La rue abbé Garnier a beaucoup changé en un siècle !
Mais jusque qu'à la fin des années 30 certains évoquent encore "un bourbier obscur aux trottoirs impraticables" ! Tout ne s'est pas fait en un jour...
La rue abbé Garnier 10 décembre 1938 Ouest-Eclair
Ci-dessous,
sur cette photo de la fin des années 40, on voit encore l'Institut des
Sourds-Muets, la briqueterie Le Dû et les locaux de la Coopérative agricole du Finistère.
Photo aérienne. Fonds Henrard. Archives départementales en ligne |
Ci-dessous, sur cette photo aérienne de la fin des années 70, on voit que la Résidence du Parc a remplacé la Coopérative agricole, la clinique Saint-François est construite à l'angle de la rue Bir-Hakheim.
Fin des années 70. Archives municipales. |
Promenons-nous dans la rue abbé Garnier, du côté impair avec ce qui est encore sous nos yeux ou en évoquant ce qui a disparu au fil du temps. Nous laissons pour le moment le côté pair, de l'autre côté du trottoir, où nous avions l’Institut des sourds.
Commençons donc par la maison de l’octroi, le bar de la Croix Verte et la forge . Nous poursuivrons dans d'autres articles vers la briqueterie Le Dû, la résidence du Parc et l’ancienne clinique St François...
Nous partons du Pont des Sourds et remontons vers la Croix Perron.
LA MAISON DE L’OCTROI
Au 1 rue Abbé Garnier, juste à côté du
Pont des sourds, se trouve une maison historique. C’est ici que l’on trouvait
le pavillon de l’octroi.
Au XIXe siècle, les marchands qui entraient dans une ville devaient payer une
taxe que l’on appelait « l’octroi ». Cette maison date donc du XIXe siècle, un
plan de 1863 indique l'emplacement de l'octroi.
Octroi Plan1863. Archives municipales |
En 1901 dans le recensement de la population, on trouve le nom du responsable de
l’octroi, il s'agit de Lucien de Robichon.
L'octroi de la rue Abbé Garnier a été en service jusque dans les années 1930-40.
Ancienne maison d'octroi. Photo RF |
Le pavillon d'octroi de la rue abbé Garnier est évoquée, et présenté par une photo, dans le cadre plus général des maisons d'octroi à Saint-Brieuc dans l’ouvrage Le Patrimoine des Communes des Côtes-d’Armor.
La pizzéria Stella Maris
Au début de la rue Abbé Garnier, entre la maison d'octroi et le café de la Croix verte s'est installée la pizzéria Stella Maris.
Sa première façade était constituée de panneaux de verre avant d'opter pour une esthétique plus sobre...
L'établissement est parti en 2020 dans un autre quartier de Saint-Brieuc
Stella Maris en 2008. Image Google |
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LE CAFÉ DE LA CROIX VERTE
Joséphine Callennec (à gauche) et Charles Callennec
(le forgeron), un ouvrier de la forge, M. Bouazard, "Tante Marie" en tablier. Vers 1945 devant le bar de la Croix Verte
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A côté de la forge se trouvait le café de la Croix Verte.
Le café "A la Croix Verte", au 3 rue Abbé Garnier, est un bar très
ancien du quartier de Robien. On peut le reconnaitre sur un détail d'une carte postale du
début des années 1900.
L'octroi, le café et la maison des Le Dû (carte postale ancienne). |
En 1901, les propriétaires de ce débit de boissons, au 3 rue abbé Garnier, sont Jean et Louise Durand.
Ensuite le café "A la Croix Verte" a été tenu par Hippolyte Savidan et sa femme.
Ils vont céder leur affaire plus tard, dans les années 1930, à Joséphine Callennec dont le mari était maréchal-ferrant.
Joséphine Callennec en 1945 |
Joséphine Callennec vendait aussi du tabac pour rendre service mais elle n'avait pas le droit de faire du bénéfice sur ce produit. Le tabac et les cigarettes venaient du café qui se situait en face de la passerelle piétonne, les propriétaires payaient une patente pour avoir le droit d'en vendre.
Témoignage de Madeleine Callennec
Madeleine est née le 11 novembre 1926. Elle raconte le Café de la Croix Verte dans les années 30-40.
"Au Café de la Croix Verte, les gens y venaient pour boire un verre mais pas seulement. Le jeu de boules était très prisé à la belle saison.
Certains habitués venaient aussi pour se retrouver autour de ce qu’on appelait « le billard russe ». D’autres jouaient à la belote et les parties s’éternisaient le soir au grand dam de Fine (Joséphine) qui aurait bien voulu fermer. Mais on ne mettait pas les gens dehors…
Dans les habitués, Alphonse était un personnage, il exerçait la fonction de bedeau de l’Institut des Sourds, il sonnait l’angélus et tous les moments importants, il s’occupait de la chapelle et de l’entretien.
Les cheminots qui logeaient « au poste », juste à côté du pont des Sourds, venaient tous les jours".
L'ancien café de la Croix Verte. Photo 2020 |
LA FORGE de CHARLES CALLENNEC. 1934-1962
Charles Callennec à gauche, ferrant un cheval devant l'entrée de la forge rue abbé Garnier |
Après le Pont des sourds, l'octroi et le bar de la Croix Verte, de 1934 à 1962, il y avait la forge de Charles Callennec, le maréchal-ferrant.
Le père de Charles Callennec était lui-même forgeron à Saint-Brieuc, rue Alsace-Lorraine.
Charles Callennec est né le 27 avril 1898 à Saint-Brieuc, fils
de Pierre Marie Callennec et Françoise Briand.
Acte de naissance de Charles Callennec. 1898 |
La famille habite rue des Jardins à Saint-Brieuc.
Très tôt, Charles travaille avec son père.
La Guerre 14-18 survient et Charles est mobilisé en 1917, affecté au 7e d’artillerie le 2 Mai 1917 puis au 301e régiment d’artillerie le 25 mars 1918. Il est renvoyé dans ses foyers le 2 juin 1920. il est nommé brigadier maréchal-ferrant dans la réserve le 15 juin 1920. Son registre matricule est le 2206.
Fiche matricule. Document militaire. |
Dans les années 1920, Charles rencontre Joséphine Briand qui tient alors un petit café attenant à la Cathédrale "Le Petit chocolat" : un nom donné car Joséphine était connue pour faire un bon chocolat chaud, très tôt, aux vendeuses qui venaient au marché, à côté de la Cathédrale.
Joséphine Briand est née en 1901 à Saint-Brieuc.
Charles et Joséphine se marient en février 1925. Ils vont avoir deux filles, Madeleine en 1926 et Jacqueline en 1932.
Fin 1934, le père de Charles déplace sa forge rue abbé Garnier dans le quartier de Robien en 1934. Il en informe le public par voie de presse.
Joséphine, l'épouse de Charles, prend le café de la Croix verte attenant à la forge.
Charles Callennec au premier plan et à droite M. Bouazard, on reconnait aussi Joséphine et les deux filles, Jacqueline la plus jeune et Madeleine la plus grande. |
Témoignage de Madeleine Callennec
Madeleine est née le 11 novembre 1926. Elle raconte la forge :
« Pour accéder à la forge, on passait par la rue abbé Garnier, entre le café de la Croix Verte et la maison des Le Dû, les patrons de la briqueterie. Il y avait un grand portail en bois et on arrivait dans l’atelier de la forge. On remarquait tout de suite le gros soufflet qui était bien utile pour confectionner les fers. On faisait du sur-mesure pour les chevaux.
Parfois des petits travaux se faisaient dans la rue, devant la forge.
Ceux qui venaient le plus souvent, c’était les Flageul car dans leur entreprise de déménagement ils avaient beaucoup de chevaux. Gicquel, le marchand de chevaux du boulevard Carnot était aussi un habitué. Les fermiers de Ploufragan, Trégueux et des environs avaient leurs habitudes. Certains arrivaient à six heures, avant l’ouverture de la forge et accrochaient leurs chevaux aux anneaux du mur de l’Institut des Sourds, juste en face.
Le samedi après-midi et le dimanche, la forge était fermée mais il n’y avait jamais de vacances dans l’année».
La forge est le bâtiment sur la droite avec des appentis qui forment une cour fermée. |
Parole d'habitants
Un témoin de cette époque évoque la forge : M. Pierres était né en 1925, au début de la rue du Pont-Chapet à Robien. Il est interrogé dans un article de Ouest-France le 8 janvier 1998 et parle du trajet qu’il empruntait pour aller au P’tit Lycée (l’école du centre) :
« Juste avant le Pont des Sourds-muets, j’attendais avec impatience de croiser les effluves de la forge de Monsieur Callennec, le maréchal-ferrant. J’adorais cette odeur de corne brûlée ».
CHARLES CALLENNEC, une personnalité dans le monde de la maréchalerie.
Charles Callennec en 1945 |
Charles Callennec ne s'est pas contenté de bien faire son métier dans sa forge de la rue abbé Garnier. C'était une personnalité dans son milieu professionnel.
Ainsi on découvre, à la lecture de la presse locale, qu'il est décoré Chevalier du Mérite agricole en 1931.
Il devient Président des maréchaux, charrons et forgerons de Saint-Brieuc en 1938. A ce titre il est l’un des organisateurs d’un concours se déroulant en septembre où des prix seront attribués à toutes les catégories pour les patrons, ouvriers et apprentis. Mais il participe également à des réunions où il faut batailler ferme comme en mars 1938 avec le syndicat des marchands de fer et quincaillers des Côtes-du-Nord et avec le Syndicat agricole de Landerneau.
21 mars 1938. Ouest-Eclair |
Charles Callennec est élu vice-président lors de l’assemblée générale des maréchaux, forgerons et charrons des Côtes-du-Nord, réunis le 11 septembre 1938 à Saint-Brieuc.
On mesure l’influence de cette corporation quand on voit les très nombreux organismes qui suivent ses travaux comme la Chambre des métiers, la Chambre d’agriculture, les autorités militaires, les services vétérinaires, des responsables de fêtes hippiques, des industriels. La municipalité de Saint-Brieuc est, bien entendu, présente avec son maire Octave Brilleaud, deux cultivateurs entrés en politique le sont aussi, le sénateur Bedfert et le député Le Maux.
Cette assemblée générale coïncide avec le Concours agricole départemental et l’exposition corporative sur le terrain de foire de Robien. Pour les maréchaux, des prix sont décernés par la Ville, la Société des Forges-et-Laminoirs, la Société des Forges de Commercy, la Chambre d’agriculture, le Conseil général.
12 septembre 1938. Ouest-Eclair |
En 1944, Charles Callennec continue d’avoir des responsabilités en tant que délégué du Canton de Saint-Brieuc du bureau Artisanal des Matières.
Titre de Ouest-Eclair. 6 septembre 1946 |
En 1946 se tient le 34e Congrès National des Maréchaux, Forgerons et Charrons , à Saint-Brieuc. C’est un grand moment pour ces professions et des délégués de toute la France sont présents. Charles Callennec est dans le comité d’organisation aux côtés de M. J Barbot de Lannion, le Président départemental. En plus des allocutions et des rencontres, des excursions sont programmées à Dinan, St Malo, Portrieux et Bréhat, ainsi que des visites d’usines. Le banquet de clôture est présidé par M. Alexandre Varenne, ministre.
M et Mme Callennec étaient des personnes estimées dans le quartier, et bien au delà. Charles Callennec va malheureusement finir sa vie tragiquement en 1962 alors qu'il ferrait un cheval.
C'est toute une page qui se tourne avec la disparition du forgeron du quartier.
L'entrée de l'ancienne forge, rue abbé Garnier. 2021 |
Les travaux de 2022-2023
L'extérieur du puits. Photo RF |
L'intérieur du puits déjà comblé. Photo RF |
Auge en pierre et anneaux de chevaux. Photo RF |
Articles à consulter
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Les bistrots de la rue de Trégueux, cliquer ici
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Sources
Sur la maison de l’octroi : Le Patrimoine des communes
des Côtes-d’Armor, éditions Flohic. 1996
Archives municipales. Photos aériennes
Archives départementales en ligne. Photographies aériennes. Recensement de la population 1901, 1906,
1911
Presse locale, Ouest-France et Le Télégramme
Merci à André Bougeard, habitant du quartier pour ses cartes postales et
photographies.
Entretien avec Madeleine Callennec, fille de Charles et Joséphine Callenec.11 mars 2021.
Merci à Françoise Debré, petite fille de M et Mme Callennec (forge et bar de la Croix Verte) pour les photographies de ses grands-parents et l'organisation de la rencontre avec sa mère Madeleine Le Royer (née Calennec).
Site GénéArmor : Registre matricule de Charles Callennec, cliquer ici
Charles Callennec, acte de naissance, année 1898, St Brieuc, vue 86
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