mercredi 3 mai 2023

Traverser la voie ferrée dans le quartier Robien : le Pont des sourds, le pont de la rue de Quintin, la passerelle Harel de la Noë.



Le pont de la rue de Quintin ou Pont Pierre Sémard. 1863 et 1926


Le pont de la rue de Quintin à St Brieuc Carte postale ancienne. Collection Hamonic

 

Le pont de la rue de Quintin est construit pour l’ouverture de la ligne en 1863. Il est en maçonnerie et granit, possédant toutes les qualités de solidité. Mais on le démolit  en 1925 pour élargir la sortie des voies ferrées après la gare. On le remplace par un pont plus long, en béton armé, de type "bow-string" (pont à corde d'arc). Il est tout à fait semblable à celui que l’on peut encore voir à Guingamp, construit en 1924-1925.

Le Pont de la rue de Quintin est ouvert à la circulation le 26 août 1925.

 

 

Pont au-dessus de la voie ferrée à Guingamp. Image Google

Ce nouveau pont traversant le quartier de Robien a permis que l’on fasse passer plus de voies de chemin de fer.

Avec le développement de la circulation automobile dans les années 70, la rue Pierre Sémard qui prolonge ce pont a posé quelques problèmes. Cette rue trop étroite a été élargie dans les années 80, après l’acquisition nécessaire de plusieurs immeubles par la municipalité pour procéder à un alignement des maisons.


Pont de la rue de Quintin à St Brieuc. Photo RF 2020

Portrait. Pierre Sémard

 

Le Pont après rénovation en 2021-2022. Photo RF

 

 

 

Le Pont Clémenceau, appelé ensuite Pont des Sourds-Muets. 1863

 

Pour accéder à la notice complète de cette formidable photo du Musée de Bretagne, cliquer ici

 

 

Le Pont Clémenceau (des Sourds-Muets) a lui aussi été conçu dès 1863 mais c’est un pont de chemin de fer sur lequel passent les trains, les véhicules passent en dessous.

 

Pont des Sourds-muets (ex Pont Clémenceau) à St Brieuc. Carte postale ancienne.




Sur la gauche, le Pont des Sourds-muets à St Brieuc. Carte postale ancienne.

 

Avant 1900 et un peu après, le pont permettait surtout que des charrettes, venant des fermes aux alentours, puissent circuler vers le centre-ville et y vendre leurs produits. C'est ce qui explique la présence de la maison d'octroi, juste après le pont, où les taxes devaient être réglées.

 

Le pont des Sourds-muets à St Brieuc. Carte postale ancienne.

 

Les piétons l’empruntaient beaucoup avant la construction de la passerelle en 1909. Ce passage sous la voie ferrée était aussi fort utile pour rejoindre dans cette partie du quartier l’Institut des Sourds-Muets ou la briqueterie Le Dû.

 

En 1953, des travaux de consolidation sont engagés sous le pont des Sourds-muets (photo ci-dessous) 

18 novembre 1953 O.F

 

 

 

La passerelle piétonne Harel de la Noë entre la gare de Saint-Brieuc et le quartier Robien. 1909

 

La passerelle de Robien à St Brieuc. Carte postale ancienne.

 

Dans quel contexte cette passerelle est-elle devenue indispensable?

Reportons-nous à la presse de l'époque, en 1908, avec cet extrait d'un article du journal Le Réveil :

"L’extension de la ville de St Brieuc se fait actuellement du côté de Robien. C’est là que les efforts se portent. Il faut pouvoir encourager ce développement et faciliter cette extension. La création de la passerelle si attendue mettra en communication constante la ville et ce quartier si important ; mais ce n’est pas tout.
Il existe un bureau auxiliaire des postes boulevard Carnot, bureau ne pouvant effectuer que la moitié à peine des opérations postales. Il n’est pas complet… Il n’émet pas de mandats pour les étrangers… Ce qui est plus grave, il n’a ni le télégraphe ni téléphone…On me dira « Il y a le télégraphe à la gare »…
 
On se préoccupe de ce quartier dans certains milieux. On y construit une église. Une église ne sert que des intérêts particuliers. Tout le monde n’en a pas besoin et tout le monde aujourd’hui a besoin de la poste et surtout de profiter des progrès modernes… Il faut que le public qui paie, reçoive satisfaction…
C’est le quartier extensible par excellence… Ce n’est pas une raison pour l’oublier, bien au contraire. Il faut savoir favoriser son éclosion et donner à ce quartier ce dont il a besoin".


Rappel de quelques dates pour bien situer les questions abordées dans cet article :

1902 : construction de l'école Guébriant
1905 : ouverture d'un bureau de Poste
1908 : décision du Conseil municipal de construire une passerelle
1909 : construction de l'église Sainte-Anne de Robien
 
 
 
Passerelle Robien. Plan 1930. 5 Fi 088 Archives municipales;

 

Cette passerelle piétonne est l’œuvre de l'ingénieur Louis Harel-de-la-Noë (1852-1931). 

Elle avait un but utilitaire en permettant de relier Robien à la ville dans le prolongement d'un axe majeur, la rue Jules Ferry. 

Commencement des travaux. 24 août 1908 La Dépêche de Brest

 

Avec un peu de chance, les habitants de Robien auraient pu avoir la chance d'utiliser cette passerelle au tout début de l'année 1909 mais c'était sans compter avec les petits problèmes de livraison ; déjà !


31 décembre 1908. Ouest-Eclair


Les lecteurs de Ouest-Eclair du 27 février 1909 reprennent espoir en apprenant que la pose de la passerelle est enfin commencée.

En 1921, on se pose la question d'installer un éclairage sur la passerelle mais l'administration des Chemins de fer oppose qu'une source lumineuse pourrait aller jusqu'à causer des accidents sur les voies, ce que personne ne souhaite !
 

Passerelle Robien. 26 avril 1921 La Dépêche de Brest

 

Un ouvrage d'art

La vue sur la voie de chemin de fer est assez spectaculaire comme on le voit ci-dessous. Mais cette passerelle était aussi un ouvrage d'art industriel au même titre que les passerelles de Gustave Eiffel. Cette construction démontre le savoir-faire des ingénieurs, des entreprises et des ouvriers de la métallurgie de l'époque.


La gare vue de la passerelle de Robien à St Brieuc. Carte postale ancienne. 
 
 
La gare vue de la passerelle de Robien à St Brieuc. Carte postale ancienne. Archives 22. 16 Fi 4878


La passerelle de Robien à St Brieuc. Carte postale ancienne.

 

 

Cette passerelle en aura vu en 100 ans ! 

 

Les régiments d'Infanterie du 71e et 271e partant pour le Front en 14-18.

 

Archives départementales 159 J 53 Fonds Salonne

 

Une course poursuite à la fin de la Guerre 14-18 !

 

11 octobre 1919. Ouest-Eclair

 

Des foules qui descendent du train (Carte postale de 1919)



 

Des trains à vapeur en gare de Saint-Brieuc, vus de la passerelle, dans le film de Raphaël Binet en 1932. A voir sur le site de la cinémathèque de Bretagne, en cliquant ici

Image du film de Raphaël Binet en 1932

 

Les régiments allemands prenant le train pendant l'Occupation dans les années 40...





Souvenirs d'enfance

 

A l’époque du cidre, des wagons de pommes étaient rassemblés sous la passerelle : « De beaux tas odorants, jaunes, rouges et verts. Pour certains gamins c’était tentant, "une sorte de marché distributeur".

Du haut de la passerelle, les galopins lançaient une longue ficelle que terminait un couteau pointu. Es plus adroits pêchaient ainsi la petite provision de fruits mûrs à point qu’ils consommaient sur place ou qui devait leur faire tout le jour ».


Extrait de  Maurice Le Lannou. Saint-Brieuc. Édition du Champ Vallon 1986



 

La passerelle dans les années 2010

 

Les voitures viennent stationner sous la passerelle. André Bougeard 10 janvier 2012



Photo André Bougeard 24 juillet 2011


Photo André Bougeard 24 juillet 2011

Des escaliers permettaient d'accéder aux quais. Photo André Bougeard

 

La fin de la passerelle

Cette passerelle a rendu service pendant plus de 100 ans mais elle a été démolie début 2016 dans le cadre d'un vaste aménagement des parties Nord et Sud de la gare de St Brieuc.

Photo publiée dans "Tu sais que tu viens de St-Brieuc". Années 60

La passerelle 8 mars 2018.


Dès 2013, le projet de démolition suscite des interrogations puis une forte opposition et les signataires d'une pétition pour la conservation de cet édifice sont actifs. Ces défenseurs du patrimoine pointent du doigt la contradiction qu'il y avait de valoriser les ouvrages d'art d'Harel-de-la-Noë et dans le même temps de détruire cette passerelle, un ouvrage emblématique de cet ingénieur.

Dans un premier article de Ouest-France paru le 20 novembre 2014, Yannick Giciquel, habitant de la rue Jules Ferry, lance un appel à ceux qui voudraient démolir cette passerelle.

Yannick Gicquel 20 novembre 2014 Ouest-France


Lançant une pétition avec trois autres personnes du quartier dans ce qui est appelé le Cric (Collectif Robiannais d'Initiatives Citoyennes), le collectif mené par Yannick Gicquel recueille plus de 1000 signatures. 

En parallèle, le comité de quartier de Robien, qui a accepté la démolition de la passerelle, est consulté depuis le début de ce chantier mais les informations ne lèvent pas toutes les zones d'ombres. Ainsi, le 24 novembre 2014 dans Ouest-France, Michel Sauvée, président du Comité de quartier, se pose de nombreuses questions : "On ne sait pas combien de temps va durer le chantier. On aimerait avoir une passerelle provisoire. On réclame aussi des précisions sur l'aménagement du parvis et du parking. Sera-t-il vraiment souterrain et sur deux niveaux ? Comment seront positionnées les barres d'immeubles?

 

Le 18 avril 2016, jour du commencement de la déconstruction de la passerelle, Ouest-France fait le point avec Yannick Gicquel sur cette action. Le défenseur du patrimoine "estime qu'on malmène l'héritage et qu'on détruit la plupart du temps par ignorance". Pour lui, "on a laissé s'abimer cette passerelle puis on a dit que les réparations seraient trop couteuses et que l'urgence c'est la démolition."

Yannick Gicquel montrent les pétitions 18 avril 2016 Ouest-France

 

La passerelle de la gare. Photo octobre 2014. Site du Comité d'Animation de Robien

La passerelle, de la gare vers Robien. Photo octobre 2014. Site du Comité d'Animation de Robien
 
  
 
Destruction des piliers de la passerelle.

 
 
Le dernier morceau de la passerelle est enlevé par une grue. 28 avril 2016 Ouest-France

 
Un pilier de la passerelle installé sur l'esplanade côté sud ?


Plan d'origine du pilier
Ce projet d'installer un ancien pilier de la passerelle Harel de la Noë n'est pas sorti d'un chapeau de magicien. L'idée figurait sur le plan d'aménagement du côté sud de la gare. C'est une promesse des élus de Saint-Brieuc Agglomération suite aux conseils du commissaire-enquêteur proposant des mesures de compensations avec l'association Harel-de-la-Noë.
Le pilier a été parfaitement découpé avec une scie circulaire de chantier et a été entreposé sur un terrain de la S.N.C.F.
Nouvellement installé dans ses fonctions d'adjoint au Patrimoine en 2020, Ludovic Le Moignic a relancé cette idée. Un beau projet en perspective, souhaité par le comité de quartier et tous les défenseurs du patrimoine de Saint-Brieuc. 
Affaire à suivre... 
 

 

Phase 1. Le pilier soutenant la passerelle

Phase 2. Le pilier découpé à la scie circulaire de chantier



Phase 3. Le pilier découpé conservé sur un terrain SNCF


 
Phase 4. Les responsables de l'association Harel de la Noë. Mars 2021

 
 

 
 
Ludovic Le Moignic à droite. 2021

 
 
Bientôt ?

 
 
 
 
Pierre Goréguès, Alain Redot de l’association Harel de la Noë, Richard Fortat et Ludovic Le Moignic, élu en charge du patrimoine devant l’emplacement où le pilier pourrait être installé. Photo Ouest-France 2021

 
Ouest-France a rendu compte de cette initiative dans son édition du 21 mars 2021
 
Les défenseurs du patrimoine réactivent leur souhait de valoriser le pilier de l’ancienne passerelle de la gare de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor). Le lieu d’implantation, boulevard Carnot, a déjà été repéré. Ce souvenir architectural permettrait aussi de rendre hommage au constructeur Harel-de-la-Noë.
 

Réactiver une promesse presque 10 ans plus tard

"Le principe de le conserver avait été acté par les élus lors du projet de déconstruction de l'ancienne passerelle, rappelle Pierre Goréguès.  La promesse date de 2012. Presque dix ans plus tard, l’idée de mettre en valeur ce souvenir architectural est réactivée par les défenseurs du patrimoine.

« L’endroit où ériger ce pilier est tout trouvé, dans ce petit parterre sur l’esplanade du boulevard Carnot », affirme Ludovic Le Moignic, conseiller municipal en charge du patrimoine. L’élu imagine une signalétique adaptée qui raconterait l’histoire de la passerelle construite en 1909 et l’histoire du quartier de Robien.

Créer un passé commun

L’un des historiens locaux, Richard Fortat, estime que « la valorisation du petit patrimoine permet de nous ancrer dans une histoire. Créer un passé commun incite à mieux s’insérer dans l’environnement où on habite, même si on est de passage. »

Passionné par le patrimoine local, Ludovic Le Moignic devrait mobiliser les énergies et les soutiens pour que ce pilier, « trace de ce qui a existé » retrouve une posture digne d’être remarqué.

 
 

Rappel des 3 endroits de passage 

dans le quartier de Robien.

 

Plan 1897. Archives municipales.

 
 
Au premier plan la passerelle piétonne et au deuxième le pont. 1964 Archives Musée de Bretagne.

 
 
 
Autres articles à consulter sur ce blog, en lien avec cette page
 
Les maisons d'octroi, ici
 
L'Institut des Sourds-Muets, rue abbé Garnier, ici 
 
Au sud de Robien, traverser le ruisseau du Gouédic ici
 
 

 

Autres articles à consulter sur Les cheminots, la gare, la S.N.C.F

 
La Société Française et Entrepôts Frigorifiques (S.T.E.F), cliquer ici

Les cheminots de la paroisse de Robien et le syndicalisme catholique, cliquer ici

Les Résistants cheminots du quartier de Robien en 39-45, cliquer ici

La Cité des Cheminots", boulevard Paul Doumer, cliquer ici

Le lotissements des cheminots, rue Cuverville, cliquer ici


 
 
Retour au sommaire, ici
 
 
 
 
Sources

A propos de la passerelle piétonne. Journal Le Réveil 1908. 

Fiche Wikipédia sur Harel de la Noë, cliquer ici

Biographie d'Harel de la Noë, cliquer ici 

Le chemin de fer de Bretagne Nord. Jean-Pierre Nenning. JPN Éditions 2010

Site du Comité d'animation de Robien, octobre 2014, cliquer ici 

Vous pouvez ensuite aller dans la rubrique Les lieux-phares puis Gare-sud et vous découvrirez d'autres photos de l'évolution de ce secteur de Robien, en particulier à l'automne 2014 où de nombreux travaux en ont totalement changé la physionomie.



Le Moulin du Chaix, dans le chemin des Eaux minérales à Saint-Brieuc.

 


Vue actuelle de l'ancien Moulin du Chaix. St Brieuc. Photo RF

 

 

Les lieux d'origine ont bien changé, un bief coulait à l'arrière du Moulin et une roue à eau se trouvait sur le pignon.


Le bief au dessus du Moulin du Chaix. Carte postale

 

La roue du moulin. 1862. Plan du Moulin du Chaix. Dossier 5 M 49 Archives départementales

 

  

Aux origines du Moulin du Chaix

 

L'histoire pourrait commencer le 22 août 1842, ce jour là, l’ingénieur des Ponts et Chaussée arrive devant le Moulin au Chaix pour y rencontrer le meunier François Le Mée.
 

Dans un premier temps, l’ingénieur souhaite voir l’ordonnance royale en vertu de laquelle devait être établie son usine. M. Le Mée répond « qu’il n’existait aucun titre semblable, bien que l’usine fut établie depuis un grand nombre d’années. ».

Les services hydrauliques de la Ville sont bien d’accord sur le fait que le Moulin du Chaix est antérieur à 1789. Mais encore ?

Un document de l’Évêché, de 1710, mentionne que plusieurs moulins de Saint-Brieuc, dont « le moulin au Chaix dépendant de l’Évêché, n’ont pas été rétablis depuis qu’ils furent démolis pendant les guerres civiles et la Ligue ».

 

Fonds de l’Évêché 1710. Archives départementales

 

Ces indications sur les guerres de la Ligue en Bretagne nous font donc remonter entre 1588 et 1598. Mais ces dates ne valent que pour la destruction du moulin et non pour sa construction…

Le premier acte concernant le moulin, écrit devant un notaire nommé Quintin, remonte au 3 mars 1737. On y apprend que le fermage de la ferme du Moulin au Chaix a été passé par veuve Ruffelet à Vincent Perrier, le 21 février 1737. La somme se monte à 490 livres.

 

Pour accéder à un document indiquant tous les fermages de 1737 à 1796, cliquer ici

 

 

 

Les modifications du Moulin du Chaix et autour du moulin

Un plan de 1814 fait mention d'un moulin appelé ici "Moulin au Chaix", on trouve aussi  plus rarement "Moulin au Chée"..
Nous retiendrons le nom de "Moulin du Chaix".

Mention du Moulin au Chaix. Plan 1814

 

Les dossiers conservés aux archives municipales et départementales nous font découvrir les modifications apportées au moulin et dans l’environnement proche, les problèmes posés au meunier.

Le 22 août 1842, le premier sujet est celui de la modification de la roue motrice du Moulin aux Chaix.

M. Le Mée, meunier, demande de « changer le système de la roue motrice de l’usine à blé dit le Moulin aux Chaix, commune de Saint-Brieuc ».

 

La roue de moulin, ci-dessous, n'est pas celle du Moulin du Chaix dont nous ne possédons malheureusement pas de photo mais elle nous donne une idée de ce qui se faisait en Bretagne au XIXe siècle et début XXe. 

Moulin sur le Couesnon. Photo Musée de Bretagne.

 

L’ingénieur des Ponts et Chaussée, qui n’a donc pas obtenu de titres de propriété, rapporte la discussion qui a suivi avec le meunier : « Il nous a fait connaître que l’eau du ruisseau du Gouédic était amenée à son usine au moyen d’une dérivation alimentée par un étang situé à environ deux cents mètres en amont de cette usine, qu’elle y mettait en mouvement une roue à augets  d’environ quatre mètres de diamètre ». Le meunier souhaite la remplacer par une roue de six mètres de diamètre et l’autorisation sera accordée…

 

Signature du meunier François Le Mée

 


Les différentes vues du plan de 1847, nous donnent une idée de toutes les modifications apportées au cours du Gouédic dans cette portion : des dérivations et un étang en particulier.




Mention du Moulin du Chaix. Plan1847
 
Agrandissement de la portion avec le Moulin. Plan 1847



Dans le chemin des Eaux minérales, en amont du Moulin, on trouvait un étang appelé "Étang de l’Évêque" (en 644 sur le plan).

 

Agrandissement de la portion avec l'étang de l'Evêque. Plan 1847

 

Le 1er Octobre 1863, le Préfet envoie un courrier à l’ingénieur en chef de la Compagnie des Chemins de fer de l’Ouest car une réclamation est formée par plusieurs propriétaires d’usines (moulins situés en aval) contre la prise d’eau établie sur le ruisseau de Gouédic par la Compagnie des Chemins de fer de l’Ouest pour l’alimentation des locomotives sur la station de St Brieuc.

 

Projet de pompage 1864. Archives départementales. Dossier 84 S 11

 

Projet de pompage 1864. Archives départementales. Dossier 84 S 11

 


Projet de pompage 1864. Archives départementales. Dossier 84 S 11

 

L’argumentaire est développé par l’ingénieur des Ponts et Chaussées. 

Premier problème, cette prise d’eau n’a pas été réalisée après une demande aux autorités. La demande ne sera faite que l’année suivante. 

Deuxième problème, en été le débit est faible et les usiniers risqueraient d’être privés d’une quantité d’eau suffisante. Une enquête publique est ouverte en juin 1864 et les meuniers vont y apporter leurs remarques (moulin de Gouédic, Petit moulin, M. Hinault au moulin du Chaix).   


M.Hinault, ne sait pas écrire mais il fait noter "que la compagnie ayant pour prendre de l'eau du Gouédic, rétréci de moitié le lit du ruisseau, en y faisant un canal, il en résulte, lors des grandes eaux, un engorgement qui empêche la roue de tourner". L’enquêteur écrit ensuite que le meunier « éprouve donc un préjudice notable et en résulte qu'il sera même obligé de diminuer le diamètre de sa roue d'un mètre. Il perdra ainsi une grande quantité du travail qu'elle produisait auparavant ».  


Mais le Préfet  n’est pas convaincu par les arguments des plaignants et il donne raison  à la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest. L’autorisation leur sera officiellement délivrée.

  

En juin 1880, c’est une demande de l’abbé Bertho, directeur de l’Institut des Sourds-Muets. Il souhaite construire un lavoir de douze mètres de long, pour les besoins de son institution, sur le bord du Gouédic, traversant la prairie du Moulin au Chaix. 

 

Demande de l'abbé Bertho. Archives départementales. 84 S 11

 

 

Nous avons une description du moulin en 1882 : « Le moulin au Chaix est situé à l’extrémité d’une dérivation du Gouédic d’une longueur de 350 mètres pratiquée sur la droite du ruisseau.

En amont se trouve un lavoir, appartenant à Monsieur de Saint Méloir, sur le lit naturel du ruisseau. L’institut des Sourds-Muets vient de construire une buanderie ».

Les abords du moulin n'étaient pas si éloignés que ça de l'Institut des Sourds en empruntant "le chemin de la Côte" (Côte Vendel de nos jours)

 

1865. Plan des Archives municipales

 
1865. Plan des Archives municipales


 

Les métamorphoses du Gouédic

Le cours du Gouédic n'a pas toujours été celui que l'on voit de nos jours dans cette partie appelée le chemin des Eaux minérales.

En 1882, il est question de la reconstruction du barrage déversoir du Moulin, de la rectification du lit de la rivière entre la buanderie des Sourds-Muets et, enfin, d'un nouveau déversoir.

 

Projet 1882. Archives départementales. 84 S 61

 

 

Les ennuis d'un meunier sur le Gouédic

Les inondations du mois de septembre 1880 ont été terribles et elles ont causé

d'importantes pertes à Yves Hinault, "meunier dans les dépendances du moulin au Chaix à Saint-Brieuc"  :

Un pont récemment construit en pierres de taille long de 5 mètres sur 3 mètres de large, situé au couchant du moulin a été entièrement démoli jusqu'aux fondements par les eaux.

Le déversoir long de 4m50 sur 3 mètres de large, bâti en pierres de taille, a été enlevé de même jusqu'aux fondements et ne laisse dans l'emplacement que de faibles ruines.

Trois ares de terres au bas du déversoir ont été totalement ruinées. La bonne terre a été enlevée jusqu'au fond rocailleux.

L'eau pénétrant dans le moulin à une hauteur de 1m55 a perdu en linge une valeur de 45 francs et en farine (environ 300 kilos) valant 96 francs. Perte totale: 1 141 francs

Peut-être n'a t-il pas été aidé après ces inondations de 1880 car en 1891-1892, M. Hinault fait une pétition pour obtenir l’autorisation de reconstruire le déversoir du Moulin.

 

 

L'arrêt du moulin

Le Moulin du Chaix se serait arrêté de fonctionner un peu après 1900.

D’après le recensement de 1901, le dernier meunier du Moulin du Chaix semble avoir été François Le Louédec, 50 ans qui vivait avec Marie Le Louédec, née Mordelet, son épouse, 44 ans et leurs deux enfants Marie, 9 ans et Joseph, 18 mois. Joseph est né le 5 octobre 1899 à Saint-Brieuc.

Charles Le Louédec était également enregistré comme meunier au Moulin-du-Chaix en 1899.

Charles François Marie Le Louédec est né le 25 février 1879 à Trédarzec (22). Il est le fils de François Le Louédec, meunier à Trédarzec et de Annette Camus, ménagère. Le premier témoin à sa naissance est Charles Traourouder, un autre meunier.

Naissance Le Louédec 1879 Etat civil en ligne.

 

Dans le recensement militaire en 1899, il est enregistré sous le matricule 633. Il est incorporé comme jeune soldat appelé au 70e Régiment d’Infanterie le 16 novembre 1900 et envoyé en congé le 19 septembre 1903.

Recensement militaire Le Louédec. 1889 Archives départementales

 

Après avoir été meunier au Moulin-du-Chaix à Saint-Brieuc et après être revenu de son service militaire en 1903, il part à Orléans en 1908 et en 1913 à Alençon.

En août 1914, il est mobilisé au 74e régiment Territorial d’Infanterie. Servant ensuite au 350e Régiment d’Infanterie, il est tué au combat le 1er octobre 1916 devant Combles dans la Somme. Il avait 37 ans.


 


Par contre, dans le recensement de 1906, aucune personne n'est mentionnée comme meunier.

En 1916, un commerce s'installe dans la vallée de Gouédic, Mme Boleillon devient débitante au Moulin du Chaix ! 

Le 23 mars 1916, Mme Boleillon adresse une réclamation au Préfet en lui indiquant que la dernière crue a causé des dégradations aux berges et au chemin latéral longeant la rive gauche de la rivière. Elle ajoute qu'aux abords d'un petit pont en pierre établi sur le Gouédic et donnant accès à son auberge se trouvant sur la rive droite, la crue a enlevé une partie du chemin avoisinant le dit pont, et que, de ce fait, il est très dangereux d'y faire passer une charrette chargée.

Après cette courte expérience qui visait à transformer le moulin en bistrot, le bâtiment sera exclusivement destiné à être une habitation.

 

Le Moulin du Chaix, détail de carte postale.

 
Paroles d'habitants
 
 
D'après un article du 28 novembre 1996 du journal Ouest-France.
 
Jacqueline Mathieu, née en 1926 dans la maison de ses parents, l'ancien Moulin du Chaix, dernière habitation du chemin avant la Côte Vendel. Elle partage cette grande maison avec Cécile Dy, la femme de son frère.
 
« Quand mes parents l'ont achetée en 1921, le moulin avait déjà été transformé en maison particulière. Nous n'avons donc que des photos pour témoigner de ce passé. Malheureusement, la prise de vue est toujours la même. On n'y voit jamais la roue du moulin, installée sur le pignon nord. Tout cela pour avoir le viaduc en arrière-plan »
 
Elles retracent ainsi l'histoire de leur propriété. 
 
« La rivière a été détournée pour créer le bief qui contournait la maison. Je l'ai toujours connu comblé. Mais le mur qui le fermait existe toujours. Sur les photos, on devine aussi la carrière de granit, exploitée du côté de la Côte-aux-Maris. La plupart des maisons de la vallée ont été construites avec ces pierres. » 
 
 

Sur le côté imprévisible du Gouédic, Jacqueline et Cécile se souviennent de fortes inondations 

« Notre maison n'a pas été surélevée comme les autres du chemin. Je me souviens particulièrement d'une fonte des neiges en février dans les années cinquante. L'eau avait envahi tout le rez-de-chaussée. Les derniers dégâts remontent à 1992. Le Gouédic a l'air d'un petit ruisseau, mais c'est un vrai torrent » 

Les deux femmes du moulin ont depuis longtemps remédié aux sautes d'humeur de la rivière en habitant au premier étage.

« La végétation est luxuriante. Il y a toujours eu des hêtres superbes. A la belle saison, c'est un ravissement permanent de vivre ici. Les lavandières n'existent plus. Ce sont maintenant les promeneurs qui en profitent. Je les vois passer devant chez moi, avec leur chien. Souvent ils guettent un panneau « A vendre » sur une maison. Mais personne ne veut partir. Car ici, c'est le paradis ! »



Dessin de J. Saurel 1983. Brochure touristique de J. Saurel

 
 

Si vous souhaitez partager vos remarques ou des documents sur ce moulin et cette partie de la vallée de Gouédic, merci d'utiliser le formulaire de contact en haut de page.

 

 

A consulter sur le même sujet dans ce blog

 

Au sud du quartier, traverser le ruisseau du Gouédic, cliquer ici

Les métamorphoses du Gouédic, partie 1. Dérivations, disparitions, cliquer ici

Les métamorphoses du Gouédic, partie 2. L'étang de Robien, cliquer ici

Les lavandières du Gouédic dans le Chemin des Eaux minérales, cliquer ici   

Les secrets de la Fontaine minérale, cliquer ici 

La fabrique de chapeaux de M. Chevalier, cliquer ici



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Sources


Cette recherche a bénéficié de nombreux échanges très enrichissants avec Sébastien Guittard et Cécile Beaujean, actuels propriétaires de l'ancien moulin du Chaix. 

Brigitte Vie, propriétaire du Moulin Jacques Rouxel à Saint-Brieuc, avait également effectué des recherches sur les fermages du moulin dans les Fonds de l'Evêché (Archives départementales). Pour accéder à un document indiquant tous les fermages de 1737 à 1796, cliquer ici

 

En décembre 2022, courrier de Claudie Rebout, arrière petite-fille de M. Le Louedec, dernier meunier du moulin.

Quatre dossiers des Archives Départementales des Côtes d’Armor ont été très utiles :

Le Gouédic. Dossier 84 S 11.



Projet de pompage 1864. Dossier 84 S 11.


Moulin au Chaix (4) St Brieuc. Curages. Dossier 84 S 61(3)  

 

Note de Monsieur Yves Hinault à Monsieur le Préfet des Côtes-du-Nord, le 15 mai 1881 (Archives Départementales de Côtes d'Armor -1 M 483)




Archives municipales, cartes postales anciennes

 

Musée de Bretagne, notice sur le moulin du Bois-Lehou sur le Couesnon, cliquer ici

Musée de Bretagne. Affiche des Chemins de fer, cliquer ici

 

Notions historiques, géographiques, statistiques et agronomiques sur le littoral du département des Côtes-du-Nord. François-Marie Habasque, 1980 (Reproduction de l'édition de 1832-1836) 

 

Histoire de la ville de Saint-Brieuc. Jules Lamare, 1884. 

 

Affiche touristique pour visiter la vallée du Gouessant

 

 

 

 



  

L'histoire du quartier de Robien à Saint-Brieuc. Sommaire

Le quartier de Robien à Saint-Brieuc s’est vraiment peuplé il n’y a pas plus d’un siècle, mais son histoire présente de multiples intérêts...