lundi 6 novembre 2023

Histoire de la rue du Coucou dans le quartier de Robien à Saint-Brieuc

 

Oh, le coucou, c’est le plus joli de tous les oiseaux.
Il annonce les nouvelles, il apporte l’écho.
Il boit de la rosée et siffle comme le vent
Mais il ne chante jamais avant le printemps.

Steve Waring.


Vue aérienne du secteur du Coucou. Années 40. Archives départementales

La rue du Coucou était appelée anciennement "Chemin du Coucou", on en trouve une première trace sur un plan de 1902. En 1927, on sait par un acte de vente que le chemin faisait trois mètres de large. Par une délibération du conseil municipal du 5 février 1959, le chemin est devenu Rue du Coucou. 

C'est une petite rue, comportant la Résidence Vauban depuis les années 50 et quelques maisons seulement. Elle est située entre la rue du Pré-Chesnay et le boulevard Hoche. 

Elle se fait discrète mais porte un si joli nom et cache tant d'histoires que l'on ne saurait la laisser dans l'oubli...

 Dessin de coucou 17e siècle. Nicolas Robert. Muséum national d'histoire naturelle (Paris) - Direction des bibliothèques et de la documentation. Fiche ici

 

Le saviez-vous ?

Dans les victimes du quartier de Robien pendant la Guerre 14-18, figure Jean Rouxel, rue du Coucou, décédé le 21 août 1914 et dans celle de 39-45 on peut évoquer Alfred Fromentin, habitant du Coucou, décédé en 1946 des suites de sa captivité dans un camp en Allemagne.

 

 

La famille Garnier arrivée en 1927 au Coucou

Rien de tel pour découvrir l'histoire d'une rue que d'écouter les habitants qui y ont vécu. Jean-François Garnier raconte : "Mes grands-parents paternels sont arrivés au "Coucou" en 1927. Mon père, Henri Garnier, avait 8 ans. Ils étaient catholiques pratiquant et Saint-Anne de Robien n'avait pas de secrets pour eux. Mon grand père était menuisier dans l'entreprise Rideau et ma grand-mère faisait des ménages. 

Henri Garnier (1887-1965) menuisier. Photo JF Garnier

Mon père, né en 1919, allait à l'école de la rue du Parc, fut gymnaste à la Vaillante, fit un peu de boxe, jouait du tambour dans la clique de la paroisse, a appris à nager dans l'étang de Robien et, après son brevet élémentaire, fut instituteur à l'école Saint-Joseph (qui deviendra l'école Sainte-Bernadette), en attendant son incorporation.

Nous habitions la maison aux volets bleus, maison jumelle de la mitoyenne. Mon père y avait rajouté une petite aile en 1957".

 

 

L’entrepôt Le Guével. 1932

A gauche de l'entrepôt Le Guével, la maison Rouxel 4 rue du Coucou.

Louis Le Guével (né en 1889) était commerçant rue Jules Ferry (ne pas confondre avec François Guével des vins Guével-et-Rio) mais possédait aussi un grand bâtiment qui lui servait d’entrepôt situé au Coucou. Son épouse, née Joséphine Martail était cabaretière avant son mariage. Peut-être a-t-elle repris le même type de commerce à Robien ? On sait qu'elle a tenu un hôtel à Saint-Brieuc...
On distingue cet entrepôt sur quelques photos anciennes.
Cet entrepôt est mentionné pour la première fois dans l’édition du 20 novembre 1932 de Ouest-Eclair. Monsieur Le Guével est venu déclarer au commissaire de police qu’un ou plusieurs individus s’étaient introduits dans  son entrepôt de vins et liqueurs situé au Coucou. Les malfaiteurs ont brisé un carreau pour pénétrer dans l’entrepôt et ont enlevé « une vingtaine de bouteilles de Calvados, Pernod, Vermouth, Byrrh etc. Le tout représentant une somme de 500 francs ».  Louis Paviot, un ancien employé de chez M. Le Guével a été soupçonné et la perquisition effectuée à son domicile a été édifiante : plusieurs bouteilles de Pernod se trouvaient à son domicile, ce qui a conduit à son arrestation.

Entrepôt Le Guével à l'arrière-plan

Entrepôt Le Guével à droite

Entrepôt Le Guével sur la gauche

Bien plus tard, en novembre 1957, le Conseil municipal décide de faire l’acquisition de cet entrepôt dans le cadre des travaux d’élargissement du boulevard Hoche et du chemin du Coucou, et de la création du boulevard Vauban. L’entrepôt est au carrefour de ce secteur qui va être profondément modifié.

 

Le saviez-vous ?

En 1932 et jusqu’en 1948, on note au Coucou la présence de la Société Générale des Huiles de Pétrole. En 1938, l'autorisation pour l'installation d'un dépôt de 20 000 litres d'essence avait provoqué une protestation des habitants et une pétition comportant 75 signatures.

19 février 1938 Ouest-Eclair

 

Le chemin du Coucou sur des plans

Une première indication mentionnant Le Coucou sur un plan date de 1902. On y distingue seulement deux bâtiments, dont la maison Rouxel, en retrait. La rue Luzel est encore appelée "Chemin du Carpont" et la rue Jules Ferry, "la route de Quintin".

Plan des Archives départementales. Référence 5M89

Sur un deuxième plan des années 30, on voit que d'autres maisons ont été construites, ainsi que le bâtiment Le Guével.



Les habitants du Coucou en 1936

Le Coucou en 1906, ce sont 5 maisons et 21 habitants. Cette portion du quartier de Robien est si petite que le nombre de maisons et d'habitants ne sera jamais très élevé...

La liste complète des habitants du Coucou en 1936 n'est pas très longue, la voici dans le registre de recensement où on dénombre 7 familles et 27 habitants. On a les familles Philippe, Gélard, Garnier, Leguilloux, Boscher, Rouxel et L'Hotellier.

 


 

La rue du Coucou dans les années 50

A quoi ressemblait la vie d'un enfant de la rue du Coucou dans les années 50 ? Voici les souvenirs de Jean-François Garnier. 

Rue du Coucou, Jean-François Garnier, scout.

"Dans les années 50, le Tertre de Robien était un de nos "terrains  d'aventure". Nous habitions chemin du Coucou, donc à proximité. Nous  allions sur le tertre faire voler nos cerfs volants de notre propre  fabrication, à la saison, ramasser les mures et monter sur la margelle de  la croix pour "voir la mer". Ne disait-on pas que c'était le point  culminant de la ville ? 

Dans la maison, nous avions un réservoir, récepteur des eaux de pluie, situé dans le rez de chaussée qui servait de cave, avec le lavoir attenant. Devant les établissements Lamandé, sur le trottoir, il y avait une pompe où nous remplissions brocs et sauts, n'ayant pas l'eau courante à la maison. 

Et lorsque  nous avions besoin de téléphoner, nous allions chez les propriétaires de la belle maison du tertre, chez les Connan, au 49 de la rue du Pré-Chesnay, qui tenaient le poste de téléphone public.".

Travaux rue du Coucou. Photo Famille Garnier 1957-1958

La photo ci-dessus est intéressante car elle est prise au moment du début des travaux dans la rue du Coucou en 1957-1958. Les haies de troène ont été rasées, ce qui donne une superbe perspective sur la maison de la famille Marcel Rouxel (de nos jours elle est cachée par les immeubles de la Résidence Vauban). 

 

L'école Hoche années 50

L’école Hoche a été construite au milieu des années 50, et a remplacé les baraquements qui abritaient les plus grandes classes de l’école Guébriant. Dans le quartier certains l’appelaient  "l’école du Coucou" en raison de sa proximité avec le lieu-dit.

Jeanine Herviou qui habitait sur le tertre Marie-Dondaine se souvient : « Quand j’étais à l’école rue Hoche, on revenait par le chemin du Coucou. Il n’y avait que des jardins dans ce coin là".

 

Les joueurs de palets du Coucou en 1957

Joueurs de palets au Coucou. Photo J.F Garnier
 
Joueurs de palets au Coucou. Photo J.F Garnier


Jean-François Garnier commente ces deux photos des joueurs de palets au croisement du "Chemin du Coucou", et de la rue du Pré-Chesnay en 1957 :

"Dans les années 50, les anciens du quartier, mon grand père Garnier, messieurs Fortis, Leclerc  (dit Mattow"), Lagadeuc passaient des après-midi à jouer au palets, sans être dérangés par la circulation, puisque dans le quartier, seul, monsieur Devalez, qui habitait au carrefour, possédait une voiture, une 203.
Les joueurs de palets se réunissaient dans ce qui est, actuellement le carrefour entre la rue du Coucou et la rue du Pré-Chesnay. Il faut se rappeler que le chemin du Coucou n'était pas goudronné, et que la maison en jaune au numéro 13 actuel, n'existait pas. C'était le jardin du père Dupuy, dont l'empreinte était moins importante que le devant du numéro 13. 

De plus, le chemin du Coucou était beaucoup moins large que la rue du même nom et les quelques propriétaires ont dû céder du terrain à la ville lors de la percée de la rue. Il existait donc un espace assez large pour jouer aux palets sur la terre, puisque les joueurs n'utilisaient pas de planches. Plus rarement, ils jouaient à la galoche. Au fur et à mesure que nous grandissions, mon frère, mes cousins et moi, participions au jeu. A préciser que le seul enjeu était le plaisir, jamais un centime n'était en jeu". 

 

 

Années 60

Dans les années 60, le mauvais état du chemin du Coucou est évoqué dans la presse :

"Le pittoresque chemin du Coucou est aussi celui des écoliers puisqu'il est emprunté par les élèves de l'école du boulevard Hoche pour qui, contrairement à ce que nous semblons insinuer, ce chemin est un raccourci.
il est aussi un lieu de passage fréquent pour les piétons. aussi ne manque-t-on pas de se plaindre souvent de l'état dans lequel il se trouve. Il faudrait à défaut de revêtement boucher les trous les plus importants.
" Ouest-France 4 novembre 1960.

La rue du Coucou va perdre de sa tranquillité quand la résidence Vauban voit le jour dans les années 60.

 

 

A ce propos Jean-François Garnier se souvient : " Avant 1964, la vue était tellement dégagée, que du vasistas de notre maison, nous correspondions en morse, grâce à une pile électrique avec Jocelyne et Jean-Luc Blanchard qui habitaient 21 rue Luzel

Photo de la rue du Coucou en mai-juin 1964 : à gauche la rue du Pré-Chesnay, au fond la rue Luzel, au premier plan on a le champ où la Résidence Vauban sera construite.

La résidence Vauban a été bâtie, du moins en partie, sur les terres de la ferme Rault qui donnait rue Luzel.".


 

Les maisons de la rue du Coucou

La maison de la famille Rouxel est bien cachée aux numéros 4 et 6 de la rue du Coucou.


Si on regarde attentivement, en hauteur on peut voir au niveau des épis de faitage, deux hermines et un triskell. C’est M. Rouxel, le propriétaire qui, en 2007, a fait réaliser ces épis de faîtage par Joël Babey un artisan de Plouha.

Maison Rouxel, rue du Coucou. Photo RF

Maison Rouxel, rue du Coucou. Photo RF

 

Au numéro 7, un pavillon a été rénové.

Avant-Après

On retrouve cette maison au premier plan dans cette vue en perspective de la rue du Coucou, avec une partie du Carré Hoche, les immeubles Comètes, Météores etc. et tout au fond la maison qui marque la fin du boulevard Carnot.


 La maison aux volets bleus était celle de la famille Garnier.

 

L'acte notarié concernant cette maison est daté du 29 janvier 1927, chez maître Caille, notaire à Saint-Brieuc. 
La maison de madame Gaudu est en construction, établie à l'extrémité ouest de la parcelle échangées de 55 cm de large sur 9 mètres de long.

Quant à la vente de la maison, la vendeuse est madame Veuve Gaudu, née en 1850, demeurant rue du Parc à Saint-Brieuc.
L'acheteuse est mademoiselle Jeanne Le Greneur, célibataire, cuisinière,
née le 27 mai 1880 au Leslay (22), demeurant 67 avenue Niel à Paris.

L'adresse indiquée est " Quartier de Robien, derrière les Forges et Laminoirs, au tertre Mordondaine". Le nom de Marie-Dondaine a certainement été déformé dans la retranscription car il n'y a aucune trace d'archive mentionnant un "tertre Mordondaine" !

Les terrains voisins appartiennent, à l'est, à M. Laguitton, au sud à M. Loisel et au nord à M. Chaye.
 
Le plan de la maison, en construction en 1927, évoque un bâtiment en ciment bétonné, mitoyen avec M. Chaye. Au sous-sol une citerne réservoir d'un mètre cube et un lavoir en ciment-escalier en ciment, à l'extérieur ; premier étage vestibule et 4 pièces ; au dessus 2 pièces mansardées et 2 petits greniers ; Fosse commune avec la maison Chaye, avec wc à hauteur de l'étage ; dans la cuisine sera mis une pompe Japy. Les cabinets seront couverts en ardoise et pour y accéder on mettra une échelle de meunier avec garde fou ; il sera mis une rampe de fer à l'escalier extérieur.
Le prix de la maison est fixé à 30 000 francs, le terrain 4 000 francs, soit un total de 34 000 francs.

Ci-dessous, deux photos montrant la construction de l'aile rajoutée à la maison Garnier en 1956-1957. Les ouvriers sont constitués de la famille elle-même et d'amis. Pas de bétonneuse, tout se fait à l'huile de coude. Au second plan de la première photo, on aperçoit l'usine Glémot, rue du Pré-Chesnay.

Chantier de construction d'une aile de la maison Garnier rue du Coucou. 1956-1957

Chantier de construction d'une aile de la maison Garnier, rue du Coucou.1956-57

Au début de la rue, au croisement de la rue du Pré-Chesnay, dans les années 50-60, il n'y avait pas encore de maison, on ne trouvait que des jardins. M. Mounier, qui vivait chez ses enfants rue du Pré-Chesnay, y cultivait un grand espace.

 

Le saviez-vous ?

Certains faisaient la confusion entre "Le chemin du Coucou" et ce qui était appelé "L'ancien chemin d'Yffiniac ", où donnaient les Forges-et-Laminoirs et qui aboutissait rue Jules Ferry, près du bas de la Passerelle. Le chemin d'Yffiniac est de nos jours la rue François Ménez.


 

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Si vous avez d'autres renseignements sur l'histoire de la rue du Coucou, merci d'utiliser le formulaire de contact. 

 

Sources

Entretiens et correspondances avec Jean-François Garnier, ancien habitant du Coucou. Ancien travailleur social, Jean-François Garnier est devenu formateur. Docteur en sociologie, il a été chercheur au Laboratoire d’anthropologie et de sociologie  de l’université de Rennes 2.

Site Généanet, Henri Garnier (1887-1965), cliquer ici

Photo avant rénovation de la maison du n°7, merci à Morgane Loisel.

Recherches dans les archives de Ouest-Eclair et de Ouest-France 

Délibérations du Conseil municipal : acquisition de terrain 22 novembre 1954, Alignement 26 novembre 1956. 

Archives départementales, vues aériennes.






vendredi 3 novembre 2023

Yann Corlouër, un architecte breton condamné en 1944


Jean-Gabriel Corlouër est né le 14 juillet 1901 à Brest. Il est connu sous le nom de Yann Corlouër. Il a exercé comme architecte à Paris de 1935 à 1937 ainsi qu'à Saint-Quay-Portrieux et à Saint-Brieuc de 1935 à 1942. 

Bureaux de Yann Corlouer à Saint-Quay, 78 boulevard du Maréchal Foch, agence immobilière de nos jours. Carte postale ancienne.

Célèbre pour ses maisons de style néo-normand que l'on retrouve à Saint-Quay et à Saint-Brieuc, cet architecte a fait des choix politiques, dans les années 40, qu'il convient de mettre à jour.

Maison Corlouër. Rue des fusains à Saint-Quay. Photo RF

En effet, ce nom se rattache à un engagement dans la collaboration : pendant l'Occupation, Yann Corlouër fait le choix du parti fasciste de Jacques Doriot, le P.P.F, dont il devient le chef sur le plan local. C'est un antisémite et anti-communiste notoire qui recevait des directives de la Gestapo où une fiche a été retrouvé à son nom avec l'indicatif SR 710 (archives de la Gestapo de Rennes).

Il fuit la Bretagne au moment de la Libération. Son comptable, M. Pottier, qui partage ses choix politiques, est jugé et fusillé en décembre 1944... 

Ci-dessous, l'intervention publique de Yann Corlouër en septembre 1942 au cinéma de Saint-Brieuc, relatée dans le journal Ouest-Eclair, ne laisse aucun doute quant à ses convictions.

23 septembre 1942 Ouest-Eclair
 

La condamnation à mort par contumace en mai 1945

Le 30 mai 1945, Ouest-France publie le compte-rendu des délibérations de la Cour de Justice de Saint-Brieuc. Les autorités ayant perdu sa trace, Yann Corlouër est condamné à mort par contumace le 29 mai 1945. Tous ses biens sont confisqués. A la lecture de l'article, les faits sont effectivement accablants.

 


Yann Corlouër essaie d'échapper aux autorités

L'universitaire Danièle Voldman évoque le travail de Daniel Le Couédic dont les recherches, aux archives du Conseil régional de Bretagne, ont permis de montrer la stratégie employée par Yann Corlouër pour continuer son  activité :
"Au moment de sa condamnation à l’indignité nationale en décembre 1944, il était engagé sous l’identité de Jean Ruffé (du nom de jeune fille de sa mère) dans la Légion étrangère. Son bataillon ayant rejoint la compagnie Rhin et Danube, il reçut la Croix de guerre avec citation et fut promu maréchal des logis. Une fois démobilisé, il s’installa en Tunisie et travailla pour des entreprises du B.T.P sous son nouveau nom. Il fut cependant contraint de révéler son identité lorsqu’il demanda une reconstitution de carrière en vue de sa retraite".


La deuxième condamnation en 1952

Le 24 janvier 1952, Ouest-France publie le compte-rendu du deuxième procès de Yann Corlouër. Retrouvé et arrêté le 30 octobre 1951 alors qu'il se cachait sous une fausse identité, il est interrogé et passe en procès à Paris. Un article du Télégramme, également paru en 1952, évoque les mêmes faits historiques et donne la parole aux Résistants de Saint-Quay  (article en entier ici )



Ouest-France
 


Le Télégramme 26 janvier 1952


Rien de cela ne doit être oublié lorsque l'on découvre le style des maisons Corlouër.

 

Voir aussi

Maisons né-bretonnes dans le quartier de Robien, ici

Abécédaire des architectes de Robien, ici

 

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Sources

Danièle Voldman, Directrice de recherche émérite au Centre d’histoire sociale des mondes contemporains, CNRS / Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Punir les architectes collaborateurs. Article en ligne en cliquant ici

Correspondances avec Eric Le Guyader, août 2023.

Ouest-France  30 mai 1945, 24 janvier 1952

Blog de Michel Jounent sur l'histoire de Saint-Quay, avec en particulier la reproduction des articles du Télégramme de 1952 sur le deuxième procès de Yann Corlouër, cliquer ici

Sur le blog de Michel Jounent, on trouve un autre article avec un commentaire de Luc Corlouër. 7 janvier 2012, ici




jeudi 2 novembre 2023

Le théâtre de l'Espérance, théâtre forain ambulant d'Aristide Audroin

La famille Audroin est l'une de ces familles d'industriels forains qui a la particularité d'avoir aussi exercé dans le domaine du Théâtre ambulant religieux, avant de se lancer dans le cinéma.

Aristide et Léonie Audroin. Photo Le Pays de Dinan


Avant d'explorer l'histoire du Théâtre de l'Espérance Audroin, voyons ce qu'était le théâtre entre le XVe et le XVIIIe siècle, plus particulièrement en Bretagne :  « Au XVe siècle, on ne connaissait d’autres productions dramatiques que les Mystères, les Moralités et les Sotties.
La représentation des mystères était exclusivement réservée aux membres de la confrérie de la Passion, qui se contentait de mettre en dialogue des scènes de l’Écriture ou des légendes empruntées aux Vies des saints…
La plus ancienne représentation qui ait été signalée à Rennes eut lieu le 25 mai 1430, jour de l’Ascension, en présence du duc de Bretagne Jean V.
»
(1)
Le vendredi saint de l’année 1492, on joua à Vitré une représentation du Mistère de la Passion Nostre-Seigneur Jhesu Crist.

(2) Version du XIVe siècle du Mistère de la Passion. Publication B.N.F, ici


Les acteurs pouvaient s’inspirer de textes contenus dans les recueils de cantiques imprimés, avec « des scènes naïves en vers boiteux et à rimes indépendantes » (1), comme celui édité à Dinan en 1795 et réimprimé à la moitié du 19e siècle. Au fil des siècles et des rééditions, de nombreux ouvrages ont vu leur titre se modifier pour faire évoluer le Mistère du Moyen-Age vers des formes plus contemporaines.

 

Le Théâtre de l'Espérance

Aristide Audroin (1857-1953) est né à Vitré le 12 avril 1857. Il est cordonnier de profession mais à la fête foraine de Dinan, où il se trouve alors pour effectuer son service militaire, il fait la rencontre d'une foraine, Léonie Hodemon. Elle possède un manège de chevaux de bois et une confiserie. Il l’épouse le 29 juin 1878 à Vitré et adopte le mode de vie des gens du voyage.

Aristide Audroin. Photo Généanet

Léonie Audroin (1953). Photo Généanet

Pendant quelques années, les Audroin sont sur la route et présentent leurs attractions sur les fêtes foraines. Mais Aristide Audroin est passionné par le théâtre. Il fonde Le Théâtre de l’Espérance qui se déplace dans toute la France avec la roulotte tirée par des chevaux. Aidés par leurs enfants, leurs décors et leurs costumes font merveille dans "Le mystère de la Nativité et la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ", d'après les grands maîtres de l'art chrétien. 

Il est intéressant de voir, comme nous l'avons développé dans l'introduction de cet article, que les Audroin s'inscrivent directement dans la tradition des mystères, comme celui joué en 1492 à Vitré. Nous ne savons malheureusement pas à partir de quelle version travaillait la famille Audroin pour bâtir son spectacle.

Lors d'une représentation donnée en 1902, on apprend que les enfants sont âgés de 3 ans à 18 ans. La famille comptera jusqu'à 13 enfants ! Les jeunes acteurs prennent surtout des poses au milieu de décors constitués de tableaux peints.

C'est une grande fresque théâtrale qui s’inscrit dans les spectacles joués depuis le Moyen-Age. 

 

Ci-dessous, un article du Journal de Paimpol, du 18 mai 1902, invite le public à découvrir ce théâtre qui obtient un grand succès partout où il se produit. En 1907, il est de nouveau à Paimpol.

Audroin. 18 mai 1902. Journal de Paimpol

Mais le cinéma commence à attirer le public et les Audroin vont s’équiper à Paris pour présenter du cinéma ambulant. Comme lorsqu'ils faisaient du théâtre, les Audroin cherchent à véhiculer des valeurs et pas seulement à distraire. Pendant la guerre 14-18, ils vont avoir l'occasion de développer le patriotisme. L'article de Ouest-Eclair du 25 juillet 1915 ne laisse aucun doute sur l'engagement des Audroin qui, de plus, "se proposent de donner des séances gratuites pour les blessés".

Cinéma Audroin 24 juillet 1915 Ouest-Eclair

 

Aristide Audroin a reçu les Palmes académiques pour sa carrière dans le théâtre et le cinéma. Léonie Audroin a reçu deux Médailles d’Or du Président Poincaré pour l’éducation qu’elle donna à ses 13 enfants. A cette occasion, le 8 janvier 1923 dans La Dépêche de Brest, on pouvait lire une évocation de la vie de la famille Audroin avec quelques lignes sur le théâtre : "Puis ce fut le petit théâtre, que les dinannais envahissaient pour voir cette délicieuse famille si bien élevée, jouer la nativité, la Passion, Saint-Antoine. Chaque année, pendant une période, le petit Jésus vivant était tout neuf". L'allusion fait référence aux nombreux enfants de Mme Audroin dont, chaque année, le dernier né figurait en enfant Jésus.

Aristide Audroin est décédé le 17 décembre 1940, ce qui a fait l'objet d'un petit article dans Ouest-Eclair.

Aristide Audroin. 17 décembre 1940 Ouest-Eclair

Cet article ne prétend pas faire le tour complet de l'histoire du Théâtre de l'Espérance de la famille Audroin et ne demande qu'à être complété en utilisant le formulaire de contact.

 

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Notes

(1) Le théâtre à Rennes, recherches d’histoire locale, notes et souvenirs. Lucien Decombe 1899.

(2) Illustration tirée d'une version très ancienne du XVe siècle : Mystère de la Passion, par Arnoul Greban, cliquer ici 

 

Sources

Article, La famille Audroin, des industriels forains en Bretagne, cliquer ici

Nombreuses recherches dans les archives de Ouest-France et du Télégramme. 

Généanet, Aristide Audroin (1847-1940), père, cliquer ici

Les Mystères dans le théâtre, article de Wikipedia, ici
 

 

L'histoire du quartier de Robien à Saint-Brieuc. Sommaire

Le quartier de Robien à Saint-Brieuc s’est vraiment peuplé il n’y a pas plus d’un siècle, mais son histoire présente de multiples intérêts ...