dimanche 28 avril 2024

Fernand CHORON (1894-1992), peintre décorateur ; Marcelle Choron, née Henry (1894-1960), institutrice

1931-1932 Jeu de l'oie des commerçants de Saint-Brieuc



M et Mme Choron étaient bien connus dans le secteur de Saint-Quay-Portrieux, Plouisy et Saint-Brieuc où ils ont vécu et ont exercé dans leurs domaines respectifs : peinture-décoration et pisciculture pour Fernand Choron et enseignement primaire pour Marcelle Choron. 

Fernand Choron.

Fernand Choron (1894-1992) est né le 15 août 1894 à Béthisy-Saint-Pierre, 60320, dans l’Oise en Picardie. Son père était brossier.
Marcelle Choron (1894-1960), née Henry, est née à Lanrodec le 11 février 1894.


Guerre 14-18
Fernand Choron est un combattant de 14-18. Son unité militaire est le 67e régiment d'infanterie (67e RI), domicile lors de la mobilisation : Béthisy-Saint-Pierre (60) ; incorporé à compter du 2 septembre 1914 au 67e régiment d'infanterie ; arrivé au corps le 24 septembre 1914 ; disparu le 24 avril 1915 à Calonne ; prisonnier de guerre à Wursburg Galgenberg où il reste trois années ; rapatrié le 27 décembre 1918 ; passé au 54e régiment d'infanterie ; mis en congé illimité le 15 aout 1919.

Vie familiale et professionnelle
Après-guerre on connaît deux domiciles pour Fernand : le 5 octobre 1921 à Guipel (Ille-et-Vilaine). Le 1er juillet 1929 à Saint Quay-Portrieux.
Fernand Choron se marie avec Marcelle Henry. Fernand Choron exerce comme peintre-décorateur à Saint-Quay-Portrieux, une activité qui marche bien. Marcelle Choron est institutrice. Le couple habite rue Paul Déroulède dans une belle villa (qui a été remplacée par une résidence de nos jours).

9 janvier 1931 Ouest-Eclair

Villa Ker-ar-Men de la famille Choron, rue Paul Déroulède à St Quay

Les Choron ont une vie sociale riche et s’impliquent dans des actions caritatives comme on l’apprend dans l’édition de Ouest-Eclair du 20 février 1933 : une petite troupe de théâtre amateur propose une matinée théâtrale au profit des indigents et on  trouve dans les cinq acteurs M et Mme Choron, M et Mme Leclerc et Paul Cabrol.

F. Choron 20 février 1931 Ouest-Eclair

Puis, au milieu des années 30, pour éviter des frais d’internat à ses deux enfants alors en âge d’aller au collège, la famille s’installe à Saint-Brieuc, 2 rue Saint-Benoit et le commerce de peinture-décoration se trouve rue Glais-Bizouin.


F. Choron 16 mars 1936 Ouest-Eclair

Le couple a eu trois enfants, Suzanne née le 15 mars1921, Henri le 31 août 1922 à Saint-Quay-Portrieux et un fils nommé André, né le 4 octobre 1934, qui était handicapé.


1922 Etat-civil Saint-Quay-Portrieux



Carrière de Marcelle Choron dans l’enseignement.

Dossier personnel Marcelle Choron. Archives départementales 22.

Le dossier personnel de Marcelle Choron, consultable aux archives départementales, permet de retracer sa carrière dans l’enseignement. Après être passée par l’École supérieure de Guingamp, puis par l’École Normale à Saint-Brieuc entre octobre 1912 et juillet 1914, elle est nommée dans son premier poste à l’école des garçons de Saint-Nicolas-du-Pélem le 26 octobre 1914 (48 élèves). L’Inspecteur note à l’issue de son rapport "Débuts qui me paraissent fort bons". 
Rapport d'inspection 1917

Puis, elle demande sa mutation Plounévez-Quintin afin de rejoindre son père âgé qui est le directeur de l’école. Elle arrive dans cette école le 14 septembre 1918. Ensuite elle sort du département en octobre 1920 pour aller à Guipel en Ille-et-Vilaine. En 1922, elle fait une demande pour revenir dans les Côtes-du-Nord afin de sa rapprocher de son mari qui est établi à Saint-Quay. Elle est nommée à Planguenoual dans la circonscription de Lamballe le 6 mars 1922. Après une visite de l’inspecteur le 15 mars 1922, le rapport dressé est élogieux : "Madame Choron, de tenue soignée, est une maitresse très vivante, intelligente, ingénieuse dans ses procédés d’enseignement, qui a le don d’intéresser et de faire travailler méthodiquement les jeunes intelligences."
En octobre 1922, elle est nommée à Trévenais en Lantic. 

Bilan de carrière provisoire en 1922

Mais un congé d’une année lui est accordé à dater du 1er janvier 1923 car elle n’arrive pas à s’occuper en même temps de ses deux tout jeunes enfants.

Mme Choron 22 décembre 1922, demande de congés.

En janvier 1924 la situation n’a pas évolué et le 1er octobre elle est nommée à Pléguien, un poste qu’elle se voit contrainte de refuser pour des raisons de transports et pour ne pas laisser ses deux petits enfants âgés de deux et trois ans, Suzanne et Henri. Un nouveau congé sans traitement est accordé jusqu’au 30 septembre 1926 mais le sera en fait de 1923 à 1935 car elle n’obtiendra jamais le poste qu’elle attendait à  Saint-Quay-Portrieux…En 1935 elle a à charge trois enfants de 15 ans, 13 ans  et  20 mois. Ce dernier ne marche pas encore, accuse un retard et demande des soins particuliers. Madame Choron demande sa réintégration dans l’enseignement sur Saint-Brieuc ou à proximité si possible. L’inspecteur invoquant les longues années sans pratique pédagogique n’accorde qu’un retour dans le corps des suppléants effectuant des remplacements de courtes durées (courrier du 17 novembre 1936). Les suppléances s’enchainent de 1936 à 1938 : à Cesson à Saint-Brieuc à l’Ecole Berthelot, à l’école Carnot…

Mme Choron 1937 école Carnot à Robien

Le premier rapport d’inspection, est rédigé après une visite à l’école de Filles de Saint-Brieuc Berthelot, le 3 février 1937. Mme Choron, en tant que suppléante, est gratifiée d’un onze sur vingt.
Le 20 septembre1937, nouveau poste, à l’école de Binic, la Ville Garel.
Entre 1936 et 1937, Mme Choron aura cumulé 190 jours de travail dans le cadre de ses suppléances.

Le 18 février 1938, l’inspecteur lui met un treize sur vingt, dans une classe unique avec 25 élèves. Il écrit : « Mme Choron poursuit sa réadaptation à la pratique de l’enseignement et les résultats qu’elle a obtenus sont loin d’être négligeables. »
En 1940, les temps sont durs, et Mme Choron se sent obligée d’en parler à son inspecteur. Alors qu’elle se trouve encore en poste à Binic, elle souhaite fortement un poste de suppléante au Légué ou à Saint-Brieuc. Et elle invoque les raisons suivantes : « Mon mari mobilisé et mes ressources  réduites à mon seul traitement ; deux enfants en classe de première au lycée et au collège ; un petit garçon de 4 ans dont vous connaissez l’état. Cette situation m’oblige à rentrer au moins le soir, ce que les moyens actuels de transport ne me permettent pas de faire… A défaut de Saint-Brieuc ou du Légué, j’accepterais Pordic d’où je pourrais rentrer à pied ou à bicyclette. »

Bilan des suppléances de Mme Choron 1936-1937


Finalement c’est en octobre 1941 que Mme Choron est nommée, à titre provisoire à l’école de filles du Légué. Le 7 janvier 1942, c’est sa dernière inspection dans une classe de 33 filles au Légué.

Enfin, Mme Choron va passer devant une commission départementale de réforme le 9 juillet 1942. On décèle des "troubles cardiaques" à Mme Choron et la commission émet un avis favorable pour sa retraite. Ainsi se termine cette carrière qui n’aura pas été un long fleuve tranquille.

L'accident
 

Une quinzaine d’années plus tard, la famille Choron est victime d’un grave accident en octobre 1957, sur la route entre Lamballe et Saint-Brieuc. Fernand est au volant de sa « Versailles », son épouse à ses côtés et leur fils André à l’arrière. Après un dépassement hasardeux, la voiture percute avec violence le camion et s’engouffre sous lui. La presse évoque dans un premier temps des fractures multiples et la nécessité de rester en observation à la clinique du docteur Cadet à Saint-Brieuc pour M et Mme Choron. Mais quelques jours plus tard, Marcelle Choron va malheureusement décéder. Elle est inhumée le 26 octobre 1957 au cimetière Saint-Michel de Saint-Brieuc.

La pisciculture du Trieux à Plouisy

Pisciculture du Trieux 5 août 1959 Ouest-France


Petit retour en arrière pour préciser qu’en plus de ses activités de peintre, Fernand Choron va acheter la Pisciculture
du Trieux dans les années 50 (ou peut-être avant ?). Elle se situe à Plésidy, sur la route qui mène de Guingamp à Corlay, à 15 kilomètres de Guingamp, en bordure du Trieux. 

Pisciculture du Trieux, Plésidy


Pisciculture du Trieux, Plésidy

En 1953, un jugement du Tribunal de simple police de Bourbriac condamne Fernand Choron à verser des dommages et intérêts à l’association de Pêche et de Pisciculture du Trieux.


En janvier 1954 la procédure suit son cours et Fernand Choron va songer à céder son affaire.
En 1959 (ou déjà un peu avant ?), la pisciculture change de mains et le propriétaire est M. Andrieux. C'est l'occasion pour le nouveau propriétaire de présenter son travail à un journaliste de Ouest-France qui publie un long article avec deux photos dans l'édition du 5 août 1959.




Fernand Choron continue de se passionner pour les poissons de rivière. En 1966, il est le vice-président de la société de pêche à la ligne du Trieux et le président du concours de pêche annuel.

Le deuxième mariage
Quelques années après le décès de son épouse, Fernand Choron contracte un deuxième mariage avec Jeanine Marie Angèle PHILIPPE  le 4 octobre 1960 à Saint-Quay-Portrieux. Jeanine est née à Plésidy (22) le 23 juillet 1942. (Acte numéro 36)
Le père de Jeanine Philippe travaillait à la pisciculture de Plésidy et c’est là que Fernand Choron avait vu pour la première fois Jeanine Philippe.
Une fois mariés, les Choron vont s’établir dans le Morbihan, à Cléguer près de Lorient, où Ferdinand va exercer le métier  de pisciculteur (et non d’ostréiculteur comme il sera indiqué dans la presse en 1980). 

Pisciculture de Fernand Choron à Clerguer. Photo de famille

Le couple va avoir deux enfants : Claude Marie André Choron, né à Quimper (29) le 7 décembre 1962 et Bernard René Paul Choron, né à Quimper (29) le 5 avril 1965.

A la fin du mois de décembre 1980, Ouest-France, dans son édition de Lorient, publie deux articles relatant un drame. Il s’agit du décès le 25 décembre 1980 de Jeanine Choron à l’âge de 38 ans, et des deux enfants du couple. Fernand Choron est alors âgé de 86 ans. Les deux enfants décédés sont Claude, âgé de 18 ans et Bernard âgé de 15 ans.
L’article ne cache pas que l’hypothèse d’un empoissonnement des deux enfants est vraisemblable, suivi du suicide de la mère, et ce le lendemain du réveillon de Noël. La mère et les deux fils portaient des traces de piqures. « Les enquêteurs ont trouvé un testament, un important courrier rédigé à l’intention de la famille, du médecin, des locataires ; des chèques étaient préparés pour régler un certain nombre d’affaires ainsi que les frais d’obsèques. Ce sont là les signes évidents d’une détermination mûrie longuement et minutieuse… On savait que madame Choron  était dépressive, sans en connaître les raisons…». (Ouest-France 27 et 29 décembre 1980).
Après cette tragédie, Fernand Choron reste malgré tout à Lorient et c’est là qu’il décède le 12 juillet 1992, à l'âge de 97 ans.

Sources
Archives départementales de l’Oise, 1894, CHORON Fernand,  registres matricules Compiègne N°905.
Archives départementales 22, dossier personnel Marcelle Choron 1T1449
Archives départementales 22, état civil Saint-Quay-Portrieux, 1922, naissance Henri Choron
Ouest-Eclair 9 janvier 1931, annonce ; 20 février 1933, théâtre ; 5 mars 1936, 16 mars 1936 annonces rue Glais-Bizouin.
Jeu de l’oie des commerçants de Saint-Brieuc, 1931, archives municipales.
Ouest-France, 21 mars 1953, jugement pisciculture ; 21 octobre 1957, accident ; 26 octobre 1957, avis d’obsèques Marcelle Choron ; 7 février 1966, 27 et 29 décembre 1980 édition de Lorient, décès de la mère et des deux enfants ; 13 février 2006, avis d’obsèques Henri Choron.
Photos des piscicultures et photos familiales fournies en avril et mai 2024 par Anne-Marie Hot, nièce de Fernand Choron et filleule d’Henri Choron.



mercredi 24 avril 2024

Les jardins ouvriers dans le quartier de Robien à Saint-Brieuc

 


Cette photo aérienne montre la subsistance de jardins ouvriers dans le quartier de Robien en 1978, dans un environnement très urbain, entre le boulevard Carnot et la rue François Ménez.

 

Le début des jardins ouvriers 

Le 21 janvier 1941, le Préfet des Côtes-du-Nord envoie un courrier à la mairie de Saint-Brieuc au sujet des jardins ouvriers. Il s'agit d'un résumé de la loi du 25 novembre 1940 relative au développement de ces jardins ouvriers et de l'octroi de subventions de la part de l’État.

Courrier 1941

"L'objet de cette loi étant de faciliter le ravitaillement des familles ouvrières en légumes en encourageant la création de nouveaux jardins ouvriers, pouvant seuls donner lieu à l'octroi de la subvention de 150 francs prévue".

Les jardins ouvriers concernés sont ceux qui sont "affectés à la culture intensive des légumes d’au moins 200 mètres carrés, qui auront été mis en exploitation dans une ville de plus de 2000 habitants".

Autre restriction, les  subventions seront accordées uniquement à des exploitants de jardins ouvriers tenant leur jardin d’une fédération ou d’une association reconnue et agréée par le Ministère de l’Agriculture.

Peu de temps après, cette circulaire est relayée par un article de Ouest-Eclair le 24 février 1941. On y retrouve les consignes du gouvernement de Vichy dans ce domaine, avec en titre : « Le ministre de l’agriculture a l’intention de faire procéder à une large distribution de jardins potagers. »

 

24 février 1941 Ouest-Eclair

Si le terme de "jardin ouvrier" est inventé en 1896 par l'abbé Lemire, c'est la crise de 1929 qui  donne un nouveau souffle à ce mouvement et, dans cette filiation, la période de l'Occupation entraîne un regain d'activités dans cette branche. On va voir se multiplier et s’organiser les jardins ouvriers un peu partout en France.

De nombreux habitants du quartier de Robien profitent déjà de cette occupation depuis que le quartier se développe dans les années 20 et 30. Ils n'ont pas attendu le gouvernement de Vichy pour cela... La société d'Horticulture s'est, de son côté, constituée en 1937.

Dans le secteur au sud des Forges-et-Laminoirs (rue de l’Ondine, en particulier), les jardins ouvriers font le bonheur des travailleurs des usines du quartier qui peuvent ainsi fournir leur famille en légumes. Les employés des chemins de fer et de l'usine Sambre-et-Meuse font de même.

 

Un concours dans les années 1940

Dès 1940, un concours est organisé pour classer les meilleurs jardins ouvriers de la ville de Saint-Brieuc.

Le journal Ouest-Eclair titre : Le magnifique essor des jardins ouvriers.

Dans un discours truffé de références à l’idéologie du Maréchal Pétain, de sa France laborieuse attachée au terroir, le journaliste de Ouest-Eclair parvient à son but : « claironner à toute notre région bretonne le magnifique effort des ouvriers briochins » !

« Nous avons, à diverses reprises, signalé l’émulation qui existe entre les jardiniers amateurs qui, profitant des dispositions de la loi du 5 décembre 1940, ont créé de toutes pièces des jardins là où le passant ne voyait que des terres encombrées d’immondices, et des terrains incultes où, selon l’expression consacrée « la main de l’homme n’avait jamais mis le pied ».

Ces travaux ont porté les fruits et les membres du jury du concours des jardins ouvriers ont marché de surprise en surprise… 

On pouvait craindre que les jardiniers novices ne soient vite découragés par un travail particulièrement ingrat. La ténacité bretonne a eu raison des difficultés sans nombre et c’est chose infiniment réconfortante pour les promoteurs de ce mouvement pour ceux qui aussi ont foi dans les destinées de notre race de voir, tout autour de notre ville, cette éclosion de jardins nouveaux.
Pour tous les jeunes qui seraient tentés de se laisser glisser sur la pente savonneuse de la vie facile, une telle œuvre constitue un exemple magnifique.

De grand cœur nous félicitons les ouvriers de la première heure, ceux qui jetèrent les bases de cette société en plein essor et nous saluons aussi, non sans respect, ceux qui, après les durs labeurs quotidiens, ont fait revivre un peu de terre de France ajoutant une pierre à l’édifice immense qui sera la patrie de demain ».

Les membres du jury se regroupent pour aller visiter différents lotissements de 9h à 19h et établir le palmarès des jardins. Cette délégation est notamment composée de M. Kérel, directeur de l’Office agricole départemental, M. Perrin, secrétaire général de la Société d’Horticulture ; Etiemble et de Hautefeuille, délégués de la section ouvrière ; Jean Nicolas, président de la Société d’Horticulture.

Le quartier de Robien est  très bien fourni en jardins puisque qu’on en dénombre 79. Il faut y ajouter les jardins des ouvriers de Sambre-et-Meuse, comptabilisés à part. Le journaliste note : « L’ensemble des 79 terrains de Robien fut particulièrement remarqué et M. Kérel constata avec une joie non dissimulée, qu’on chercherait vainement dans ce vaste espace l’ombre d’une mauvaise herbe ou la trace d’un doryphore. »

 

Les jardins visités dans les différents quartiers

Dans les années 40, les habitants de Robien bénéficient de la proximité du magasin de Louis Cornillet, un homme originaire de Langueux qui connait bien la terre et qui a été décoré de l'ordre du Mérite agricole. Il est installé 31 rue Condorcet.

Louis Cornillet. 1942 Facture 3L144 Archives municipales



Les débuts de la Société d’Horticulture 

On l'a lu précédemment, c'est Jean Nicolas, instituteur, qui fonde la Société d’Horticulture des Côtes-d’Armor. 

 

Jean Nicolas Ouest-France 1959

Jean Nicolas sait, dès le début, s’entourer de dévoués propagandistes : MM Rateau, Tocqué, Daumont, Commandant Martin, Dujardin. Il y a peu de femmes aux responsabilités, à part Mme Le Goff, directrice de l'Ecole ménagère et secrétaire de la société avant 1957 et remplacée alors par M. Guillermot.

Jean Nicolas reste président jusqu’en 1953 puis à la fin des années 50, le professeur Guyomard (en 1957) et M. Cyprien Rault (en 59), professeur d'agriculture à l’École Normale, prennent le relai au niveau de la présidence de l’association. Les services municipaux de Saint-Brieuc sont étroitement associés au travail de l’association.

Ci-dessous, le bureau de l'association  en janvier 1957: M. Daumont, trésorier ; M. Guyomard, président ; M. Victor Rault, maire de Saint-Brieuc ; M. Martin, membre du Conseil d'administration et M. Le Naour, vice-président.

14 janvier 1957 Ouest-France

11 février 1957 Ouest-France

Comme le dit à sa manière M. Guillermo, instituteur en retraite et secrétaire de l’association : « La Société d’Horticulture des Côtes-d’Armor et des Jardins ouvriers groupe toutes les personnes désireuses de développer le jardinage, pour un rendement en fleurs, ce qui fait honneur à la Ville, et en potager, pour servir le budget familial. » (22 janvier 1959 Ouest-France)

M. Guillermo en 1959

En 1957, la Société d’Horticulture des Côtes-d’Armor et des Jardins ouvriers fête son vingtième anniversaire le 14 avril avec un conférencier venant de Rennes, une tombola, une projection cinématographique et un banquet. 

En octobre 57 se tient la grand exposition d'automne dans la salle de Robien avec quatre sections : fleurs et plantes, fruits, légumes et agriculture. Trente participants sont répartis en trois catégories : amateurs, professionnels et commerçants. 

Cette exposition remporte "un magnifique succès", comme le titre Ouest-France, avec plus de 2 500 visiteurs.

Allocution de M. Guyomard.Exposition à Robien. 21 octobre 1957 Ouest-France


L'intérieur de l'exposition à Robien. 21 octobre 1957 Ouest-France

L'exposition de 1960. 18 octobre 1960 Ouest-France

En 1957, la société possédait 231 jardins mais en octobre 1959, la Société d’Horticulture et l’association des Jardins Ouvriers s’inquiètent de la réduction constante du nombre de terrains mis à la disposition de la Ville pour leurs activités. A Brézillet, une soixantaine de terrains ont été repris, au Plateau central (Balzac) également et l’architecte urbaniste n’a pas réservé d’emplacements pour les jardins ouvriers dans le plan de la Ville pour les projets à venir.

Il ne reste plus qu’une cinquantaine de terrains possibles à répartir entre les adhérents.

 

Ci-dessous, la photo montre M. Lorinquer, le doyen des jardiniers ouvriers, entouré de M. Rault, président de la société ; de M. Georges Tessier, adjoint au maire ; M. Martin, vice-président ; M. Guillermo, secrétaire et M. Laforge. 

12 octobre 1959 Ouest-France

Le bureau, présidé par M. Rault, au milieu,12 octobre 1959

16 janvier 1961 Ouest-France

  

Les jardins ouvriers à Robien

On trouve divers témoignages sur l'importance des jardins ouvriers de Robien.

Par exemple, Julia Lavanant, habitante de la cité des cheminots depuis 1936 raconte que la vie sur le boulevard Paul-Doumer a toujours été la campagne à la ville : « Lorsque nous avons débarqué dans la cité, tous les cheminots possédaient leur petite parcelle de jardins ouvriers. Elles se suivaient le long du ruisseau et ont été remplacées au milieu des années soixante-dix par le camping. » (Ouest-France 16 avril 1998)

En février 1955, on peut d'ailleurs noter que tous ces jardins furent inondés sous l'effet de la fonte des neiges et de pluies très violentes.

 

Inondation des jardins dans le bas du boulevard Paul Doumer. 25 février 1955.

 

Le Tertre Marie-Dondaine, entre la rue Luzel et la rue du Pré-Chesnay était constitué de baraques en bois et toutes possédaient un jardin (ci-dessous, cultures de pommes de terre jusqu'au ras de la cabane).

La famille Corack sur le Tertre Marie-Dondaine

Années 50. Vue aérienne du tertre avec ses baraques et ses jardins ouvriers.


Autre secteur important, la rue Cuverville qui surplombe la ligne de chemin de fer. Au début du XXème  siècle, de belles demeures vont être construites sur le côté gauche, côté impair, en descendant la rue. Ces maisons bordent la rue mais disposent en général de jardins de bonne taille sur l’arrière. Plusieurs maraichers y cultivent toutes sortes de légumes.

Notons que le concours des Jardins ouvriers récompense chaque année les meilleurs jardiniers. Dans le secteur de Robien, M. Lorinquer est quasiment hors compétition puisqu'il remporte le prix tous les ans.

Le 7 mars 1957 dans Ouest-France, Jules Lorinquer est interrogé avec trois autres de ses collègues jardiniers, Joseph Le Tinnier, habitant rue Colbert ; Francis Guérin, paveur à la Ville, demeurant rue Théodule Ribot et Armand Robin, 27 ans demeurant boulevard Pasteur, un jeune originaire de Laniscat qui n'a pas hésité à défricher une parcelle de terrain qu'on lui avait confiée.  



 
Jules Lorinquer, Joseph Le Tinnier, Francis Guérin et Armand Robin


Jules Lorinquer en 1957

Jules Lorinquer est âgé de 83 lorsqu'il est interrogé par Ouest-France en 1957. C'est un ancien cheminot demeurant boulevard Paul Doumer, un excellent jardinier qui remporte le prix tous les ans. Ses amis viennent régulièrement le consulter pour toutes les questions qui concernent le jardin :

"Ce n'est pas une fatigue pour moi, dit-il, c'est un agréable passe-temps. Voyez mon jardin à Brézillet. Il était inondé les semaines dernières mais il n'y a pas de mal. L'ail n'a pas souffert. D'ailleurs celui qui sème ici fin février rattrape le temps perdu.

Le retraité poursuit : Voilà la satisfaction du bon jardinier : voir tout pousser d'un jour à l'autre. A Saint-Brieuc, on peut toujours s'en tirer quand de fortes gelées ne viennent pas tout gâcher".

Jules Lorinquer, né en 1873, vivra jusqu'à 88 ans dans sa maison du boulevard Paul Doumer et il sera enterré à Maël-Carhaix en septembre 1961. En juillet 1961, on lui avait encore décerné le deuxième prix du concours des jardins ouvriers pour le secteur de Robien !

26 juillet 1961, Lorinquer en bas à gauche.

Dans une période plus récente, François et Marie Tardivel, habitant le Chemin des Eaux minérales depuis 1958, ont été régulièrement distingués par le jury des maisons fleuries mais ils entretenaient aussi un remarquable jardin potager, sur un terrain en pente.

Marie et François Tardivel. Chemin des Eaux minérales. 4 juin 1999 Ouest-France
 

 

Les jardins de Robien dans la littérature

L'écrivain Christian Prigent a souvent mis en scène les jardins ouvriers de Robien, son ouvrage Chino au Jardin en est le plus bel exemple.




Dans Chino au Jardin, Christian Prigent évoque le jardin familial de la rue de l’Ondine :

« J’ai vu mon père le dos tourné vers le poulailler faire ses dévotions en douce au dieu caché mais non perdu de son enfance. J’ai vu le jardin arborer pour moi ses réussites en fruits et légumes parfaits. J’ai vu mon père de face le béret de travers au bout du sillon souffler une minute […] Le jardin ne me revient que s’il émane de la sueur sensible de mon père ».

Dans un autre passage, c’est la fin des jardins ouvriers dont il est question : 

« Salut ici aux jardins massacrés !  […] Tous furent arrachés aux draps de talus, haies, barrières et palissades où ils paressaient. Tous furent dévêtus de leurs chemises de noisetiers, de framboisiers, de pois de senteurs, de fanes de carottes et d’herbes folles. Alors surgit la horde des bulldozers et des pelleteuses. Tout fut éventré, excavé, retourné, écrabouillé, plat. Tout fut loti. »

 

Chino au Jardin. Lectures, juillet 2022


La société des jardins ouvriers dans les années 60

En 1960, comme chaque année, La Société d’Horticulture des Côtes-d’Armor et des Jardins ouvriers tient son assemblée générale sous la présidence de Cyprien Rault, son président.

11 janvier 1960 Ouest-France


Le concours constitue un moment fort de la vie de l'association et les jardiniers se prêtent volontiers à montrer le fruit de leurs efforts.

26 juin 1960 Ouest-France

 

Dans les années 60, la Société d’Horticulture des Côtes-d’Armor et des Jardins ouvriers continue de proposer de l'aide pour les jardiniers de manière pratique mais aussi par le biais de conférences (ci-dessous, la culture des asperges par M. Rault). 

8 novembre 1960 Ouest-France



Le saviez-vous ?

Le quartier de Robien porte la trace de ces jardins ouvriers avec en 2010 la construction de la résidence Les jardins de l'Ondine au 2 rue Sergent Béziers de la Fosse.

 

Le saviez-vous ?

De nos jours les pratiques se renouvellent dans le jardinage à Robien avec en particulier le jardin partagé place Octave Brilleaud. Notons aussi la présence de l'association Vert le Jardin.

Le jardin partagé de Robien. Photo RF

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Si vous avez des éléments pour compléter cet article  (photos, témoignages...) merci d'utiliser le formulaire de contact en haut à droite.

 

Sources

Archives de Ouest-Eclair et de Ouest-France

Archives municipales, 345 W, dossier 53, circulaire préfectorale 1941 et autres dossiers sur les différents jardins ouvriers de la ville de Saint-Brieuc (Ville Guyomard, Ville Oger, Croix Saint-Lambert…

Entretiens avec Christian Prigent

Chino au Jardin, Christian Prigent, éditions P.O.L 2021

Historique des jardins ouvriers, cliquer ici

Les jardins familiaux de St Brieuc, contact :  jarfambriochins@gmail.com

 


Le nouveau conseil d’administration des Jardins Familiaux réuni le jeudi 14 avril 2022. Le président Yves Flageul (2e à gauche) est entouré (de gauche à droite) par Ghislaine Morin, trésorière adjointe ; Henri Philippe, secrétaire ; Armand Allouard, assesseur ; Jacky Rio, trésorier ; Jacques Bestory, assesseur ; Jean Glairan, vice-président. Photo Ouest-France 2022

 

L'histoire du quartier de Robien à Saint-Brieuc. Sommaire

Le quartier de Robien à Saint-Brieuc s’est vraiment peuplé il n’y a pas plus d’un siècle, mais son histoire présente de multiples intérêts...