jeudi 9 mars 2023

Tous ces projets qui n'ont pas vu le jour dans le quartier de Robien à Saint-Brieuc

 

 

1936, une salle de spectacle pour l'Institution des Sourds-muets

Le Département des Côtes-du-Nord se propose d’annexer à l’Institution départementales des Sourds-muets, un bâtiment comprenant une salle récréative où puissent être présentées des séances de cinéma ou artistiques avec une petite scène et une cabine de projection. Dans les combles se trouveraient deux ateliers avec une réserve de matériel, l’étage serait accessible par un escalier extérieur. Le terrain appartient au département le long de la rue abbé Garnier.

1936. Archives départementales.


Le projet est envoyé au Préfet le 16 novembre 1936 par l’architecte départemental Jean Fauny. 

 


Une note manuscrite en bas de ce courrier indique l’intérêt de la préfecture porté à ce projet mais n’envisage pas sa réalisation de suite en raison de difficultés budgétaires sur l’exercice 1937. La situation politique et économique en 38-38 finira sans doute par faire passer ce projet aux oubliettes car rien de tel ne sera construit par la suite…
 

 

 

1960, des projets d'espaces verts et de rues qui ne se feront pas...

Le journal Ouest-France dans son édition du 20 janvier 1960 nous informe de l'abandon d'un projet : "Un espace vert était prévu en bordure de la rue Emile Zola, sur un terrain indispensable à l'usine Sambre-et-Meuse. Le principe de sa création n'est donc pas maintenu, d'autant qu'avec la proximité de la campagne, il ne se révèle pas nécessaire".

Un autre espace vert, en bordure du boulevard Paul Doumer est aussi réduit aux limites du terrain appartenant à la Ville.

Un projet de rue "ayant la forme d'un Y doit déboucher rue Emile Zola en partant du Tertre Marie-Dondaine. Le raccord avec la rue Emile Zola tombe sur les voies ferrées qui desservent différents établissements mais le projet est malgré tout maintenu à ce moment-là puis finalement abandonné...

 

1965-1970. Un équipement sportif et un groupe scolaire au Tertre Marie-Dondaine.

 

Le tertre a été occupé au XXe siècle mais pas par des habitations en dur. 

Si ce tertre est toujours à l’état naturel c’est parce que les différents projets d’aménagement de cet espace n’ont pas abouti. 

Pour commencer, en 1965, Edouard Quemper l'adjoint au Maire de l'époque chargé des sports prévoit de créer des installations sportives sur le Tertre. 


 

Plan paru dans le journal municipal Le Griffon. 1966 numéro 4.


 

Puis, en 1970, un projet de groupe scolaire est conçu par la ville de Saint-Brieuc, mais rien ne sera fait...

 

 

1970 Projet de groupe scolaire. Plan des archives municipales

1970 Projet de groupe scolaire. Plan des archives municipales


 

 

1970.  La Résidence des Forges, 400 logements et une école.


Un projet de résidence a failli voir le jour avant celui de la C.P.A.M, des plans sont déposés dès le mois de février 1970 par l’architecte F. Gross-Quélen, installé 2 rue Chateaubriand à Saint-Brieuc. Il s’agit d’un ensemble de 400 logements appelé « Résidence des Forges », avec 165 places de parking au sol et 400 en sous-sol. Une école maternelle est même prévue !

 

Projet de la Résidence des Forges. 1970. Archives départementales.


Projet de la Résidence des Forges. 1970. Archives départementales.

 


S’il s’était réalisé, ce projet aurait occupé tout l’espace entre la rue Paul Le Flem et le boulevard Vauban où se trouvent actuellement la C.P.A.M et la résidence Espace composée des trois bâtiments, de 21 mètres de haut, nommés Concorde, Comète et Mirage.

 

 

 

1985.  La Place de Robien.

 

Plan. Rapport d'étape PACT-ARIM. 1985 Archives départementales


 

En mars 1985, un projet de quartier pour Robien est remis à la municipalité. C’est un « rapport d’étape » connu sous le nom de PACT-ARIM.

Ce rapport contient certainement le projet qui aurait totalement changé la physionomie de ce quartier et lui aurait donné un air de village.

Il faut modifier en profondeur la physionomie urbaine : création d’une place sur les terrains dits des « chantiers de la ville ». 

 

Les symboles étaient forts : 

une place donnant d'un côté sur l'église du côté boulevard Hoche, et de l'autre sur l'école publique rue Guébriant.

Une place avec un bureau de poste et une maison de quartier à deux pas de la rue Jules Ferry qui aurait été reliée par un passage entre les deux immeubles de la Résidence du Clos de Robien.


 

Petit retour en arrière

L’étude a commencé en octobre 1984, placée sous la responsabilité de la Ville de Saint-Brieuc. Toutes les semaines un « groupe technique » s’est réuni avec des élus (M. Fraboulet, adjoint à l’urbanisme), un conseiller municipal du quartier (M. Hélard), des représentants des services techniques et administratifs, des représentants du Comité d’Animation de Robien, et l’équipe d’étude du PACT-ARIM deux urbanistes, un architecte et une spécialiste des questions sociales liées à l’habitat.

Tous les mois le « groupe de pilotage », avec le député M. Dollo, a traité un thème précis : circulation, commerce, industries, habitat…

 

Le constat

Le constat posé sur le quartier de Robien en 1985 est très juste : un quartier bien équilibré jusqu’au début des années 60, commençant à présenter des signes de vieillissement de la population, d’abandon de ses activités traditionnelles. Dans les années 70, les zones industrielles et commerciales ont amplifié ce phénomène.

Une population en déclin : en 1968, 4284 habitants et en 1982, 3169 habitants

 

Les solutions

Le développement de l’habitat est une nécessité, les créations d’emplois et le développement d’une offre de commerce de proximité aussi. La rue Jules Ferry est une sortie de ville qui doit être beaucoup plus attractive. Les entrepôts et ateliers vacants sont recensés et visités par des services qui peuvent aider une reprise (avec des aménagements)

 

L’habitat

Presque la moitié des habitations ont été achevées avant 1914, la même proportion entre 1914 et 1948 et entre 2 et 5 % après 1948.

La rénovation de l’ancien et des logements qui seront créés, devra être adaptée à tous les publics (handicapés, personnes âgées) 

 

Développement des services et de nouveaux commerces

L’étude met en évidence les besoins d’une maison de quartier, d’une salle polyvalente, d’une bibliothèque et d’un bureau de poste. Du côté commerce, malgré l'arrivée prochaine et annoncée de grandes surfaces sur Ploufragan et Trégueux, certains commerces auraient toute leur place.

 

Aménagements urbains et paysagers

Les rues passantes (Jules ferry et boulevard Hoche) doivent être élargies, plantées d’arbres, avec des ravalements de façades…

L’arrivée du TGV en 1989 doit permettre de changer le côté gare de marchandise.

Les espaces verts sont à développer du côté du tertre Marie Dondaine et de l’étang de Robien.

 

 


La résidence du Clos de Robien dans la rue Jules Ferry construite en 1999 : un passage


Les architectes Bruno Coycault et Jean-François Colleu ont conçu un immeuble en deux parties rue Jules Ferry en 1999-2000. On parlait encore de ce projet de Place de Robien et l'immeuble a été pensé en fonction de cette idée : « Le terrain jouxte les jardins municipaux où à terme une ZAC est projetée. Nous avions la contrainte de créer un désenclavement grâce à un passage qui reliera plus tard la rue Jules Ferry à cette nouvelle zone d'activité. D'où l'idée de construire la résidence en deux bâtiments. Ce porche devra être le signal de cette liaison piétonne. De plus, il nous a permis de créer une faille lumineuse pour éclairer les appartements ». 

 

Conclusion :  Finalement rien ne sera fait mais avec le recul, on se rend compte que cette étude était assez remarquable. Elle portait en germe une transformation globale du quartier de Robien. On parlerait de nos jours "d'intelligence collective". 

 


 

 

1988, 1995 puis 2004, un lotissement au Tertre Marie-Dondaine.

Plusieurs équipes municipales ont eu pour projet d'aménager le Tertre Marie Dondaine et en particulier pour y faire construire un lotissement. 

Dans son édition du 28 octobre 2004, Ouest-France, dans l'article qui suit, rappelle les faits et présente le dernier projet en date. Précisons que ce projet n'aboutira pas !

"La zone d'aménagement concerté est rédigée depuis 1980 ! Sans doute un record pour cette zone de près de quatre hectares, dont la propriété se partage entre la ville et des privés. Depuis 1980, la zone située près de l'ancienne usine du Mont-Carmel, à l'ouest du quartier de Robien, est toujours en friche. 

Les champs n'ont jamais été viabilisés par la société Prima Opéra, de la Côte-d'Azur. Celle-ci avait annoncé la réalisation de cinquante maisons de ville en 1988, qui sont restées à l'état de plans dans le fond d'un carton à dessins.

Le promoteur de Plérin, BC Partner's, vient de reprendre la maîtrise du site et va présenter un projet d'une centaine de logements qui se répartiront entre immeubles collectifs et maisons de ville. 

« La commercialisation ciblera le marché de l'accession à la propriété et celui des investisseurs. Ce qui permettra d'avoir des logements occupés indifféremment par des propriétaires ou des locataires », souligne Gilles Cadoudal, PDG de la société immobilière.

Le calendrier de l'opération est déjà fixé. Dépôt du permis de construire en mars 2005, début des travaux en octobre 2005 et livraison des logements, dix-huit mois plus tard".

 

Le projet de lotissement de 1995. Archives municipales


 

Ainsi va l'action municipale, des projets naissent puis restent dans des cartons, d'autres se réalisent alors que l'on n'y pensait plus...

Et on se plait à refaire l'histoire : 

Et si le Tertre Marie-Dondaine avait été urbanisé dans les années 70, il n'y aurait pas de moutons aujourd'hui !

Et si la Résidence des Forges avait apporté 400 logements de plus, des commerces en auraient profité.

Et si on avait fait la Place de Robien, les habitants auraient pu s'y retrouver pour des fêtes.

Avec des si, on aurait même pu mettre Robien en bouteille !


 

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Michel Dhainaut, photographe et promoteur de la culture bretonne à Saint-Brieuc.

Michel Dhainaut en 2010 à Saint-Brieuc.

Michel Dhainaut est né en 1933 à Saint-Cast-le-Guildo (22), sa soeur Marie-Odile naitra quelques années plus tard, en 1936. 

La famille Dhainaut vient habiter Saint-Brieuc en 1935, dans une maison en location qui vient d’être bâtie au 34 rue Jean Jaurès dans le quartier de Robien. 

 

Recensement 1936 Rue Jean Jaurès

La maison de la famille Dhainaut 34 rue Jean Jaurès.

Paul Dhainaut, le père, sera engagé comme comptable en 1941 chez Buvat, négociant en vins, rue Jules Ferry puis responsable commercial chez Guével-et-Rio, qui a pris la suite de Buvat, de 1946 jusqu'en 1966.


Pendant ses années de jeunesse, Michel Dhainaut fréquente l’école Sainte-Bernadette à Robien et explore le quartier avec ses copains.

Puis au moment de la guerre, sa famille part dans la région d’Orléans. Revenu à Saint-Brieuc, il entreprend des études techniques et professionnelles. Cela lui permet d’être embauché aux Forges-et-Laminoirs dans les bureaux.
Mais Michel Dhainaut poursuit deux passions : la photo et la culture bretonne.



La photographie

La photographie est une affaire familiale chez les Dhainaut : le grand-père photographiait sur plaques de verre et le père pratiquait en amateur et les albums de famille révèlent un coup d’œil original, des photos qui sortent des positions figées de ce type d’albums.

Quand il est tout jeune, en primaire après la classe, Michel va profiter des connaissances de Jules Hamonet qui a son magasin et son atelier de photos dans le boulevard Hoche à Robien. Il fréquente aussi les ateliers d’autres photographes briochins et à 16 ans, en 1949, il sait qu'il veut être photographe. Son travail s'oriente vers la prise de vue mais aussi vers le développement des pellicules.

 

Michel Dhainaut vers 1953 dans son labo photo.

Michel Dhainaut vers 1953 dans son labo photo.

Michel Dhainaut prend au sérieux la photographie et suit un apprentissage au Studio Louis à Saint-Brieuc pendant dix-huit mois, puis chez Delaunay pour se spécialiser dans le tirage des photos. En 1957, il s’installe à Paris et passe un C.A.P de photographe. Le Studio Mélin l’engage et  après sa rencontre avec le photographe Daniel Masclet, il se perfectionne dans l’art du portrait.

Il s’inscrit à la Société française de photographie où il côtoie les grands de la photo humaniste, un courant qui met en avant les gens dans leur quotidien, il se reconnaît dans ses chefs de file que sont Robert Doisneau, Henri Cartier-Bresson et Willy Ronis… Il lui arrive aussi de travailler pour le Studio Harcourt et va acquérir une solide expérience.

Michel Dhainaut chez lui, devant une de ses fameuses photos prises à Paris.


Revenu à Saint-Brieuc, en janvier 1959, il ouvre sa première boutique rue Fardel, Art photo, avant de se déplacer un peu plus loin, place du Martray au Studio Dhainaut.
La photographie publicitaire bat son plein, les magasins, les entreprises (comme Sambre-et-Meuse, le Joint-Français, les Pinceaux Raphaël), les administrations (E.D.F, la Poste…) font appel à lui.

Ses photos de reportages ou commerciales sont régulièrement publiées dans Ouest-France. Et, si on les regarde attentivement, on peut y reconnaître la marque d’un photographe qui sort de l’ordinaire.

 

Du Doisneau ? Non, du Dhainaut dans Ouest-France en 1961

Le 6 novembre 1967, pour Ouest-France, Michel Dhainaut photographie deux modèles défilant avec des robes en papier "pratiques, souples, légères, tout en étant solides". Son choix du parking de la préfecture n'est pas dû au hasard, les lignes au sol rappellent en négatif les motifs des robes, et ça c'est l'oeil du photographe !


 

On notera les publications de photos de Michel Dhainaut dans Le Paysan breton, Saint-Brieuc Magazine, Le Griffon, Armor Magazine, La Vie diocésaine etc.

 

Dans les années 60-70, Michel Dhainaut se spécialise dans la photo décorative (toiles de grandes tailles). Des photographies en très grand format sortent du studio Dhainaut. En 1974, il passe à la vitesse supérieure avec un laboratoire photographique dans une zone industrielle à Saint-Brieuc ; il aura jusqu’à 14 employés. Il vend son laboratoire à un grand groupe en 1986.

Publicité dans Ouest-France 27 mai 1967

 

Dans les années 70-80, il est très actif au photo-club de la M.J.C du Plateau (Maison des jeunes et de la Culture) où il partage sa passion. 

Michel Dhainaut à droite organisateur d'un rallye photo. 30 mai 1988

Pendant plusieurs décennies, Michel Dhainaut va proposer au public de découvrir la photo au travers de nombreuses expositions.

Expo à la Maison de la Baie à Hillion 11 août 1994 Ouest-France


Mais cet ancrage local ne l’aura pas empêché de parcourir le monde et de réaliser plus de 80 reportages dans des situations parfois périlleuses… Sa collection pourrait avoisiner les 70 000 clichés !



Promouvoir la culture bretonne

Dans le domaine de la culture bretonne, Michel Dhainaut va se révéler d’une formidable énergie et efficacité ! Il rencontre tout d’abord toutes les personnes qui gravitent dans le milieu bretonnant et devient lui-même sonneur de biniou. Dans le Cercle de Penthièvre, il a de multiples occasions de jouer en Bretagne et à l'étranger comme lors d'une tournée en Norvège organisée par le docteur Erling Hansen.

 

Place Duguesclin à Saint-Brieuc. Septembre 1952.
 
Répétition dans la cour de Guével, rue Jules Ferry. 1953

Avant le départ en Norvège en 1954. A gauche, Dhainaut, Hansen. A droite R.Tostivint.

 
Michel Dhainaut. 1954

Michel Dhainaut à droite, Ouest-France 30 janvier 1956


En 1961, il est présent avec ses photos sur le stand de la Bretagne à l'exposition internationale de Munich en Allemagne avec son collègue et ami de Saint-Brieuc, le potier Roland Tostivint.

Il fonde en 1962, à Saint-Brieuc, l’association Oaled Abherve (Foyer Abherve, du nom du barde briochin François Vallée) et en devient le président. Cette association propose des cours de breton, une chorale, des conférences, visites guidées, une bibliothèque etc. Elle deviendra plus tard le Centre Culturel breton Abherve. Michel Dhénaut en aura assuré la présidence entre 1963 et 1966 et de 1995 à 2005.

 

Anniversaire du Centre culturel breton. 15 décembre 2022 Ouest-France

 
Avec la photo, Michel Dhainaut peut réunir ses deux passions car il va réaliser des expositions où il met en valeur la vie quotidienne en Bretagne, la culture, la nature et l’art sacré. Plusieurs publications, des Archives départementales ou du Diocèse, montrent l’étendue de son talent. 

 




Michel Dhainaut est aussi un photographe attitré des éditions Flohic pour des ouvrages recensant le Patrimoine des communes de France pour les Côtes-d’Armor, le Finistère, l’Ille-et-Vilaine, la Loire-Atlantique et le Bas-Rhin. Il participe aussi à la publication sur le Patrimoine de l’Éducation nationale.


Notons également que les Archives départementales des Côtes d’Armor ont fait l’acquisition du fonds de photographies argentiques de Michel Dhainaut (un exemple ci-dessous).


Infatigable et passionné, à 90 ans il continue de photographier sur le terrain et à monter lui-même des expositions sur les thèmes qui lui sont chers.

Michel Dhainaut chez lui à Saint-Brieuc. Photo RF 2 Mars 2023


Quelques ouvrages de Michel Dhainaut :
 

Au-delà du cliché. Les Côtes d'Armor du photographe Michel Dhainaut. Portrait d'un territoire (1960-1990), par Michel Dhainaut, 48 pages, paru en 2010. Conseil Général des Côtes D'Armor.
 

Pierres & bois sacrés du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier. Arts-Religieux.
 

Le Patrimoine des Côtes d’Armor, éditions Flohic, deux volumes.

Fonds Michel Dhainaut 5I Fi
. Photographies en noir et blanc. Archives départementales des Côtes d'Armor.

Michel Dhainaut en 2022 "Pierres et bois sacrés" à Ti ar vro
 

 

Le saviez-vous ?

La Bretagne, Michel Dhénaut la connaît bien depuis que vers 17-18 ans, il en a fait le tour en vélo pendant un été et en campant tous les soirs sous sa tente.

 

Encore une superbe photo de Michel Dhainaut !

 


A retrouver sur ce blog 

Jules Hamonet, photographe à Saint-Brieuc, cliquer ici

 

 

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Si vous avez des remarques, merci d'utiliser le formulaire de contact. 

 

Sources

Entretiens avec Michel Dhainaut. 2023

Recherches dans les archives de Ouest-France.

Biographie complétée à l’aide des renseignements fournis dans la brochure « Au-delà du cliché ».

 

 
 

dimanche 5 mars 2023

Yves Blivet, artisan à Robien, président des Amis de la Paix à Saint-Brieuc en 1931

 

 

Yves Blivet est né le 25 septembre 1876 à Loudéac. Il habite à Rennes de 1900 à 1906, est domicilié à Quintin de 1906 à 1919 puis arrive à Saint-Brieuc, rue Brizeux, après la guerre en mars 1919.

Dans le recensement de 1934, on découvre qu’il est inscrit comme Peintre en lettres-Décorateur au 28 rue Aristide Briand, dans la galerie commerciale de Robien. En 1936, il est directeur commercial, toujours à la même adresse alors que son gendre et sa fille, Jean et Marie Jalet, tiennent la mercerie. Voilà sur le plan professionnel.

La mercerie Jalet-Blivet, 28 rue Aristide Briand

En 1932, Yves Blivet, devient le Président du Comité des Amis de la Paix à Saint-Brieuc. C’est un nouveau mouvement qui émerge dans les années 30, dans la vague pacifiste qui suit la Première guerre mondiale.
En tant qu’ancien combattant de 14-18, du 4 août 1914 au 29 janvier janvier 1919, Yves Blivet sait ce qu’il en est de la guerre. Il effectue tout d'abord son service militaire du 15 novembre 1897 au 24 septembre 1900.

Il reçoit la Croix de guerre le 7 décembre 1916 en tant que sous-officier. Il est cité à l'ordre du régiment pour son courage sous un bombardement accompagné de gaz toxiques le 1er juin 1918. Enfin, il reçoit la Médaille militaire en 1921(Journal Officiel du 21 janvier 1921).

Fiche de recensement militaire Yves Blivet 1896 Archives départementales.

 

 

"L'affirmation de la paix est le plus grand des combats".     

Jean Jaurès

 

 

La croisade de la jeunesse pour la Paix. 1929

 

De nombreuses personnes en France sont traumatisées par la guerre 14-18 et veulent tout faire pour qu’un tel désastre ne se reproduise plus. C’est ainsi que se met en place La croisade de la jeunesse pour la Paix en 1929. Ce mouvement va diffuser un message de paix dans tout l’Ouest de la France à Brest, Morlaix, Saint-Brieuc, Rennes, du 16 au 31 août de l’année 1929. Et l’originalité est d’y trouver de jeunes allemands !
Ils partent le 18 de Morlaix, s’arrêtent dans de nombreux villages, campent et arrivent à pied le 21 à Saint-Brieuc.
 

Le 22 août, ils tiennent une grande réunion dans la salle des fêtes de la mairie sous la présidence de M. Servain, maire de Saint-Brieuc. Dans les différentes organisations partenaires on trouve le Parti socialiste, la fédération des mutilés, la ligue des droits de l’Homme, la ligue de l’enseignement… L’évêque, monseigneur Serrand soutien également la manifestation.
Le pasteur Jean Scarabin fait une première intervention très applaudie ; Mme Etienne, présidente des veuves de guerre est encore plus applaudie, suivie par Mme Salonne-Le Gac revenant du congrès international des Femmes qui s’est tenu à Berlin.

Un jeune allemand de 15 ans est conspué par une partie de la foule, venue semer le désordre, puis il parvient à délivrer son message "plein de tact et de courtoisie", terminant par le mot du maréchal Foch "Non, plus de guerre ! C'est trop abominable !". (Ouest-Eclair 29 août 1929)

C'est une première étape dans la constitution d'un mouvement pour la Paix à Saint-Brieuc. Les femmes vont y tenir une place importante.


 

Le Musée de la Paix à Saint-Brieuc


Dans un deuxième temps, en 1931, l'édition du 13 décembre du journal briochin Le Réveil rend compte d’une réunion qui s’est tenue le samedi 5 décembre 1931, sous la présidence du maire M. Brilleaud, pour la venue du Musée de la Paix, présentée du 28 janvier au dimanche 31 janvier 1932. M. Castignol est l’inspirateur de cette réunion. Mlle Journot et M. Hébert font approuver que l’on dépose une gerbe au monument aux morts avec l’inscription : « Aux victimes de la guerre. Les Amis de la Paix ». 

L’article est conclu avec la formule détournée « Si tu veux la paix, prépare la paix ».

 


 

Dans le numéro suivant du 27 décembre, le ton n’est plus à la concorde ! Le docteur Paul Boyer, éditorialiste du journal Le Réveil, commence par présenter des excuses à ses lecteurs n’ayant pas vu cet article avant la publication. Dans le cas contraire il s’y serait opposé car présenter le pacifisme de manière favorable est contraire à la ligne de conduite du journal. D’ailleurs des lecteurs ont exprimé leur étonnement, voire leur irritation. 

Le docteur Boyer. Carte postale des archives municipales

 

Le docteur Boyer en profite pour régler son compte à celui qui se veut pacifiste : Considérant qu’il fera tout pour ne pas se battre, le pacifiste a « une âme d’esclave, imbécile et lâche… ce n’est qu’un idiot incapable de comprendre que les plus simples réflexes l’obligeraient à réagir, à se défendre, si mal que soit ». Ce principe de paix à tout prix « est dénué de sens commun ». Non dit-il « pour avoir la paix, il faut être capable de l’imposer, il faut être le plus fort… La fraternité est un mythe. C’est entre frères qu’on se bat la plus aisément… Le pacifisme est une hypocrisie. Il est d’origine puritaine… Le pacifisme qu’on promène sous le nom de Musée de la Paix n’a qu’un but : désarmer la France et permettre  à l’Allemagne de prendre sa revanche…». 

C'est ainsi que, dans les colonnes de son journal, le docteur Boyer exprime d'une manière directe et sans fard tout le mal qu’il pense de cette initiative des Amis de la Paix de Saint-Brieuc.

 

 

Les amis de la Paix à Saint-Brieuc

 

La Dépêche de Brest revient sur la création de ce mouvement et publie un communiqué indiquant que le 30 décembre 1931, des personnalités appartenant à tous les milieux, et sans distinction d’opinions et de croyances, des représentants d’associations de Saint-Brieuc ont fondé un groupe des « Amis de la Paix ». Son but est de faire connaître les efforts des pacifistes pour aider à sauver la paix, pour défendre des solutions de paix ; pour aider à changer les esprits.

Le président est donc Yves Blivet ; la vice-présidente Mme Étienne, institutrice et veuve de guerre ; les vice-présidents le chanoine Le Bellec, vicaire général et le pasteur Jean Scarabin ; le secrétaire Max Hébert, directeur de l’école normale.

30 décembre 1931 La Dépêche de Brest

 

Mme Étienne est institutrice, vice-présidente de l'Association des mutilés et veuves de guerre mais aussi la présidente de la section locale de l'Union Française pour le Suffrage des Femmes (U.F.S.F) depuis au moins 1929. Elle s’était fait connaître cette année-là, bravant les préjugés avec ses amies comme Mme Le Gac-Salonne, au moment des élections sénatoriales d’octobre 1929.

Un livre d'Isabelle Le Boulanger

Elles ont distribué plus de 600 tracts et journaux féministes toute la journée d’élection, aux portes du Palais de Justice de Saint-Brieuc, malgré le vent et la pluie : « Par les soins de Mme Étienne et de ses amies, les 1685 délégués et suppléants, avaient reçu le tract de l’U.F.S.F, avec la carte d’Europe montrant les Françaises presque seules non électrices". (Ouest-Eclair 25 octobre 1929) 


 

Eugène Le Bellec est né à Ploubazlanec le 19 février 1890. Elève au petit Séminaire de Tréguier, il est nommé successivement vicaire à la paroisse de Lannion en 1921, directeur au grand Séminaire de Saint-Brieuc en 1926, vicaire général du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier, archidiacre de Tréguier en 1933 et enfin évêque de Vannes le 11 octobre 1941.

Médaillon d'Eugène Le Bellec. Cathédrale de Vannes
 

Le pasteur Jean Scarabin est né le 15 novembre 1876 à Plougras dans les Côtes-du-Nord. Après ses études de théologie et deux années passées à Londres, il effectue son service militaire. Il arrive à Saint-Brieuc en 1904 pour prendre son premier poste de Pasteur et y reste jusqu’en 1908 avant de partir dans le Trégor où il prêche en breton. Il est mobilisé entre 1914 et 1916. En 1932 il effectue son retour à Saint-Brieuc, c’est là qu’il s’engage dans les Amis de la Paix.
Notons que le pasteur et son épouse auront 8 enfants dont 5 filles, qui deviendront toutes institutrices publiques.

Le pasteur Jean Scarabin en 1939

Max Hébert a combattu en 14-18, il est officier de réserve. En tant que directeur de l’école normale il perfectionne l’instruction militaire des jeunes enseignants en formation. Il apporte son concours au Souvenir Français qui installe des croix sur les tombes des militaires. C’est un patriote.
Son épouse, Mme Hébert, est la présidente de l’œuvre du vêtement de Saint-Brieuc, une importante association humanitaire dans les années 30 qui s’illustrera par exemple lors de l’accueil des réfugiés espagnols en 1937-38 au sein du comité formé par Louis Guilloux et où on trouvait l’abbé Vallée et le pasteur Crespin.
 

La composition du groupe de responsables donne un échantillon assez ouvert de la société briochine avec la présence d'hommes et de femmes, de laïcs et de catholiques, associés à des protestants.

 



Localement, ce nouveau groupe a des soutiens. Evoquant la conférence prochaine des Amis de la Paix, le ton est très favorable dans l’édition du 10 janvier 1932 de La Croix des Côtes-du-Nord : « Les intentions des dirigeants de cette œuvre nouvelle sont excellentes, nous n’en doutons pas. Nous leur souhaitons de réaliser les idées généreuses de leur programme dans le respect des droits et des intérêts français. »

 

 

La conférence de Mme Malaterre-Sellier à Lorient. Lundi 11 janvier 1932

Juste avant de venir à Saint-Brieuc la mardi 12 janvier, Mme Malaterre-Sellier participe à un grand meeting contre la guerre, organisé à Lorient par le "Cartel de la Paix" et où sont réunis pas moins de 2500 auditeurs.

Après une brève présentation, la soirée débute par l'intervention de Mme Malaterre-Sellier qui examine dans son propos le danger de la course aux armements. Elle combat aussi les nationalismes, se plaint de la faiblesse de la S.D.N...Les autres interventions vont dans le même sens avec la Ligue des Droits de l'Homme, la C.G.T, la Libre pensée, la S.F.I.O...

 

La conférence de Mme Malaterre-Sellier à Saint-Brieuc. Mardi 12 janvier 1932


Sur proposition de Mme Étienne, la venue de Germaine Malaterre-Sellier a été programmée à Saint-Brieuc le mardi 12 janvier 1932 pour lancer ce mouvement et s’exprimer sur le thème : Pour la Paix, contre la guerre. 

Le 9 janvier parait un communiqué dans La Dépêche de Brest, signé de Mme Étienne.

U.F.S.F 9 janvier 1932 La Dépêche de Brest

 

Mme Malaterre-Sellier, deuxième en partant de la gauche. Photo collection Cattanéo


Née en 1889 dans une famille bourgeoise catholique, Germaine Malaterre-Sellier devient une infirmière à la conduite héroïque en 14-18. Son fiancé est tué sur le champ de bataille et en 1917 elle épouse un officier rencontré dans un hôpital. Elle est marquée à tout jamais par les horreurs de la guerre et s’engage après l’Armistice dans le féminisme, la cause européenne, la réconciliation franco-allemande et le pacifisme. En 1927 elle devient la présidente de la section de la Paix du Conseil National des Femmes Françaises (CNFF).

Nous n'avons pas le compte-rendu précis du contenu de la conférence de  Mme Malaterre-Sellier mais une semaine plus tard, La Dépêche de Brest publie quelques réflexions enthousiastes du rédacteur de l'article.

Mme Malaterre-Sellier à Saint-Brieuc 19 janvier 1932 La Dépêche de Brest

 

 

La fin des amis de la Paix

La presse locale ne mentionne malheureusement plus les activités de ce comité dans les mois et les années qui suivent cette conférence. Yves Blivet n'aura peut-être été qu'un éphémère président de cette association ?

Mais certains membres feront parler d'eux sur le même sujet. On sait que Max Hébert va continuer de s’engager publiquement, comme par exemple le 30 novembre 1938 où il anime une conférence à la Maison du Peuple sur le thème : "Après Munich, construire la Paix. Les problèmes de l’Europe centrale, la France et l’Allemagne". C’est l’Union Française pour le suffrage des femmes, avec à sa tête Mme Étienne, l'institutrice, qui organise cette conférence.

 

Conférence de Max Hébert 27 novembre 1938 Ouest-Eclair
 

 

En tant que présidente de la section locale pour le suffrage des femmes, Mme Etienne organise la venue à l’Hôtel de France à Saint-Brieuc d’une conférencière le 5 janvier 1935. Mlle Yvonne Ripa de Roveredo, peintre et graveuse, traite ce jour là du sujet de  "L’entraide parmi les femmes".
 

Mme Etienne. 5 janvier 1935 Ouest-Eclair


Quant à Mme Malaterre-Sellier, elle ne ménagera pas ses efforts pour faire avancer la cause des femmes et celle de la paix. 

Ces pacifistes, amis de la Paix, enthousiastes en 1931, n'étaient pas prêt à baisser les bras même si les circonstances n'étaient pas les plus faciles. Quelques années plus tard, ils allaient pouvoir rentrer en résistance...

 


 

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Sources
 

Recherches dans les archives des journaux suivants : La Dépêche de Brest, Le Réveil, La Croix des Côtes-du-Nord. 

Blog de l'histoire des protestants dans les Côtes d'Armor, biographie complète de Jean Scarabin, cliquer ici 

Photo du docteur Boyer, archives municipales, 8fi246. 

Site des archives départementales. Recensement militaire, Yves Blivet, matricule 662, registre 2, vue 215, cliquer ici



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