Avant 1894, Saint-Brieuc n’était alimentée en eau potable que par des sources dans les environs ou en ville. Onze puits publics et quatre cents puits privés fournissaient le reste.
L’eau courante n’arriva qu’en 1909 après les captages effectués à Plaintel avec la station de pompage de l’usine du Château-Bily. La prise d’eau du barrage de Saint-Barthélémy permit ensuite de répondre à l’accroissement des besoins.
1928. Installation de canalisations à Saint-Brieuc. Archives municipales 6Fi871 |
L'eau dans le quartier de Robien
Les puits ont longtemps permis d’avoir accès à l’eau potable à Robien. Pour l'arrosage, le lavage du linge ou l’eau nécessaire aux animaux, l'utilisation de l'eau du ruisseau du Gouédic, passant au sud et à l'est du quartier, s'est révélé une bonne solution.
Ci-dessous, ce plan daté de la fin du XXe siècle démontre la présence, encore très nombreuse à cette époque récente, de puits dans le quartier de Robien. Et tous ne sont pas répertoriés...
Quelques exemples de puits à Robien
Puits remonté, rue Jules Ferry |
Puits en train d'être rebouché 2023, rue abbé Garnier (ancienne forge Callenec) |
L'ensemble des maisons formant le Pré-Tizon bénéficiait d'un puits qui a d'ailleurs été comblé dans une période récente. Stéphane Le Roux, qui a habité au numéro 12, se souvient : "Ce puits du Pré-Tizon était bien de plus d’un mètre de diamètre, avec une margelle tout près du sol. Il était déjà bouché dans les années 70".
Sur le plan ci-dessous de 1912, le puits est figuré par un petit cercle.
La municipalité prend les choses en main
1896, registre du conseil municipal |
A l'approche du XXe siècle, les différentes équipes municipales vont prendre en charge ce dossier de l'eau pour les particuliers et pour les entreprises du quartier. Mais ce long travail ne se fera pas en un jour et aura tendance à s'étaler dans le temps à cause des aléas de l'histoire (guerre 14-18, crise économique de 1929, guerre 39-45...). Voici quelques exemples de cette conquête de l'alimentation en eau à domicile à Robien :
Un premier dossier passe en conseil municipal en août 1896. Il s’agit de la demande de concession d’eau présentée par M. Yves Le Moal, négociant boulevard Carnot, pour les besoins de son usine. « Pour satisfaire à cette demande, la Ville serait obligée d’établir dans l’avenue de Robien, une canalisation en fonte de 65 mètres de longueur qui serait branchée sur la conduite d’eau du boulevard Carnot. » M. Le Moal s’engage à payer la moitié des frais et un abonnement annuel. Le conseil donne satisfaction à M. Le Moal.
Le 10 juin 1898, le conseil acte l’établissement d’une borne-fontaine rue de Robien.
En février 1901, dans une pétition, plusieurs habitants du Pré-Tizon demandent que la partie de l’impasse Cordière comprise entre la voie ferrée et le boulevard Cordière, soit empierrée, éclairée et pourvue d’un service d’eau.
L’empierrement de cette voie urbaine est terminé rapidement tandis que l’installation du bec de gaz sera ajourné jusqu’au moment où le Conseil municipal aura décidé de donner suite à toutes les demandes de pose de nouvelles lanternes qui lui sont adressées. pour le reste, la réponse qui suit ne plaira sans doute pas aux habitants :
"Quant au service d'eau, la borne fontaine placée dans le boulevard Carnot, au bout de l’impasse Cordière, étant située à moins de 60 mètres du milieu de cette rue, les habitants de ce quartier sont aussi bien desservis que ceux du centre de la Ville, il n’y a donc pas nécessité d’installer la conduite d’eau qu’ils demandent, à moins toutefois que trois d’entre eux soient prêts à contracter un abonnement d’eau, ce qui n’est pas à la veille de se faire". (Compte-rendu du Conseil, février 1901. Lot 1898-1902, 1D35 Archives municipales)
Borne-fontaine ancienne |
Le 26 septembre 1902, le Conseil examine la pétition des habitants du chemin des Régats (rue Cuverville de nos jours) qui demandent l’installation de l’eau et du gaz dans la partie de l’ancien chemin du Carpont situé entre le pont du Chemin de fer et le Pré-Chesnay. Le conseil municipal attend que, dans ce secteur, au moins trois personnes contractent un abonnement à l’eau avant de faire des travaux. (Lot 1898-1902, 1D36 Archives municipales)
Le 27 décembre 1905, la prise d’une conduite d’eau est posée dans la rue Guébriant.
En
1906, la Ville pose une conduite d’eau avec installation d’une
borne-fontaine, route de Quintin, à la jonction de la rue de Robien (5
janvier 1906 Ouest-Eclair).
Dans Ouest-Eclair du 11 février 1906, on apprend qu’une conduite d’eau doit être posée sous la voie nouvellement ouverte entre la rue de Robien et le carrefour de la Croix-Perron.
Le 11 décembre 1906, c'est une nouvelle pose d’une conduite d’eau rue Luzel.
Dans son édition du 21 mars 1910,
le journal Ouest-Eclair fait état des problème d'écoulement des eaux
dans le quartier de Robien. Sous le titre "Question de salubrité", le
journal rapporte qu'on lui signale "l'état
des ruisseaux qui bordent les maisons nouvellement construites dans le
quartier de Robien. L'écoulement des eaux ménagères ne peut se faire
parce que les trottoirs ne sont pas établis, aussi, l'eau reste-t-elle
stagnante au devant de chaque maison, formant des mares qui ne
manqueront pas de devenir pestilentielles aux premières chaleurs."
En janvier 1914, "une pétition est adressée au conseil municipal par les habitants de Robien qui demandent l’établissement d’un égout dans leur quartier". L’affaire est renvoyée à la commission. (7 juillet 1914 Ouest-Eclair)
1914 Ouest-Eclair |
Le 24 juillet 1914, c'est la pose d’une conduite d’eau boulevard Hoche.
En mars 1924, le Conseil examine la question de l’installation d’une bouche de lavage, utilisable aussi en cas d’incendie, au niveau des habitations de M. Laguitton, dans le boulevard Carnot, proches de la rue Jules Ferry. L’eau permettrait de laver les caniveaux, celle-ci se déversant dans la bouche d’égout située à l’angle du boulevard et de la rue de Robien. La proposition est adoptée (28 mars 1924 Conseil municipal 1D55).
1924, registre du conseil municipal |
Après-guerre, d'autres travaux sont entrepris : alors qu'une délibération avait été prise le 31 janvier 1952, sans effet, il faut attendre le mois de mai 1954 pour que le conseil municipal décide d’étendre l’adduction d’eau à différentes parties du quartier de Robien qui étaient encore mal desservies (Ouest-France 14 mai 1954).
1960 Ouest-France Saint-Brieuc |
En 1960, le service des eaux réalise une extension du réseau d’eau avec 134 mètres de canalisations dans le boulevard Vauban.
Le
11 juillet 1967, est prise une décision municipale concernant une première tranche
d’assainissement des eaux allant du pont de Brézillet au Pont Chapet.
La débrouillardise des habitants
Sur le tertre Marie-Dondaine, les quinze familles qui vivent dans des baraques en bois depuis les années 30 jusqu'aux années 90 n’ont jamais eu l’eau courante. Les habitants du Tertre recueillaient l’eau de pluie pour leurs besoins quotidiens. Sinon, les gens allaient chercher l’eau dans un puits près du Carpont et dans la rue du Pré-Chesnay.
Le 20 août 1938, la question de l’accès à l’eau, pour les familles vivant sur le Tertre Marie-Dondaine, est posée par un courrier de lecteur dans le journal Ouest-Eclair. Ce « locataire du coin » comme il se désigne n’hésite pas à revendiquer ce droit, « la chose la plus nécessaire pour les besoins du ménage », car écrit-il «Près de 200 personnes s’alimentent chaque jour dans un puits placé près du pont du Carpont et qui est d’ailleurs appelé à disparaître. Dans ce puits, on y trouve de vieilles « godasses » et des débris de toutes sortes. » L’appel lancé aux responsables est simple : « Nous voudrions voir nos élus du quartier s’intéresser tant soit peu à l’hygiène de ces déshérités pour leur faire obtenir une borne fontaine comme ceux du Coucou. »
Et de conclure : « Espérant que cette question sera un jour prise en considération, les habitants du Tertre Marie-Dondaine osent espérer avoir le droit de boire de l’eau, même propre… »
Mais cet appel ne sera pas entendu tout de suite et les années d'Occupation n'arrangeront pas la situation. Dans les années 60, la vie était encore
difficile mais les habitants du Tertre avaient fini par avoir un point
d’eau potable à disposition. Ce robinet, installé par la municipalité, était
accessible à tous.
A noter que, dans ce secteur, le Chemin du Coucou ne bénéficiait
toujours pas des égouts, ni de l'eau potable dans les années 50. Des maisons avaient un réservoir,
récepteur des eaux de pluie, au rez-de-chaussée qui servait
de cave, avec le lavoir attenant. Il y avait l'eau potable, à
la pompe, rue du Pré-Chesnay.
L’eau nécessaire aux entreprises
En 1928, M. Epivent fonde "L'aciérie électrique de Saint-Brieuc" au croisement des rues Jules Ferry et Emile Zola. Il fait construire de nouveaux bâtiments en 1929 et 1930 juste à côté de sa minoterie. L’usine bénéficie du système déjà mis en place pour la minoterie qui puisait l’eau dans l’étang de Robien, acheminée dans de grandes buses en briques, pour le traitement de ses pièces et le refroidissement des fours. Plus tard, Sambre-et-Meuse reprendra cette entreprise et la développera, en continuant d'utiliser l'eau de l'étang.
Les Forges-et-Laminoirs qui ont aussi de grands besoins en eau ont un contrat spécifique avec la Ville.
Enfin, l'histoire de l'eau à Robien, c'est aussi celle de la fontaine des Eaux minérales de la vallée de Gouédic ainsi que celle des lavoirs (cliquer ici)...
Le saviez-vous ?
Près du lavoir Saint-Jouan, non loin de l’École normale des garçons, existait une fontaine dont l'eau pure faisait la joie des habitants du quartier. Chaque jour, on y allait avec des bouteilles, des pots, des petits seaux pour recueillir cette précieuse boisson qui, disait-on, était très saine et très recherchée.
L'eau de la Fontaine Saint-Jouan. Ouest-France du 3 octobre 1946 |
Si vous avez des témoignages et d'autres renseignements sur ce sujet, merci d'utiliser le formulaire de contact.
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Sources
Recherches dans les archives de Ouest-Eclair et Ouest-France
Dossier des délibérations du conseil municipal, archives municipales.
Catherine Lemesle, journaliste à Ouest-France, s'est appuyée sur des éléments de l'article du blog de l'histoire de Robien pour écrire un article posant la question : Pourquoi l’eau courante n’arrive à Saint-Brieuc qu’en 1910 ?
Article en ligne (3 novembre 2023) pour les abonnés à Ouest-France en cliquant ici
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