samedi 5 octobre 2024

Le Théâtre Mouton, théâtre forain itinérant en Bretagne jusqu'en 1914

 

Théâtre Mouton avant 1900. Photo Jean-Pierre Bernardon

Le théâtre forain ambulant est une forme d’art qui s’est développée en dehors du théâtre classique. Emportant des troupes d’acteurs dans les campagnes et les villes, la Bretagne en accueillera régulièrement aux 19e et 20e siècles ; nous en avons conservé la trace et l’histoire comme pour Le Théâtre de l'Espérance de la famille Audroin. Le théâtre Mouton fait aussi partie de ceux-là, avec une tradition transmise d’une génération à l’autre. 

 

Le théâtre en Bretagne

Avant d'explorer l'histoire du Théâtre Mouton, voyons ce qu'était le théâtre au XVIIe siècle, plus particulièrement en Bretagne. 

Au XVIIe siècle, une ville comme Rennes ignorait encore ce qu’était une troupe de théâtre sédentaire. Il en allait ainsi des autres villes des provinces de France qui ne connaissaient « que des acteurs nomades réunis en Sociétés ou Compagnies que l’on désignait sous le nom de troupes de campagne. Les comédiens étaient appelés « comédiens de campagne » (1). Ainsi Molière arriva à Nantes le 23 avril 1648 et y donna quelques représentations. La première troupe dont on trouve la trace à Rennes arriva en 1606.


A l'origine du Théâtre Mouton : 1ère génération avec Louis et Lise Mouton.

Romain Mouton raconta dans l’édition de Ouest-France du 17 juin 1954 que son plus lointain  ancêtre "débuta sous François 1er, en 1524, comme bateleur, acrobate de l’époque".

Louis Joseph Mouton (1786-1835) et son épouse Lise Étienne Larivière (1792-1881) font du théâtre dans le style de Molière et l’hiver ils restent à Paris. Louis Joseph Mouton jouait avec François Lamberty dans les années 1810-1835. (2)


La famille Lamberti constituait une famille de cirque italien qui serait arrivée en France sous Louis XV pour divertir les châteaux avec leur troupe d’acrobates et de bateleurs. Plus tard, ils ont francisé leur nom en Lamberty avec un Y.  Le Théâtre Lamberty était un théâtre de pantomime où les acteurs prenaient des poses pour réaliser ce que l’on appelait des tableaux vivants. Il est devenu par la suite le Théâtre Lamberty-Berthier puis avant 1914, avec Gaston Lamarche qui y a introduit la comédie, le Théâtre Populaire National Lamarche-Lamberty. (2)

Photo ci-dessous : Angélique et Abel Lamberty dans un tableau typique de l’après-guerre de 1870 : l’Alsacienne prête à venger le soldat français. C'est un tableau qui préfigure certains monuments aux morts de 14-18.
 


La famille Lamberty est restée dans cette tradition du théâtre ambulant jusqu'en 1968.

Photo du Blog de la famille Lamberty, branche évangélique tzigane.

 

2ème génération, François et Catharina. Théâtre itinérant 1846-1870

Un des fils, le plus jeune, François (1826-1875), né en 1826 à Angoulême, a la fibre théâtrale. François Mouton est à l'époque un des rares directeurs privilégiés de France, un droit qui a été aboli par la suite en 1863 (3). Il exerce comme directeur de théâtre à Brest, Lorient, Rennes etc.

Puis, en 1846, François épouse Catharina Philiberta Bouwmeester (1825-1885) de Rotterdam. Elle vient d’une famille d’artiste. Ils passent alors au théâtre forain et dirigent une structure démontable. Ils sont totalement itinérants pendant plusieurs décennies. Il exerce leur art dans le sud-ouest.

La Guerre de 1870 ruine le cirque Mouton, et, en 1871, François Mouton vend ses chevaux, monte un théâtre et prépare le drame et la comédie.

François décède à sur le Champ de Bataille (champ de foire) à Quimper le 14 août 1875 et en 1875, son épouse Catharina et son fils Romain reprennent la direction du théâtre.

Les tournées continuent comme en 1879 où le Théâtre Mouton se produit aux foires de Rennes, avec ce qui est alors appelé « Le Théâtre moral ». 

Nous possédons un document des Archives municipales de Rennes qui atteste de cette présence avec le demande formulée par Catharina Bouwmeester au Maire de Rennes.


Fougères, le 28 août 1879
Monsieur le Maire,

Les exigences du voyage jointes au désir que j’avais de revoir notre chère Bretagne m’ont ramené dans la contrée.
Je serais très heureuse de faire les prochaines foires de Rennes, aussi je prends la liberté de vous adresser la présente demande de  place, comptant sur la bonté que vous n’avez jamais cessé de témoigner à la famille Mouton.
L’emplacement dont j’aurais besoin pour mon théâtre serait de 30 mètres de longueur sur 8 mètres de profondeur ; je désire aussi placer un tir de 4 mètres de large sur 7 mètres de profondeur.
J’ose espérer Monsieur le Maire que vous voudrez bien m’accorder la bienveillant appui de votre haut patronage pour l’obtention de ces deux emplacements, près l’un de l’autre et à l’endroit le plus favorable.
Dans l’espoir que ma demande recevra comme par le passé un sympathique accueil.
Je vous prie d’agréer Monsieur le Maire, avec mes remerciements, mes plus respectueuses salutations.
Veuve Mouton, Directrice du Théâtre Moral à Fougères.


La réponse favorable de la Mairie ne se fait pas attendre, elle est datée du 30 août 1879. Les services de la mairie précisent que la foire de 1879 commence le dimanche 28 septembre, l’emplacement est situé Place de la Gare et trente francs d’arrhes sont à verser en mandat-poste.

1879 Archives de la Ville de Rennes

Comme tous ces théâtres, le fonctionnement est familial avec une douzaine de personnes dans la troupe dont Abel ; Romain Jeanne Marie Louise Mouton (artiste d'agilité et artiste lyrique) mariée avec Francis Beedle (gymnasiarque) ; Joséphine Mouton (artiste d'agilité) mariée avec Lucien Mansard (artiste d'agilité et écuyer) ; Pierre (artiste dramatique), Hélène Mouton (artiste lyrique)... 

Francis Beedle et Jeanne Mouton, épouse Beedle. 1880 Jean-Pierre Bernardon

Ce que l'on ne sait pas, c'est si ce théâtre avait une base, à quelle cadence il donnait ses spectacles et s'il se produisait en dehors de l'Ouest de la France...

Ci-dessous, le chapiteau du "Grand Théâtre Mouton", dirigé par Romain Mouton. Les décors extérieurs étaient particulièrement soignés.

Photo non datée, famille Mouton.

Ci-dessous, cette photo du Théâtre Mouton au 19e siècle (4) nous donne une idée de la structure du chapiteau et de l'organisation du Théâtre itinérant. Loli Jean-Baptiste, doctorante en arts du spectacle à l' Université de Franche-Comté nous en dit plus sur ces théâtres : « Imaginez une construction imposante, rectangulaire, faite de panneaux verticaux en bois, de dimensions variables. (12 à 30 mètres de long et jusqu’à 10 mètres de large, pour les plus grandes). Au centre de la façade se trouve « le contrôle » un espace réservé à la billetterie, et à l’entrée du public. Le contrôle est toujours soigneusement orné de l’enseigne portant le nom de la famille. A côté de cela, autour de la « baraque », on peut voir s’installer les caravanes d’habitations, ainsi que le convoi.

À l’intérieur de la salle, la scène se dresse sur l’un des côtés. L’espace principal est composé d’un plancher incliné rempli de gradins, ou chaises de confort variable pour accueillir le public. En fonction de la taille du dispositif, la salle accueille de 200 à 1000 spectateurs.
» (5)

Photo Jean-Pierre Bernardon dans le Facebook "Forain d'autrefois" novembre 2023

On peut comparer le chapiteau du Théâtre Mouton à celui d'un autre théâtre forain, le Théâtre Taburet-Berthier, photographié ici en 1930.



3ème génération, Abel et Romain. 1885

Catharina décède le 1er novembre 1885 et ce sont les deux fils, Abel (1863-1934) et Romain (1850-1941), qui prennent la suite. Toute la famille participe de l'installation du théâtre jusqu'au spectacle.

Romain Mouton était le troisième des neuf enfants, tous élevés dans le cirque. A 5 ans, il paraissait déjà sur les planches et gagnait sa vie comme ses frères et sœurs. Il n'avait pas appris à lire, ce qui ne l'empêcha pas d'apprendre tous les rôles du répertoire théâtral dans des registres différents comme la comédie, le drame ou le mélodrame.

Romain Mouton 14 janvier 1939 Ouest-Eclair

Romain Mouton exercera comme directeur d'une troupe d'acteurs, dans un premier temps avec sa mère, pendant plus de cinquante années. « Dans la famille, il fallait être artiste lyrique ou dramatique et acrobate », avait-il expliqué. Sur la scène du théâtre, la famille Mouton produisait un spectacle avec drames, vaudeville, numéros d'équilibristes, de gymnasiarques, de magie. Certains numéros auraient tout aussi bien avoir eu leur place dans un cirque. D'ailleurs François Mouton (le père) était clown en plus de sa fonction de directeur du théâtre et Romain était acrobate.

La famille donna des représentations dans toute la France, en Espagne, en Italie, en Allemagne et en Belgique.

Le 7 septembre 1887, Romain, âgé de 37 ans et veuf depuis 1879, épousait son élève de gymnastique et lui apprenait la comédie.

Le Théâtre Mouton semait partout la générosité à l’égard notamment des Bureaux de bienfaisance. Romain Mouton déclarera : "J’ai donné plus de cent représentations au profit des oeuvres de bienfaisance, pour les sinistrés lors d’incendies ou d’inondations et je versais un dixième de la recette au bureau de bienfaisance des villes traversées".

La famille Mouton se sédentarise en Bretagne dans la deuxième moitié du 19e siècle. Le Théâtre de Romain Mouton s’installe à Saint-Brieuc. Plusieurs membres de la famille Mouton vont naître, se marier et décéder en Bretagne :

Jeanne, Marie Louise Mouton, née en 1848, se marie avec Francis Wilkes Beedle à Dinan le 6 mars 1872. Son mari est d’origine anglaise et il exerce comme gymnasiarque (professeur de gymnastique).

Adèle Beedle va naitre sur la fête d’hiver à Rennes en janvier 1873

Catharina, mariée avec François Mouton, décède Place Duguesclin à Saint-Brieuc le 1er novembre 1885, à l’âge de 60 ans. La Place Duguesclin était à l'époque le lieu où se produisaient les cirques et les théâtres forains. 

Des personnes extérieures à la famille Mouton pouvaient parfois intégrer la troupe comme le laisse à penser un article de Ouest-Eclair daté du 30 mai 1937. On peut y lire que "Mme Le Gall Pierre, ancienne actrice du Théâtre Mouton" donnera à Chatelaudrain une représentation théâtrale avec la troupe mixte de "la Chatelaudrinaise". Il pourrait s'agir de Germaine Le Gall, née à Bayonne en 1893 (d'après le recensement de 1936), épouse du pâtissier Pierre Le Gall.

1936 Recensement Chatelaudren, rue de Corlay, image 18. AD22


Théâtre Mouton 30 mai 1937 Ouest-Eclair

 

Des photos du Théâtre Mouton 

La photo ci-dessous était parue page 74 dans l'ouvrage publié par les éditions Filigranes, "Madame Yvonne". Née en 1878 à Ploumilliau (Côtes-du-Nord), Yvonne Kerdudo, était connue sous le nom de "Madame Yvonne" dans le Trégor. Initiée à la photographie à Paris, elle revient en Bretagne au Vieux-Marché. Elle se déplace à 40 kilomètres autour de son village et photographie les évènements du quotidien.

Cette photo du Théâtre Mouton n'avait pas été repérée dans un premier temps, jusqu'à un jour de juin 2024 où Jean-Michel Le Bourdonnec, habitant à Ploufragan, en a signalé l'existence par le formulaire de contact de ce blog.

Jean-Michel Le Bourdonnec peut même préciser que cette photo du Théâtre Mouton, a été prise place des Déportés à Le Vieux Marché, vers 1912, à 1 an près en plus ou en moins. Sur la pancarte devant le Théâtre il est annoncé que la troupe joue "La porteuse de pain", un roman très populaire écrit par Xavier de Montépin, paru en feuilleton dans Le Petit Journal en 1884, réédité de nombreuses fois et adapté au théâtre. Le roman parle d'une femme accusée à tort, un sujet qui colle bien au "théâtre moral" de la famille Mouton.

Cette photo a été éditée sous forme d'une carte postale comme cela se faisait à cette époque.


Mais plus fort encore, une deuxième photo a été prise par Mme Yvonne. Il s'agit toujours du théâtre Mouton avec ses comédiens et comédiennes. La photo est prise à quelques pas de la place où est installé le théâtre. Il reste à identifier les différentes personnes...

Photo collection J-M Le Bourdonnec.

 
La troupe du Théâtre Mouton, détail. Vers 1912


 

La fin du Théâtre Mouton

Au moment de la mobilisation en août 1914, la famille Mouton se trouvait à Pont-Aven et devait se rendre à Nantes. A Quintin, la troupe dut se dissoudre et le matériel fut remisé.

En 1915 Romain Mouton s’installe place Duguesclin à Saint-Brieuc.

Marchands ambulants sur la place Duguesclin à Saint-Brieuc.

Plus tard, Romain Mouton obtient de M. Servain, maire de Saint-Brieuc, l’autorisation de monter une baraque à frites place de la Gare.

Il faut avoir de bons yeux, mais les deux personnes au premier plan dans le square devant la gare sont assurément M et Mme Mouton !

Le décès de Romain Mouton, appelé "Le Père Mouton", est marqué par la publication de plusieurs articles dans la presse locale.

Ouest-Eclair 14 octobre 1941
 

De son côté, la branche Jeanne Marie Louise Mouton (née en 1848) exercera aussi dans le théâtre forain, mais pas en Bretagne. Francis Wilkes-Beedle et Jeanne Mouton font du théâtre forain itinérant dans les départements du Cher, de l’Allier et du Puy-de-Dôme. 

 

Voilà des éclairages qui nous permettent de retracer les grandes étapes de ce formidable Théâtre Mouton.

Bravo les artistes !

 


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A retrouver sur ce blog

L'histoire du Théâtre de l'espérance de la famille Audroin, cliquer ici

 

Notes

Recherches dans les archives de Ouest-France et du Télégramme.

(1) Le théâtre à Rennes, recherches d’histoire locale, notes et souvenirs. Lucien Decombe 1899.

(2) Article, dans la revue Folklore de Champagne, consacré au gens du voyage et à leurs théâtres populaires comme le Théâtre Lamberty. Cliquer ici


(3) Sur cette question du privilège, lire l'article suivant "Les Théâtres parisiens à l'heure du privilège (1807-1864), l'impossible contrôle", cliquer ici

(4) De nombreux renseignements et documents (archives de 1879, photo du théâtre Mouton...) ont été fournis par Jean-Pierre Bernardon, descendant de la famille Beedle-Mouton.

(5) Pour lire l'article de Loli Jean-Baptiste, "Le théâtre forain ambulant, un art populaire oublié", cliquer ici 


Sources

Facebook "Forain d'autrefois", cliquer ici 

Blog de la famille Lamberty, branche évangélique tzigane, cliquer ici

On peut se reporter à un article spécifique sur l'histoire de Romain Mouton, appelé le Père Mouton (cliquer ici) et un autre article sur Marthe Mouton, née Calphas (cliquer ici).

Correspondances avec Jean-Pierre Bernardon 2023

Rencontre avec Jean-Michel Le Bourdonnec, juillet 2024.

Musée du Théâtre forain à Arthenay, cliquer ici

Livre Madame Yvonne, éditions Filigrane

 


La maison Art Nouveau 11 rue de Robien à Saint-Brieuc. 1913

 

La période Art Nouveau, en architecture, s’appuie sur l’esthétique des lignes courbes. L'Art Nouveau, appelé aussi Modern style, se développe entre 1890 et 1914 mais son influence persiste bien après. En Bretagne la période Art Nouveau a été plus courte que dans d'autres régions de France.
L'art Nouveau est lié au style balnéaire pour certains éléments. Des architectes l'ont expérimenté dans l'Ouest parisien comme au Vésinet ou à Chatou.  
 
La ville de Saint-Brieuc est très peu marquée par ce style mais le quartier de Robien possède néanmoins une maison de 1913 tout à fait caractéristique de ce courant.
 

La maison Art Nouveau du 11 rue de Robien datée de 1913

Au 11 rue de Robien, face à la coopérative de produits biologiques "La Gambille", on trouve une très belle maison Art Nouveau avec des encadrements de portes et de fenêtres exceptionnels (autrefois c'était le 5 rue de Robien). 

Un article est consacré à cette maison dans l'ouvrage Le patrimoine des communes des Côtes d'Armor aux Éditions Flohic (page 1238). On y trouve une description précise, rédigée dans des termes techniques : 

"Au rez-de-chaussée, la baie du séjour est typique du modern style : tous les sommiers des baies ainsi que les clefs sont affirmés par des pierres blanches. Le pignon de l'avant corps est en charpente apparente...Les pans coupés des angles de l'avant-corps, inspirés des bases de cheminée du XVe siècle, adoucissent les arêtes."

De nos jours cette maison se retrouve très isolée sur le plan esthétique, coincée entre des édifices qui ne la mettent pas vraiment en valeur mais elle devait avoir fière allure au moment de sa construction !


11 rue de Robien, St Brieuc maison Art Nouveau. Photo RF


On ne sait ni qui en est l'architecte ni qui en est le premier propriétaire mais il pourrait s'agir d'un médecin.

Par contre, on sait que la maison Art Nouveau de la rue de Robien a été construite en 1913 et qu'elle présente des similitudes avec la Villa Jeannette de 1907, située 98 boulevard des Anglais à Nantes.

La conception la maison nantaise est celle des architectes Ferdinand Ménard (1873-1958) et Emile Le Bot (1889) qui viennent alors de s’associer pour construire des villas à La Baule.

Cette demeure à Nantes est inscrite au titre des Monuments historiques et labellisée « Patrimoine du XXe siècle ». Elle n’est pas sans rappeler des villas construites à Nancy à la même époque.

Philippe Bonnet et Daniel Le Couédic, dans leur ouvrage Architectures en Bretagne précisent :

« La grande baie en feuille de nénuphar reprend celle de la Villa Jeannette, à Nantes, qui avait été largement reproduite dans les albums d’architecture de l’époque » 

 

Ci-dessous "Baie nénuphar" de Nantes à gauche et de Saint-Brieuc à droite

 


 Ci-dessous une autre "Baie nénuphar" à Nancy, Villa Les glycines, 5 rue des Brices
 
Image Google Earth. 2008

Ci-dessous une autre "Baie nénuphar" à Nancy, Maison Huot, 92 quai Claude Le Lorrain, 1903. Émile André architecte. Description complète ici

 

 
Mais plus généralement, on peut affirmer que c'est toute une partie de la maison de Robien qui est semblable à celle de Nantes.
 
 
Ci-dessous maison de Nantes à gauche et de Saint-Brieuc à droite



De même, la ressemblance est assez évidente avec la partie droite de la villa daté de 1913 Castel Jeannette, 56 avenue Wilson à Auray, conçue comme celle de Nantes par les architectes Ferdinand Ménard et Émile Le Bot.
 
Kastel Jeannette. Image Google Street

La Villa Ker-Roé conçue à Vannes vers 1905 (32 rue Albert 1er), présente également des similitudes. On ne connait pas son architecte...

Ker-Roé. Image Google Street

Villa Ker-Roé, Vannes, Photo RF, juin 2024

Villa Ker-Roé, Vannes. Photo RF juin 2024

Plus proche de nous encore, la villa du 9 rue de la mer à Plérin, située sur la route du phare du Légué n'est pas sans présenter des similitudes dans des motifs de boiseries et dans les arceaux en brique...

Villa 9 rue de la Mer à Plérin. Photo RF 2024

 

Les différents propriétaires de cette maison Art Nouveau de Robien

Cette maison a été achetée par M. Le Men dans les années 1970. M. Le Men sait qu'auparavant c'était le docteur Moy qui en était propriétaire. Le docteur Moy y vivait dans les années 60 et exerçait au rez-de-chaussée, dans la petite annexe à droite en regardant la maison. Cette annexe comprend une entrée, un cabinet de toilette sur la gauche et une salle de consultation qui donne sur le jardin.
(Dans les années 50-60, on trouve à Saint-Brieuc Adrien Moy, dont l'épouse est née Kermoal, président départemental de l'Ordre des médecins dans les Côtes-du-Nord dans les années 50. On a aussi Jacques Moy, médecin, marié avec Cécile Armand en avril 1953)
Naissance 5 juillet 1967 Ouest-France


Saint-Brieuc 4 mai 1953 Ouest-France


A ce sujet des recherches dans le journal Ouest-Eclair font apparaitre qu'un certain docteur René Chappel avait son cabinet de consultation rue de Robien en 1933. Est-ce de lui dont il s'agit ?
On sait aussi qu'en 1931, la famille LeBesq y habitait (Jean LeBesq, né en 1894 à Saint-Nazaire et Marie, son épouse, née en 1898 à Vitré).

Travail de ferronnerie, maison 11 rue de Robien. Photo RF


 
11 rue de Robien, maison Art Nouveau. Détails de portes et fenêtres. Photo RF



  

L'intérieur de la maison
 
Il reste quelques éléments d'époque dans cette maison des années 1900, par exemple le carrelage avec un motif tressé. La cheminée semble avoir été modifiée plus tardivement. La "baie nénuphar" est intéressante à voir de l'intérieur ainsi que les motifs en fer forgé de la porte d'entrée. Les propriétaires ont essayé de conserver les éléments anciens tout en apportant le confort qu'on peut attendre de fenêtres à double vitrage comme dans la partie sous toiture.

Cheminée au rez-de-chaussée. Photo RF

Baie-nénuphar vue de l'intérieur. Photo RF

Porte d'entrée vue de l'intérieur. Photo RF

Ouverture sous toiture vue de l'intérieur. Photo RF


Carrelage de la cuisine. Photo RF


Lavabo de la salle de bain. Photo RF

Trappe se soulevant pour accéder à la cave afin de stocker le charbon.

 
La maison côté jardin
 
La maison possède encore de nos jours un beau jardin à l'arrière, d'environ 600 m2 qui, autrefois, était très arboré avec des fruitiers. On y trouvait aussi un grand chenil.
La véranda donnait de très bons raisins, parait-il. 
Un petit appentis réserve des surprises pour les amateurs de briques Le Dû !
 
La maison côté jardin. Photo RF

Ancienne vigne dans le jardin

L'appentis. Photo RF

Un mur entier de briques estampillées Le Dû. Photo RF



 
Une maison remarquée en Bretagne
 
Cette maison fait l'objet d'une description précise dans l'ouvrage de référence Le patrimoine des Communes des Côtes d'Armor publié en 1996 :

Maison 1910-1913

Granit et brique, rue de Robien.
La première partie de la rue de Robien est réalisée en 1892. L’éclectisme de cette maison est révolutionnaire à l’époque dans les courbes et la forme des ouvertures. Au rez-de-chaussée, la baie du séjour est typique du modern style : tous les sommiers des baies ainsi que les clefs sont affirmés par des pierres blanches. Le pignon de l’avant corps est en charpente apparente. Le balcon en bois rappelle les villas du bord de mer. Les pans coupés des angles de l’avant-corps, inspirés des bases de cheminée du XVe siècle, adoucissent les arêtes.

 

En 1998, une photo de cette maison figurait en première page d'un dossier du journal municipal Le Griffon (numéro 146) ayant pour titre "Saint-Brieuc, terre d'accueil des architectes".
 
Le Griffon 1998

La maison de Robien figure aussi dans une mosaïque de 6 villas Art Nouveau en Bretagne, et le détail de la baie en forme de nénuphar est l'objet d'une photo particulière dans l'ouvrage de référence de Philippe Bonnet et Daniel Le Couédic, Architectures en Bretagne, paru en 2012.

Extrait de Architectures en Bretagne, Palantines
 
Il reste encore quelques mystères à éclaircir autour de l'origine de cette maison et de son architecte ; 
affaire à suivre...

La porte d'entrée du 11 rue de Robien, clef du mystère ? Photo RF

L'art nouveau à Saint-Brieuc

Une deuxième réalisation dans le style Art nouveau, 2 rue Renan à Saint-Brieuc, est l'oeuvre d’Édouard Ramonatxo.

 

Maison 2 rue Renan à St Brieuc. Photo RF 2021

L’architecte Edouard JeanJoseph Ramonatxo (1869-1933) est né à Saint-Brieuc le 24 juin 1869. Après des études aux Beaux-Arts à Paris, il devient l’architecte de la ville de Pontivy. Edouard Ramonatxo multiplie les constructions dans le Morbihan mais n’oublie pas sa ville natale : il va construire, vers 1910, une maison dans le style Art nouveau, pour une personne de sa famille, rue Renan, dans le quartier St Michel.

Le couronnement de la porte est remarquable, les deux baies du rez-de-chaussée sont surmontées d’un décor en arc de cercle, les ferronneries portent également la marque de l’art nouveau. 

Portail 2 rue Renan à St Brieuc. Photo RF 2021
 

Les briques sont utilisées comme éléments de décor pour souligner les ouvertures. L’alternance entre le orange de la brique et le vert de briques émaillées sont une marque d’originalité.

Les combles et les lucarnes restent dans un style traditionnel de l’époque.

La partie basse de la façade 2 rue Renan à St Brieuc. Photo RF 2021

Philippe Bonnet et Daniel Le Couédic, dans leur ouvrage Architectures en Bretagne nous en disent plus sur les influences de cet architecte : "Édouard Ramonatxo séjourna assez longuement à Bucarest, où il collabora avec Paul Gottereau au projet et à la réalisation du Palais de la Caisse des dépôts et consignations et de la Caisse d’Épargne (1902) et construisit plusieurs hôtels particuliers. Il était lié à Ion Mincu, un des maîtres de l'architecture roumaine au tournant du siècle..."

La famille Ramonatxo avait une certaine notoriété à Saint-Brieuc au début du XXe siècle, on retrouve différents membres dans la presse locale :

1911. Joseph Ramonatxo, pâtissier à Saint-Brieuc, né en 1830 dans les Pyrénées, décédé le 24 octobre 1911 à l'âge de 72 ans.

1915. Edouard, Sergent au 71e Régiment d'infanterie, décède 1915 à l'âge de 22 ans (avis dans Ouest-Eclair le 3 février 1915).  

1919.Pierre Ramonatxo, ancien pâtissier-confiseur de la rue du Champ de Mars, propriétaire à Saint-Brieuc fait partie des jurés titulaires de la première session des assises des Côtes-du-Nord en 1909, il décède le 21 septembre 1919.

1922. Enfin, Ouest-Eclair en 1922 fait part de l'émotion de nombreuses personnes à l'annonce du décès de Mme Ramonatxo, née Lucas-Horeilhan, veuve de l'ancien pâtissier : "Elle appartient à une vieille et honorable famille de notre cité."

 

 

D'autres articles pour compléter

 

Les maisons Art Déco du quartier de Robien, cliquer ici

Abécédaire des architectes du quartier de Robien, cliquer ici


 

Retour au sommaire du blog ICI

 


Sources

Architectures en Bretagne. Philippe Bonnet-Daniel Le Couédic, éditions Palantines, page 41

Journal municipal de Saint-Brieuc. Le Griffon, 1998, numéro 146

Merci à Christophe Gauffeny et Sophie Riguel, documentaliste, pour leur accueil au C.A.U.E des Côtes d'Armor en novembre 2021, afin de compléter les recherches sur cette maison.

 

Recherches aux Archives municipales et départementales.

Renseignements fournis par M. Le Men, propriétaire de la maison du 11 rue de Robien (entretien téléphonique avril 2020) et par ses fils (visite de la maison en mars 2023).

Le patrimoine des communes des Côtes d'Armor. Éditions Flohic, article page 1238.


Villa Ker-Roé à Vannes, inventaire du Patrimoine culturel en Bretagne, cliquer ici

Fiche sur Edouard Ramonaxo, sur e-monumen.net en cliquant ici

La maison de la rue de Robien et celle de la rue Renan font l’objet d’une description précise dans l’ouvrage Le Patrimoine des Communes des Côtes-d’Armor. Éditions Flohic.

 

Site PSS-ARCHI.UE, page sur Saint-Brieuc listant tous les immeubles de la ville avec le nom des architectes, la date de construction, la hauteur etc. cliquer ici

Cadastre : merci à Mary Simon des services de l'urbanisme de la Ville de St Brieuc.
 

Ouest-Eclair 28 août 1933, article mentionnant le docteur Chappel "Un enfant renversé et blessé par une auto".

Le docteur Chappel est décédé à 32 ans, il était marié avec Mme Lahaye de St Brieuc.


L'histoire du quartier de Robien à Saint-Brieuc. Sommaire

Le quartier de Robien à Saint-Brieuc s’est vraiment peuplé il n’y a pas plus d’un siècle, mais son histoire présente de multiples intérêts...