samedi 30 novembre 2024

Les commerçants ambulants, quartier de Robien à Saint-Brieuc. Titine de Cesson

 

 

Le poisson est tout à fait le type de produits qui se prête bien à la vente occasionnelle dans un quartier.

Dans les années 50, une certaine Titine, vendeuse ambulante de poissons, était connue à Cesson, en ville et à Robien. C'était un personnage haut en couleurs qui a marqué les esprits. Certains la désignent comme "Un monument", d'autres "Une légende" !

De son vrai nom elle se nommait Augustine Boulaire, mariée Buffard

 

Ci-dessous, "Sous la Tour, à Plérin, retour de pêche", carte postale ancienne, 

archives municipales de St Brieuc 8Fi147.


Qui était Augustine Boulaire ?

Augustine Joséphine Marie Boulaire est née le 17 janvier 1910 à Cesson. Au moment de sa naissance, son père n'est pas présent car il est en mer. C'est la grand-mère maternelle qui vient faire la déclaration. L'absence de sa signature est notifiée par les services de l'état civil en raison de son illettrisme. 


Elle se marie avec Eugène Buffard le 12 février 1931 à Saint-Brieuc, le couple aura 3 enfants.

Mention du mariage sur l'acte de naissance d'Eugène Buffard

Le couple habitait au Valais (Cesson) dans les années 30.

 

Ci-dessous, recensement de 1931 Le Valais en St Brieuc, vue 742


Plus tard, on trouve une adresse plus précise au 157 rue de la Corniche à Cesson mais c'est celle de "Titine Baza". 

Augustine est décédée à l’âge de 65 ans le 17 mars 1975. 

Il faut noter que le patronyme Boulaire est fortement représenté dans les hameaux de Cesson. Par exemple en 1931, on en recense 8 à La Mardelle, 10 au Tertre de la Croix, 3 à La Douve, 4 au Chemin du Valais et 21 dans la rue du Valais. Au total 46 Boulaire, dont 3 Augustine Boulaire ! 

Maison (de Titine Baza) au 157 rue de la Corniche à Cesson.

Des souvenirs

Dominique Rault, de St Brieuc qui habitait en ville l’a connue : « Une brave femme qui avait le coeur sur la main... et pas la langue dans la poche. Quand elle avait quelque chose à dire à quelqu'un, elle ne "tournait pas autour du pot". Sa charrette était peinte en vert.

Elle vendait ses maquereaux sous le porche de la chapelle Saint-Guillaume. L'âne connaissait par coeur la route du retour vers Cesson, car parfois la journée avait été longue et usante..."

Certains croient de souvenir qu’ils l’ont vu se battre avec une autre femme de pêcheur, une véritable scène d’un album d’Astérix mais dont l’exactitude est encore à vérifier !

Huguette Kerbarh, née Colin, de la rue Fardel, se souvient plutôt que les poissonnières s’arrosaient les bottes avec des jets d’eau au moment du nettoyage des étals. Elle a aussi le souvenir précis de Titine pesant son poisson avec une balance romaine, « avant de l’envelopper dans du papier journal », ajoute Daniel son frère. Enfin, petit détail qui a son importance, "Elle présentait toujours ses maquereaux dans une corbeille en osier où les poissons prenaient une belle forme recourbée."

Monique Tanghe précise qu'il ne faut pas la confondre avec "Titine Baza" qu'elle a connue quand elle habitait le Valais entre 54 et 60. Titine Baza vendait des maquereaux devant les Nouvelles Galeries (appelé aussi le bazard) avec son bardot qui tirait la charrette.

Yann Gicquel raconte dans le forum des habitants de Cesson que "Si c’est la même Titine que j’ai connue ( j’ai appris qu’il y en avait deux), je l’ai vu se battre avec ma tante Marie Buffard. Mon oncle se prénommait François et  ils habitaient route de la corniche, à une maison l’une de l’autre.
Titine a été la première à avoir un triporteur scooter
."

Claudie Rault habitait rue Jean Bart à Saint Michel à partir de 1956 : "Titine passait pour vendre les maquereaux péchés par son mari. Elle était corpulente et criait " au maquereau, maqueriau frais ". Elle avait une charrette tirée par un  pauvre petit âne chétif. Plein de gens de la rue se précipitaient pour acheter son poisson. Je sortais pour caresser ce pauvre bardot.
Un jour, je devais avoir 4 ou 5 ans, ma tante m'a demandé ce que disait le petit âne. Évidemment, j'ai répondu "au maquereau". L'anecdote est restée dans ma famille et on me l'a régulièrement ressortie plus tard et très longtemps après
".


A Robien, Mary-Noëlle Bourseul, qui habitait rue Cuverville au dessus du dépôt du chemin de fer, se souvient que sa grand-mère lui achetait du poisson à chaque passage.

Christine Quéré venait voir l’été sa grand-mère qui habitait rue Anne de Bretagne. Titine y passait en criant « maquereau-maquereau ». On l’entendait de loin.

Jean-François Garnier, qui habitait rue du Coucou, évoque ses souvenirs de Titine :

"Dans les années 50-60, parmi les marchands ambulants, dans notre coin de la rue du Pré-Chesnay et  du chemin du Coucou, passait toutes les semaines, Titine de Cesson qui  vendait les "maquereaux frais", de "Sous la Tour", s'il vous plait, poisson que son marin-pêcheur de mari ramenait dans son filet.

Titine arpentait le  quartier, assise sur la banquette de sa charrette, tirée par un âne. Sa  corpulence était telle, qu'elle prenait toute la largeur du banc. Les rares  fois que son mari l'accompagnait, il devait se faire tout petit pour  occuper un peu d'espace: faits réels ou souvenirs un peu moqueurs des enfants du quartier ? En tout cas, les poissons étaient frais et on aimait bien Titine de Cesson."

Ci-dessous, photo extraite du livre Saint-Brieuc de ma jeunesse de François Thomas aux éditions du Télégramme, page 56. La photo est légendée ainsi : A Cesson, après la pêche, on allait vendre les poissons au marché, à l'aide de petites charrettes attelées par des ânes.


Yvelyne Boulaire l’a bien connue puisque c’était sa tante (la sœur de son beau-père). C’est elle qui a pu indiquer à quel endroit se trouvait sa tombe à Cesson, une tombe très originale qui représente des voiles de bateaux.

Avec Augustine Buffard (1910-1975) sont enterrés Eugène Buffard, son mari (27 juin 1907 St Brieuc-1992) et Jean-Claude Buffard (1942-1993).

Cimetière de Cesson. Photo R.F 2022

Berthe Hamon, une autre marchande, a également à Cesson une tombe qui se remarque, avec un gros poisson noir.

D'après un commentaire de Pierre Perrin sur ce sujet dans un forum Facebook : Berthe Hamon est née le 18 décembre 1919, décédée le 11 octobre 1985. Son fils Louis ( Loïc) a fait façonner, par Pierre Le Galliou, le maquereau sur la tombe de sa mère.

Christian Lugrezi a connu Berthe Hamon car il étais ami avec son fils :  "Elle allait jusqu'à Saint-Brieuc à pied avec sa carriole vendre ses maquereaux sous le porche de l'église Saint- Guillaume comme plusieurs femmes."

Cimetière de Cesson. Photo R.F 2022

La vente de poisson dans les années 60

D'autres anciens habitants du quartier racontent qu’au début des années 60, il y avait aussi un marchand ambulant de poissons qui criait « maquereaux frais » sur sa drôle de mobylette-triporteur.

En effet, Titine était passée de la charrette au triporteur comme nous l'indique ce fait divers relaté dans Ouest-France du 10 avril 1959 !


Le véhicule de Titine était un Vespa avec une remorque découverte.

Robert Morin se souvient qu'il allait au bal à Bagatelle avec Jean Claude son fils, à 4 dans la benne et 2 dans la cabine.

Modèle de Vespa proche de celui de Titine


D’autres marchands ambulants à Robien

C'est également dans les années 60 qu'un rémouleur s’installe dans la cour de l’immeuble à côté du Square Barillot, rue Edgar Quinet.

Il y avait aussi des personnes qui passaient avec une charrette pour ramasser des peaux de lapins en criant " Peaux de lapins, marchand de chiffons".

 

Le saviez-vous ?

Dans le quartier de Robien, il n’y a pas eu que Titine pour s’approvisionner en poisson. En 1961, on peut se procurer du poisson tous les jours à Robien à la poissonnerie de M et Mme Nachez, 28 rue Aristide Briand. Ce commerce sera repris par M. Crocq dans les années 60.

En 2014, Laurent Trécherel, installé devant le magasin Spar rue Jules Ferry, a proposé une fois par semaine ses produits qui venaient directement de la criée de Saint-Quay-Portrieux.

Poissonnerie ambulante rue Jules Ferry. 2014. Site du C.A.R

 

Le saviez-vous ?

Le 7 octobre 2022, le Maire et plusieurs membres du conseil municipal de Saint-Brieuc étaient à Cesson pour inaugurer le square Rosa Le Mée, dernière vendeuse ambulante de poisson à Cesson.



Si vous avez des documents ou des témoignages à partager à propos de Titine de Cesson ou d'autres commerçants ambulants à Robien, merci d'utiliser le formulaire de contact en haut de page. 

Coiffe de Cesson


Des questions...

 

Un article daté du 24 août 1926 dans Ouest-Eclair fait état d'une certaine Augustine Boulaire qui avait de l'aisance dans le domaine de la navigation puisqu'on la retrouve à la deuxième place des régates du Légué en août 1926 dans la catégorie « canots montés par des femmes ». Marie Boulaire est à la première place… 

Mais est-ce Titine dont il est question dans cet article, on ne peut l'affirmer car les recensements de Cesson montrent qu'il y avait plusieurs Augustine Boulaire ! C'est ce qui peut entrainer des confusions... Une seule est née le 17 janvier 1910...

 

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Sources

Forum du 7 octobre 2021. Comme une bouteille à la mer, Claudie Rault avait lancé une discussion : « Qui a connu Titine, la marchande de maquereaux de Cesson dans les années 50-60 ? ». De nombreuses personnes ont répondu, certains témoignages ont été rassemblés dans cet article.

Forum du 26-27 avril 2022 sur "Tu sais que tu viens de St Brieuc", avec en particulier les contributions de Monique Tanghe, Robert Morin... 

Si vous êtes passionnés par l'histoire de Cesson, n'hésitez pas à vous inscrire dans le groupe Facebook "Cesson et la baie de Saint-Brieuc".

Enquête auprès des services de la ville de Cesson.

Archives départementales en ligne, registres des naissances 1910, vue 11.

Archives municipales, carte postale, Sous la Tour, 8Fi147

Recensement 1931, Buffard à Cesson, vue 742

Ouest-France, accident, 10 avril 1959

Annonces du décès dans Ouest-France du 19, 25 et 26 mars 1975

 

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jeudi 28 novembre 2024

Kervégant, négociant en grains, semences, aliments, boulevard Hoche et rue Guébriant. Saint-Brieuc 1946

 

Papier à en-tête, courrier 1972. Archives municipales

 

Les débuts de l’entreprise Kervégant, 8 boulevard Hoche. 1946 Louis Kervégant

Louis Kervégant (1922-2011) est né le 5 janvier 1922 à Chiré-en-Montreuil dans la Vienne. Il est né dans le Poitou car sa mère est originaire de cette région.  Il est décédé le 12 décembre 2011 à Carnac dans le Morbihan.

Dans un premier temps, Louis Kervégant semble avoir créé une entreprise de transport à Yffiniac, comme le suggère un entrefilet de Ouest-France du 6 février 1946 où il porte plainte pour abus de confiance.


Il crée son entreprise à Saint-Brieuc en août 1946. Il travaille dans les produits du sol, c’est à dire des légumes et des semences

Son magasin et son habitation sont situés au 8 boulevard Hoche qui donne aussi à l'arrière sur le rue Guébriant

Image Google Street.

M. Kervégant possède aussi un magasin de dépôt de 200 mètres carrés édifié sur un terrain de la S.N.C.F. Ses véhicules sont au nombre de 6 comprenant camions, camionnettes et automobiles.

En 1954, Louis Kervégant fait une demande d’adhésion à la société de caution mutuelle des négociants en blé agréés du département des Côtes-du-Nord. Monsieur Le Bigot, négociant bien connu à Saint-Brieuc, est chargé de prendre des renseignements sur la solidité de l’entreprise et des finances de M. Kervégant.

Dans une note de Monsieur Le Bigot, on apprend que l’entreprise est en développement constant et que M. Kervégant parait « sérieux et prudent en affaires ». Ces deux hommes entretiendront des relations de confiance pendant des années.

1961. Carte de voeux adressée à M. Le Bigot. Fonds Le Bigot

Le développement de l’entreprise Kervégant 36 rue Guébriant

Dans les années 60, Louis Kervégant fait localiser son entreprise rue Guébriant, à l'arrière de son habitation où se trouvent des bâtiments de stockage mais aussi des bureaux. Son commerce de produits du sol a pris une telle ampleur qu'il permet d'assurer de l’import-export. 

Sa fabrique produit des aliments pour le bétail et les volailles. M. Kervéguant passe des annonces en avril 1961 en vue de trouver des revendeurs et des dépositaires.

12 août 1972. Ouest-France

Dans une autre annonce du 13 septembre 1973, l’entreprise recherche un magasinier pour silo de céréales et magasin de pommes de terre à Saint-Gérand dans le Morbihan. Le 3 octobre 1973, Ouest-France publie une photo des silos de l'entreprise Kervégant à Saint-Gérand à l'occasion d'un article évoquant le développement de cette commune très bien située au niveau de la gare et près des grands axes routiers.

Ouest-France 3 octobre 1973, les silos Kervégant

 

En 1974, Louis Kervégant  figure sur une liste pour les élections professionnelles à la Chambre de commerce et d'industrie (Ouest-France 13 février 1974). 

Ouest-France 13 février 1974

1975. Courrier de Louis Kervégant à Jean Le Bigot. Archives municipales

A la cessation des activités de l’entreprise Le Bigot en 1980, Louis Kervégant reprendra certains secteurs comme par exemple les exportations de cosses de sarrasin vers le Japon.

 

1980, Alfred Kervégant est associé à l'entreprise

En 1980, l’entreprise change de nom : 
LOUIS ET ALFRED KERVEGANT, société en nom collectif, immatriculée sous le SIREN 319984860. 

Elle restera en activité pendant 6 ans et sera fermée le 1 novembre 1987. Toujours domiciliée au 36 rue Guébriant à SAINT-BRIEUC, elle continue de se spécialiser dans le secteur d'activité du commerce de gros de matières premières agricoles. Elle s'identifie comme « Négociants en Grain ». Alfred Kervégant est associé à son père. Alfred est né en 1956, il est le quatrième enfant de Louis et Anne-Marie Kervégant.

En novembre 1982, Alfred Kervégant se présente aux élections à la Chambre de commerce sur la liste de l’Union Patronale Interprofessionnelle d’Armor U.P.I.A.

En 1986, on retrouve dans la presse les établissements Kervégant au sein d'une fédération, avec une quarantaine de négociants, L'Union des Négociants Bretons, créée en 1985.

On ne trouve plus de trace dans la presse de cette entreprise après 1986, ce qui correspond certainement à la retraite de Louis Kervégant (né en 1922)...

22-23 novembre 1986. Archives Ouest-France


Les traces actuelles des établissements Kervégant 


36 rue Guébriant à Saint-Brieuc, ancienne adresse des établissements Kervégant. Photo 2021.




Le secteur des négociants en produits agricoles et coopératives à Robien.

Repères

Depuis 1894, dans le secteur de la pomme de terre en gros et des coopératives, on avait Le Bigot, rue Jules Ferry. 

A partir de 1899, Laguitton s'est installé boulevard Carnot (jusqu'en 1933).


En 1932 et jusqu’en 1939, on avait Le Bigot, rue Jules Ferry; la Société fermière bretonne, 4 rue Guébriant ; La Briochine (créée en 1936) 5 rue de Robien puis  21 boulevard Carnot et 49 rue Jules Ferry.

Après-guerre, en 48-49, on avait Le Bigot, 6 rue Jules Ferry ; Rio Charles, 35 rue Jules Ferry ; Société fermière bretonne, J. Deschamps, 4 rue Guébriant, Kervégant 8 boulevard Hoche (en 1946); La Briochine, 5 rue de Robien puis  21 boulevard Carnot et 49 rue Jules Ferry.

On va assister à la disparition progressive des négociants en grains dans le quartier de Robien entre les années 60 et 80 :
Le Bigot 1980 ;  Rio Charles ?; Société fermière bretonne 1961 ; La Briochine 1961 ; Kervégant 1987.

 

Le saviez-vous ?

Le petit-fils de Louis Kervégant raconte : "Je sais que mon grand-père avait de nombreux contacts commerciaux avec l’étranger dont l’Égypte et la Hollande et qu’il avait des relations d’affaires qui le conduisaient à recevoir à Saint-Brieuc ces personnes" (Echanges de courriers en septembre 2024).

 

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Si vous avez des éléments pour compléter cet article  (photos, témoignages...) merci d'utiliser le formulaire de contact en haut à droite...

 

A lire en complément sur ce blog

Les établissements Le Bigot, cliquer ici

 

Histoires familiales

L'histoire de l'entreprise Kervégant dans le secteur de Saint-Brieuc trouve ses origines à Yffiniac où s'étaient installés les parents de Louis. On en trouve la trace dans les recensements, comme en 1936 où sont mentionnés Joseph Kervégant, chef de famille, né en 1879 à Guern dans le Morbihan ; Maria Proux, née en 1894, son épouse ; Louis, né en 1922 à Chiré ; Paul, né en 1923 à Guern  (décédé en 2017); Annick, née en 1929 à Yffiniac. 

Joseph Kervégant est décédé à Yffiniac le 28 juin 1969.

Recensement 1936 Archives départementales 22


 

La presse locale a mentionné la naissance de Catherine et d'Elisabeth Kervégant à Saint-Brieuc.

Ouest-France 26 février 1947

Ci-dessus, naissance de Catherine Kervégant au 8 boulevard Hoche, annonce dans l'état-civil de Ouest-France le 26 février 1947

Ouest-France 11 février 1948

Ci-dessus, naissance d'Elisabeth Kervégant au 8 boulevard Hoche, annonce dans l'état-civil de Ouest-France le 11 février 1948


Le 17 juillet 1973 Ouest-France a également parlé de la famille Kervégant en rappelant que Louis Kervégant était le fils du premier directeur et fondateur de l'école libre de garçons de Clégérec dans le Morbihan en 1923..

Louis Kervégant, troisième en partant de la droite sur la photo

 
Louis Kervégant

Sources

Archives municipales,18Z 420 fonds Le Bigot, photos et 18Z440 papier en tête.

Articles de Ouest-France : 27 février 1952, 23 janvier 1953, 8 avril 1961, annonce manutentionnaires 18 août 1972, élections 9 novembre 1982 ; Ouest-France 21 décembre 2011, annonce du décès...

Courriers échangés en septembre 2024 avec Louis Kervégant, le petit-fils de Louis Kervégant, fondateur de l'entreprise.

Généanet, cimetière Carnac, cliquer ici

Site Généanet, fiche sur Joseph Marie Kervégant, cliquer ici

 

 

 

dimanche 17 novembre 2024

Un bureau de Poste dans le quartier de Robien à Saint-Brieuc. 1905-2018

 

Carte postale avec la passerelle et le bureau d'octroi sur la droite.

 

La création du bureau de Poste à Robien 1905

Le 27 avril 1905, le journal Ouest-Eclair évoque pour la première fois publiquement l'autorisation d’établir "une recette auxiliaire des postes" dans le quartier de Robien. 

D'après un document conservé aux Archives nationales, ce bureau ouvre le 16 décembre de l'année 1905.

Archives nationales, cote AN 19830232-02

 

La nécessité d'un bureau de Poste de plein exercice. 1908

Le 6 avril 1908, Ouest-Eclair reprend ce sujet du bureau de poste de Robien : un rapport est présenté par M. Sébilleau. 

Ce bureau de poste devrait être pourvu du téléphone et du télégraphe et se situer au niveau de la gare de marchandises (appelée aussi Gare de la Petite vitesse), là où la passerelle piétonne va être prochainement construite.

Ce bureau de poste est effectivement créé dans l'année 1908 mais il ne dispose pas de tous les services qu’il pourrait rendre à la population comme l’explique le journal Le Réveil, en y ajoutant une petite pointe anticléricale au passage :

"L’extension de la ville de St Brieuc se fait actuellement du côté de Robien… Il existe un bureau auxiliaire des postes boulevard Carnot, bureau ne pouvant effectuer que la moitié à peine des opérations postales. Il n’est pas complet… Il n’émet pas de mandats pour les étrangers… 

Ce qui est plus grave, il n’a ni le télégraphe ni téléphone…On me dira « Il y a le télégraphe à la gare »…

On se préoccupe de ce quartier dans certains milieux. On y construit une église. Une église ne sert que des intérêts particuliers. Tout le monde n’en a pas besoin et tout le monde aujourd’hui a besoin de la poste et surtout de profiter des progrès modernes… Il faut que le public qui paie, reçoive satisfaction… »

En 1910, la question revient au niveau du Conseil municipal de Saint-Brieuc dans la séance du 12 janvier.

Le rapporteur de la commission qui a étudié le sujet constate que cette recette auxiliaire fonctionne bien. Elle effectue  un mouvement de fonds de plus de 100 000 francs par an, tant en recettes qu’en dépenses. Mais le gérant ne reçoit qu’une indemnité annuelle de 200 francs par l’administration, ce qui est jugé nettement insuffisant. 

La solution de confier cette mission au receveur du bureau d’octroi tout proche n’a pas été retenue.

L’administration des Postes exige d’autre part que pour passer d’un bureau annexe à un bureau de plein exercice, la municipalité doive s’engager à fournir un local adapté, ce qui n’est pas le souhait de la Mairie.

Par contre la proposition est faite par les autorités municipales d’allouer une somme de 100 francs supplémentaires pour le gérant, à condition que le bureau reste dans le quartier de Robien.

Portrait de postières en 1924. Musée de Bretagne

Le 26 juin 1925, la question de l'indemnité de Mme Fichou est relevée de 900 à 1200 francs. La demande semble justifiée pour le conseil municipal en raison des opérations postales plus nombreuses résultant de l'extension du quartier. D'autre part il est mentionné que Mme Fichou donne entière satisfaction.

La première trace de Mme Fichou est dans l'édition du 30 décembre 1912 de Ouest-Eclair où elle demandait déjà une augmentation de son traitement.

26 juin 1925. Registre du Conseil municipal

 

L'évolution du bureau de Poste 1932-1945

Ce petit bureau de poste à Robien n’a pas acquis un meilleur statut au fil du temps et semble être resté à l’état d’annexe.

La question refait donc surface en 1932 au Conseil municipal du 19 février avec comme rapporteur Monsieur Legarçon qui demande pour le quartier de Robien la création d’un guichet postal ouvert entre 12h et 14h, ce qui n’est pas le cas de l’actuel guichet et permettant d’effectuer toutes les opérations possibles. Il argumente sur le fait que la population de Robien est de 4000 habitants, que de nombreuses usines et magasins y sont installés.

La municipalité semble avoir trouvé le local idéal dans le groupe de magasins (la Galerie Commerciale) intégré dans le nouveau lotissement de Robien. Le local serait de 7 mètres de largeur sur autant de profondeur et permettrait d’accueillir confortablement les usagers de 8h à 19h.

La proposition recueille un large consensus avec une autre piste pour le local car M. Zocchetti, rue Jules Ferry, pourrait être intéressé par l’installation du guichet dans sa maison…

En 1935, on installe une cabine téléphonique à l'octroi de la petite vitesse boulevard Carnot et en 1936, une boite postale sur ce même immeuble du bureau d'octroi.

Plan indiquant le bureau d'octroi. 1922. Archives municipales 3Fo124

En 1943, le Conseil municipal du 23 juillet est amené à se prononcer, comme il le fait régulièrement, sur la demande des gérants de ces bureaux de poste qui souhaitent voir leur rémunération augmentée.

Le faible salaire est la raison de la fermeture depuis le 1er avril 1943 du bureau de Robien, "ce qui provoque les réclamations de nombreux usagers" comme il est noté dans le compte-rendu. Le Conseil porte la rémunération à 4000 francs en tenant compte du salaire et de l'indemnité logement.

C'est ce qui doit avoir décidé une personne à accepter cette tâche puisqu'en 1945 le poste est bien pourvu à Robien (Conseil du 21.09.1945).

 

Le bureau de Poste de Robien 1946-2002

On ne sait pas avec précision comment ce petit bureau de Poste a évolué après 1945 car les différents rapports du Conseil ne mentionnent plus la liste des bureaux et la presse n'en parle pas. Mais les souvenirs des habitants permettent de poser quelques jalons... Il est certain que de la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu'au début des années 2000, les habitants de Robien se passaient d'un bureau de poste. Et pour cause, Dominique Soufflet raconte : "On achetait les timbres dans les bureaux de tabac. Et, jusque vers le début des années 60, le facteur effectuait le paiement des mandats (je ne connais pas le plafond), sans risque apparent de se faire braquer, il livrait également les recommandés et petits colis
Cela limitait largement le besoin de se déplacer pour nombre de personnes (âge, handicaps divers sociaux ou non), le besoin d’un bureau postal local ne se faisait pas sentir. La suppression de ce service a certainement été un des moteurs de la demande d’ouverture d’un bureau local en coïncidence avec l’accroissement de la population et de l’entrée des femmes sur le marché du travail
".

D'autre part, on sait que les P.T.T avaient installé en 1966 dans le quartier de Robien, place Octave Brilleaud, "un bureau muet" (ça ne s'invente pas ! ) : "L'installation comporte un distributeur de timbres à 0,30 F, une boite aux lettres, un poste téléphonique à paiement fonctionnant avec des jetons qu'il faut se procurer à la recette principale, place de la Résistance."

Le premier bureau de ce type avait été installé en janvier 1961 place de la Gare. D'autres devaient suivre "sur la place du Champ de Foire à Robien (pour le marché de gros), à la Ville-Bougault, au Point-du-jour et sur le Champ-de-Mars, près du Syndicat d'Initiative." L'article explique tout, même comment téléphoner ! Il faut dire que la communication n'est établie que si vous versez la somme qui vous est indiquée "par la standardiste du central des P et T". Pour cela il faut être muni de pièces de 10 et 20 centimes de nouveaux francs, seules admises par l'appareil. (Ouest-France 27 janvier 1961)

Bureau de poste muet. 27 janvier 1961 Ouest-France

Bureau de poste muet. 27 janvier 1961 Ouest-France

Dominique Soufflet se souvient : "Le bureau muet du Champ de Foire (personne ne disait Brilleaud), servait essentiellement de cabine téléphonique publique. Il a subit plusieurs évolutions, pièces, puis jetons, puis de nouveau pièces lors du passage au téléphone automatique (sans opératrices pour indiquer le coût).
Ce central a été mis en place dans un bâtiment perpendiculaire au Théâtre dans les années 63-65
". 

Bureau de poste muet de la Ville-Bougault, St Brieuc, 4 octobre 1961 Ouest-France

 

L'histoire récente du bureau de Poste, une nouvelle implantation en 2002

Le journal Le Télégramme dans son édition du 7 septembre 2001 présente de manière très complète l'installation d'un nouveau bureau de poste à Robien. Les responsables de la poste peuvent ainsi développer leurs excellents arguments montrant la nécessité d'un bureau dans le quartier :

"Depuis plusieurs années, la Poste souhaitait ouvrir un nouveau bureau à Saint-Brieuc, dans le quartier de Robien. La construction d'un immeuble (Le Carlina) rue Jules-Ferry, lui offre cette opportunité. Les travaux d'aménagement auront lieu à la rentrée, pour une ouverture prévue au printemps 2002.

Ci-dessous, l'immeuble en construction rue Jules Ferry

Rue Jules Ferry. Photo Le Télégramme. 7 septembre 2001

"Actuellement, le bureau de Poste le plus proche pour les Robiennais, est celui de la Résistance. Autrement dit, pas la porte à côté. Cette ouverture devrait donc être saluée par les riverains qui bénéficieront de nouveaux services de proximité. «C'était un projet que nous avions sous le coude depuis plusieurs années», explique Denise Rozec, responsable organisation et marketing de la distribution à la Poste.

Une plus-value pour le quartier

Cette implantation sera indéniablement un plus pour ce quartier en plein renouveau. «Les communes de plus de 10.000 habitants représentent 50 % de la population du territoire. Paradoxalement, ces zones sont moins bien équipées en bureaux de Poste (17 %) que le secteur rural. D'où la mise en oeuvre d'une politique de développement qui met les clients au centre de nos préoccupations. C'est-à-dire, être là où ils sont. Robien correspond à ces critères. Avec Balzac en 2000, ce sera la seconde création en un an à Saint-Brieuc».

La Poste sera locataire de ces locaux au rez-de-chaussée de l'immeuble Carlina. «Ils nous seront livrés courant septembre et ouvriront au printemps 2002. 160 m² aménagés à l'identique du bureau de la Résistance».

Le choix du service public pour Robien s'est appuyé sur une étude d'urbanisme réalisée en 1996 par le cabinet Nazarenko, à la demande de l'ancienne municipalité, ainsi que sur une concertation menée auprès de la population. Cette étude anticipait le devenir de Robien et prenait en compte la création d'un petit pôle commercial rue Jules-Ferry avec un bureau de Poste. «Le projet se réalise à quelques numéros de rue près, c'est incroyable».

4.500 personnes seront concernées par ce nouveau service (habitants, passage, salariés). Toutes les prestations postales et financières traditionnelles y seront proposées. Cette implantation portera à sept le nombre des bureaux à Saint-Brieuc : Résistance, les Villages, Liberté, Cesson, Croix-Lambert, Balzac et Robien".

 "C'était le bon temps" pourrait-on dire !

2008 La Poste de Robien, 17 rue Jules Ferry. Image Google Sreet

 

De l'installation en 2002 à la fermeture en 2018

Ce nouveau bureau de poste est donc installé en octobre 2002, au 17 rue Jules Ferry au pied d'un immeuble tout neuf et tout le monde est très satisfait. 

Les années passent et la Poste change la signalétique (voir ci-dessous

2016 La Poste de Robien, 17 rue Jules Ferry. Image Google Sreet

Petit à petit, les plages horaires sont plus limitées. Malgré tout, l'activité reste régulière et le guichet ne désemplit pas.

Mais parfois l'histoire se répète curieusement...

Alors que le quartier de Robien vient tout juste de retrouver une nouvelle passerelle piétonne après des années de travaux, en 2017 la direction de la Poste annonce la fermeture du bureau installé dans la rue Jules Ferry.

Le bureau de Cesson et celui de la Place de la Liberté sont aussi concernés par ces mesures de fermeture. Et pourtant, ils rendent beaucoup de services ces bureaux, les gens y sont attachés...


Ci-dessous, les usagers se font prendre en photo pour montrer leur désir de conserver leur bureau de poste à Robien

Affiche réalisée par le Comité d'Animation de Robien. 2018

Malgré la mobilisation de très nombreux habitants pendant des mois, la fermeture définitive a lieu le 13 juin 2018 à Robien.

Un commerce reprend le service du courrier, puis un autre s'en charge mais toutes les opérations ne peuvent plus se faire : suppression des mandats postaux, des services de la Banque postale, du distributeur de billets...

Les priorités de rentabilité de la Poste auront eu raison de ce service rendu aux habitants pendant tant d'années... 

La boite aux lettres sera même enlevée en janvier 2024 !

2020 La Poste de Robien, 17 rue Jules Ferry. Image Google Sreet


Paroles d'usagers de la Poste à Robien

Propos recueillis devant la Poste le jeudi 25 janvier 2018

"Je viens du boulevard Charner et avec la passerelle c’est très pratique. Si je vais à la Poste dans le centre ville il y a une côte pour remonter chez moi".

"J’ai une entreprise à Robien et la Poste j’en ai beaucoup besoin".

"Plus y a d’la poste, plus ça m’arrange ! "

"Moi j’ai du mal à marcher avec mon déambulateur alors où je vais aller chercher mon argent si ça ferme ? "

"Je viens de Trégueux, ici c’est sympa."

"Si l’agence ferme, je leur ai dit que je fermais mon compte à la Banque postale ! "

"Je travaille dans le quartier, je n’y habite pas mais je viens à ce bureau car quand je rentre dans ma commune c’est fermé".

"Je viens faire des mandats Western-Union pour envoyer de l’argent dans mon pays".

"Je viens ici ou à Liberté alors où je vais aller si les deux bureaux ferment ?! "

 

D'autres présences de la Poste à Robien

En dehors d'un bureau de Poste, cette administration a été présente dans le quartier de Robien à deux autres endroits.

A partir de 1932, Rue de l'Ondine, les P.T.T avaient un dépôt d'essence dans un bâtiment servant aussi de garage. Ce local a été transformé en maison d'habitation après sa fermeture. (voir tous les plans dans l'article sur l'histoire de la rue de l'Ondine, en cliquant ici )

Un centre de tri annexe des P.T.T a été installé rue abbé Garnier en 1971. En effet, la municipalité est allée dans le sens de la demande des P.T.T qui, ne parvenant plus à assurer le tri des paquets dans le bureau de la Gare, cherchaient un local.

Les anciens garages des T.U.B, rue abbé Garnier, se trouvant vides, la municipalité a loué ses locaux avec un bail de 5 ans, comme l'indique le compte-rendu du Conseil municipal du 13 novembre 1970.

 

                Photo des anciens entrepôts des bus ci-dessous

Ancien dépôt de bus rue abbé Garnier. Archives St Brieuc 6Fi1630

 

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Sources

Autorisation et date d'ouverture en 1905. Document des Archives nationales cote AN 19830232-02, pages de 1896 à 1916. Remerciements à Dominique Reynaud pour la transmission de ce document particulièrement rare et intéressant.

Délibérations du Conseil municipal : 12 janvier 1910, mars 1910, 19 février 1932, 30 août 1935, 24 avril 1936, 23 juillet 1943, 21 septembre 1945, 19 septembre 1947, 22 octobre 1951, 1er février 1954, 13 novembre 1970.

Ouest-Eclair 6 avril 1908

Le Réveil 1908

Le Télégramme 7 septembre 2001

Site du Comité d'Animation de Robien

Propos recueillis par Richard Fortat au moment de la menace de fermeture de la Poste. Notes, janvier 2018

Photo de deux postières en 1924. Musée de Bretagne, notice complète ici

Correspondances avec Christian Prigent, novembre 2021

Correspondances avec Dominique Soufflet, novembre 2024

 

 

 

 

 

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