prolonger les découvertes sur ce sujet

Les maisons de l'octroi, cliquer ici 
L'histoire des rues : rue de l'Ondine, rue Luzel...

 

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Sources

 « Aire de mise en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine. AVAP » Document de Saint-Brieuc Agglomération (dossier Pdf en ligne)

Archives municipales et départementales.

Archives des journaux du CAR depuis juin 1984.Saint-Brieuc. Étude de géographie urbaine. R. Huon 1946.

Plans et actes notariés transmis par Sylvain Ruffet pour la maison du 13 rue de l'Ondine.

M et Mme Morvan pour la maison du 1 rue de Trégueux.

Claude Joanin et Alain Le Flohic, maison rue Luzel.

Martine et Michel Le Borgne, maison de la rue Anne de Bretagne.

Roselyne Le Bon, maison de la rue de la Paix.

Jean-François Aubry et Gwenn Le Chapelier pour la maison du 36 rue Jean Jaurès

Avec les contributions de Didier Le Buhan, Michel Le Borgne, Xavier Pageot, Mary Simon...

 

 

 

L'histoire du quartier de Robien à Saint-Brieuc. Sommaire

Le quartier de Robien à Saint-Brieuc s’est vraiment peuplé il n’y a pas plus d’un siècle, mais son histoire présente de multiples intérêts ...